Duc de Raguse a écrit :
Effectivement, juger n'est pas vraiment du ressort de l'historien.
Comme bilan - simple et concis - je retiendrai le maintien des principaux idéaux de 1789 et de leur propagation à travers une Europe continentale encore fortement teintée par les privilèges et l'absolutisme.
Quand je vous lis (je vous cite, cher Duc, mais ce qui suit ne vous est pas adressé), on pense évidemment à la célèbre sentence de Bonaparte, le 24 frimaire, lorsque fut présentée la Constitution « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qu’ils l’ont commencée : elle est finie. »
Sauf que bien évidemment, il y a un biais dans cette sentence : les idéaux de 1789 ne sont qu’une partie des « acquis » de la Révolution.
Le coup d’Etat de Brumaire casse les reins des aspirations démocratiques d’une partie non négligeable du peuple français et ce qui suit, 1802, 1804, ce n’est rien moins que l’assassinat de la République et l’instauration d’une dictature (et non une « dictature militaire », comme on le lit trop souvent). Les intellectuels de la
Décade philosophique, pourtant premiers soutiens de Bonaparte, on vite compris qu’ils avaient été grugés.
Lorsque surgit Bonaparte, la France était en train de pérenniser ces fameux acquis de 1789, avec un Directoire bien moins inepte qu’on l’a trop souvent prétendu (on suivra avec attention les remarquables travaux de Pierre Serna à ce sujet). Il impose l’ordre par la force, avec une clique de pompiers pyromanes, et engage la Nation dans une aventure militaire catastrophique qui se conclue par une restauration de la monarchie.
On peut, je pense, sans juger, en historien, et pour faire court, considérer que son bilan est très mitigé, dès lors qu’on l’analyse sans romantisme. S’il contribua à accélérer un processus, Bonaparte n’en était pas l’initiateur, comme l’on montré nombre de travaux sur le Directoire au cours des vingt dernières années.
Et loin de moi l’idée de nier qu’il demeure une figure fascinante pour les amateurs d’histoire militaire, et un problème historique extraordinaire à analyser, mais évoquer cette figure en parlant de « héros » ou de « prophète », tout de même, ce n’est pas bien sérieux.
Napoleon est surtout, me semble-t-il, un personnage qui flatte l’orgueil national.