Nous sommes actuellement le 28 Mars 2024 19:28

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 89 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 05 Jan 2021 12:57 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 11 Oct 2020 17:26
Message(s) : 26
Artigas a écrit :
Pour en revenir au bilan de Napoléon, Lionel Jospin affirme que Napoléon avait remis en cause l'égalité notamment entre les citoyens en rétablissant le système du "remplacement" face au devoir militaire. L'égalité entre hommes et femmes est remise en cause, car celles-ci sont ramenées dans le Code civil au rang de mineures. Pour Jean Tulard, Napoléon a sauvé la Révolution à plusieurs reprises: il se range aux côtés des robespierristes au siège de Toulon, le 13 Vendémiaire, alors que l'insurrection royaliste marché sur la Convention. C'est Bonaparte qui écrase la sédition; et lorsque enfin, de façon plus sérieuse se prépare le coup d'État du 18 fructidor, c'est encore Bonaparte qui vole au secours du Directoire.


Un mot sur votre formulation, qui peut prêter à confusion. Le coup d’Etat du 18 fructidor est l’oeuvre des Directeurs, pas des députés royalistes, élus légalement (enfin, aussi légalement qu’il était concevable à l'époque, avec toutes les fraudes qu’on peut imaginer). Bonaparte ne vole pas au secours du Directoire, il est alors en Italie. Il a interrogé le comte d’Antraigues, agent secret royaliste, à Milan, et informé le Directoire d’un complot royaliste auquel participerait le général Pichegru. A cette époque, les royalistes, très divisés, ont envisagé le coup de force, mais ont parié, à raison, sur leur succès législatif. Le coup de force royaliste n’était donc plus d’actualité. La victoire royaliste dans les urnes divise les cinq Directeurs, avec Carnot et Barthélémy penchant vers les royalistes, Reubell et La Revelliére-Lepeaux républicains. Le rôle de Bonaparte a surtout consisté à pousser Barras, vraie girouette, à se rallier au camp républicain, permettant la réalisation du coup d’Etat. Son rôle est donc plutôt aux marges de l’événement.

_________________
« Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans. »


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 13:02 
Hors-ligne
Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4404
Localisation : Versailles
Sans être un expert du coup d'état de Fructidor, je croyais pourtant que Bonaparte avait envoyé Augereau à Paris pour sauver la République.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 13:20 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 11 Oct 2020 17:26
Message(s) : 26
Jerôme a écrit :
Sans être un expert du coup d'état de Fructidor, je croyais pourtant que Bonaparte avait envoyé Augereau à Paris pour sauver la République.


Certes, mais ce sont bien les trois Directeurs républicains, et en particulier Barras, qui sont à l’origine du coup de force. Ce sont eux qui prennent les initiatives. Bonaparte joue son rôle de soutien militaire, avec Augereau à Paris, répondant à l’appel des Directeurs, ce qui va d’ailleurs créer un dangereux précédent. De là à formuler « Bonaparte vole au secours de la République » ou « sauve le Directoire », il y a un pas que je ne franchirai pas. Je pense même plutôt que ce recours à l'armée pour casser des élections a participé à affaiblir le régime et ouvert la voie pour le coup d’Etat de Brumaire.

_________________
« Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans. »


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 14:58 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard

Inscription : 01 Déc 2007 12:34
Message(s) : 899
Bonjour Jefferson. Voici ce qu'affirmait Jean Tulard mot pour mot dans le numéro 401 pour le débat entre lui, Lionel Jospin et Michel Winock dans la revue L'Histoire, p. 107:
Citer :
Finalement, Bonaparte se range aux côtés des robespierristes au siège de Toulon; le 13 Vendémiaire, alors que l'insurrection royaliste marche sur la Convention , c'est Bonaparte qui écrase la sédition; et lorsque, enfin, de façon plus sérieuse, se prépare le coup d'État du 18 Fructidor, c'est Bonaparte qui vole au secours du Directoire.
Jean Tulard est quelque peu en l'occurrence approximatif. Il aurait dû affirmer que Bonaparte intervient de manière indirecte en effet pour le 18 Fructidor. Cordialement.

_________________
''L'histoire, je le crains, ne nous permet guère de prévoir, mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir.'' Paul Valéry


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 15:51 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 11 Oct 2020 17:26
Message(s) : 26
Artigas a écrit :
Bonjour Jefferson. Voici ce qu'affirmait Jean Tulard mot pour mot dans le numéro 401 pour le débat entre lui, Lionel Jospin et Michel Winock dans la revue L'Histoire, p. 107:
Citer :
Finalement, Bonaparte se range aux côtés des robespierristes au siège de Toulon; le 13 Vendémiaire, alors que l'insurrection royaliste marche sur la Convention , c'est Bonaparte qui écrase la sédition; et lorsque, enfin, de façon plus sérieuse, se prépare le coup d'État du 18 Fructidor, c'est Bonaparte qui vole au secours du Directoire.
Jean Tulard est quelque peu en l'occurrence approximatif. Il aurait dû affirmer que Bonaparte intervient de manière indirecte en effet pour le 18 Fructidor. Cordialement.


Jusqu’a Brumaire, j’ai l’impression surtout que Bonaparte a eu la chance inouïe de se trouver toujours au bon endroit au bon moment, et bien sûr d’avoir le talent d’exploiter ces opportunités offertes par la fortune pour se rendre indispensable. Politiquement tout au moins, c’est un opportuniste. À Toulon en 1793, à Paris le 13 vendémiaire, en tombant sur d’Antraigues en Italie, en étant appelé pour soutenir le coup d’Etat du 18 fructidor, en étant choisi par Sieyès à la recherche de son « épée » après la mort de Joubert. Mais il faut bien reconnaître qu’avant Brumaire, il n’est que cela, une épée, un acteur parmi d’autres, et pas le plus important. Il y a quelque chose de téléologique, me semble-t-il, à vouloir en faire un acteur majeur avant 1799.

_________________
« Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans. »


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 16:35 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Citer :
Mais il faut bien reconnaître qu’avant Brumaire, il n’est que cela, une épée, un acteur parmi d’autres, et pas le plus important. Il y a quelque chose de téléologique, me semble-t-il, à vouloir en faire un acteur majeur avant 1799.

Il faut reconnaitre que durant la campagne d'Italie, il s'affranchit un peu de Paris lors des traités, aucun rappel ne lui est fait concernant des limites dans ce qui est déjà le début de "pouvoir(s)".

Il éprouve le besoin de s'éloigner (Campagne d'Egypte) afin de ne pas trop -semble-t-il- être considéré comme la simple "épée", ne pas toujours être le recourt d'un système et -peut être- laisser ce système se déliter de lui-même : tant qu'à faire sauver quelque chose, aller un peu plus loin et créer un système qui "tienne". Il semble aussi que son nom commence à lasser dans les hautes sphères. C'est donc que, déjà, les politiques sentent en lui un danger dû à un potentiel autant politique que militaire : là est le problème pour certains, la solution pour d'autres.
Jouer au gendarme n'est plus de mise en ce qui le concerne. S'inscrire dans la durée doit déjà le titiller tout comme estimer que le Directoire est un système bancal, une sorte "trait d'union". En ceci, il rejoint les aspirations d'une large frange populaire. Le fruit sera donc à cueillir, il suffit d'attendre le bon moment.

*-*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 17:17 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Artigas a écrit :
Pour lui, Napoléon mena une politique de démesuré qui dépassa totalement les moyens de la France.


L'avis de lentz (Nouvelle histoire du Premier Empire, T.3 La France et l'Europe de Napoléon 1804-1814) :
"L'histoire du système napoléonien confirme que lorsqu'un empire veut dominer un ensemble d'autres puissances, il ne peut le faire qu'en instituant un système de compensations. Une fois la prépondérance installée, celui qui en bénéficie doit faire preuve de sagesse, se fixer des buts finis et admettre que le maintien de sa position peut passer par des compromis. Il doit, si l'on ose dire, "relâcher la pression" sur les dominés afin de les convaincre des bienfaits relatifs de leur situation. C'est à ce prix que se maintient chez eux l'acceptation d'une situation à priori défavorable, par l'adhésion au moindre mal en quelque sorte. C'est à ce prix aussi que les conflits restent bilatéraux, ce qui permet au "dominateur" de maintenir sa position par la neutralisation des acteurs ne prenant pas part à ces conflits (au nom des intérêts, principal moteur des relations interétatiques). Sans la conscience que l'abus de puissance aboutit à l'échec, l'aventure hégémonique s'achève invariablement par la constitution d'une vaste coalition qui, pour peur qu'elle fasse preuve de détermination, d'habilité et de patience, finit toujours par être victorieuse."

"l'abus de puissance" pointé du doigt par Lentz n'est pas sans faire penser à cet aveu hélènien rapporté par Bertrand dans ses Cahiers :
"J'aimais plus la puissance que la gloire."

Or cette quête de puissance n'allait guère de paire avec une paix durable.
Ainsi, Napoléon écrivait à Joseph le 13 décembre 1805 :
« La paix est un mot vide de sens ; c'est une paix glorieuse qu'il nous faut.»

Et la paix fut certes glorieuse, mais portait en elle les germes des conflits à venir.

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 05 Jan 2021 19:38 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Drouet Cyril a écrit :
"l'abus de puissance" pointé du doigt par Lentz n'est pas sans faire penser à cet aveu hélènien rapporté par Bertrand dans ses Cahiers : "J'aimais plus la puissance que la gloire."

C'est humain.
La gloire amène la puissance ou une certaine puissance ou encore certains pouvoirs. Elle possède un effet miroir pour le peuple. Le chef gagne et le groupe s'en trouve rehaussé. Il existe une sorte de partage qui entretient -à défaut d'équivalence-de pacte renouvelé.
La puissance est personnelle, ne se partage pas et entraîne une dynamique souvent mortifère.
On peut être -comme ce fut le cas sous l'empire et autres périodes- sujets d'un Etat puissant et pourtant "traîner des pieds".
S'affirmer "puissant" (aimer la puissance, le dire et le montrer) est déjà considéré comme un début d'humiliation à qui doit subir souvent plus de force que de gré. Il est évident que ceci n'a qu'un temps, ne serait-ce qu'à travers des incontournables : l'âge, la relève (bonne ou médiocre mais elle attend), le besoin naturel -chez une élite- de s'affranchir, la nécessité politique de mettre fin à cette puissance déstabilisante à tous niveaux etc.

Les "puissants" à cette époque sont issus d'un sérail. Nul besoin de gloire : le berceau est la marque. Qu'un Bonaparte devienne "puissant" chez lui, c'est un peu gênant ; le plus "puissant" chez le voisin : il est évident que ceci va à l'encontre de la "normalité" et risque d'initier de fâcheuses ambitions au sein des Maisons régnantes.
On le verra dans plusieurs : Romanov -ce qui entraînera des problèmes avec la branche à laquelle le gvt de la Pologne sera attribué- ; Habsbourg -ce qui initiera des problèmes avec la branche palatine de Hongrie et un relâchement chez celle de Toscane-. On ne peut nier qu'il y eut un "avant" et un "après" pas spécialement dus à la RF -qui a su étonner mais s'est vite discréditée- mais bien à Napoléon Ier.

*-*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Jan 2021 9:32 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Rebecca West a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
"l'abus de puissance" pointé du doigt par Lentz n'est pas sans faire penser à cet aveu hélènien rapporté par Bertrand dans ses Cahiers : "J'aimais plus la puissance que la gloire."

C'est humain.


C'est justement ce qu'a dit Napoléon où il prononça ces mots face à Bertrand :
"J'étais précisément un homme et rien que cela."

Humain certes ; mais reste à modérer de pareils sentiments en matière de politique extérieure afin de ne pas s'engager dans une spirale susceptible de devenir fatale...

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Jan 2021 13:42 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Drouet Cyril a écrit :
Humain certes ; mais reste à modérer de pareils sentiments en matière de politique extérieure afin de ne pas s'engager dans une spirale susceptible de devenir fatale...

Le problème est que cette dynamique semble toujours mortifère. Comment modérer un dynamique ?
Ce qui faisait "Bonaparte" est derrière et devient "détails" pour Napoléon. La dynamique s'emballe d'autant qu'en face elle est vue comme une anormalité. On veut effacer cette anomalie et il est tout à fait évident que l'anomalie en question ne va pas se laisser effacer ainsi.
Nous n'en sommes plus au stade de la "modération" lorsqu'on tient les rênes. Se montrer modéré prend un sens détestable à savoir "céder". Comment peut-on céder quand justement le personnage (NB) cherche à contrôler ? Il est apaisé lorsqu'il contrôle. Ceci lui permet de se projeter. Plus de projet(s) ----> plus d'élan vital : c'est un homme fini.

La phase de la compensation évoquée par Lentz, Napoléon l'a éprouvée. Il a "compensé" selon sa manière d'être, de penser et d'agir. Les compensations furent pour ses proches : sa famille. Des trônes ici et là mais toujours dans cette optique de ne pas lâcher tout à fait, d'avoir un oeil sur...
Son fonctionnement ne lui permettait pas de prendre en compte des personnes qui l'agressent et sont vaincues. Il est dans sa logique : on est vaincu, il faut "payer" et c'est le vainqueur qui présente l'addition, addition dans laquelle passent aussi des sentiments personnels.
C'est ceci qui va le perdre : il n'a pas l'habitude du fonctionnement d'un souverain élevé dans le sérail avec un pedigree palpable. Il garde un besoin viscéral d'être "reconnu". On le voit dans son appréciation modérée par Talleyrand sur le "parterre de rois". L'un (Talleyrand) est un habitué de ce milieu, l'autre (NB) s'est hissé.
On le voit aussi dans cette volonté, en Russie, d'en découdre face à face. Il a bien dû comprendre au bout d'un moment que ce face à face il ne l'aurait pas. Mais là c'est le déçu/doublé de Tilsitt qui prend le pas ce qui obère toute rationalité dans la réflexion.
Maintenant ce n'est que ma vision des choses.

*-*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Jan 2021 21:00 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Mars 2005 10:34
Message(s) : 2291
Localisation : Nanterre
Peut-on dire que l'avènement de Napoléon et sa chute constitue le meilleur scénario possible pour la consolidation des acquis de la révolution et les progrès de la démocratie ?

La République est un régime inédit dans un pays de la taille et de la population de la France. Avant Napoléon, il vivote tant bien que mal après son épisode sanglant de la Terreur, entre disettes, guerres civiles (chouans) et les guerres extérieures. La question sur laquelle a chuté Louis XVI a été tranchée : la dette colossale de l'Etat a été tout simplement amputée des Deux Tiers.

Napoléon redonne à la France sa stabilité, et la dote d'institutions solides. Surtout, avec son armée et ses officiers pour la plupart d'origine modeste, il ridiculise l'ensemble des classes nobles du continent. Il donne une réalité géopolitique au "peuple", répandant les idées d'égalité et de nation dans toute l'Europe.

Au niveau mondial, n'oublions pas qu'il est à l'origine de l'indépendance de l'Amérique Latine. Les colonies espagnoles s'émancipent à la suite de l'invasion de l'Espagne, et le Brésil, de manière assez cocasse doit son indépendance à la famille royale portugaise qui y a fuit Napoléon, puis à renâclé à rentrer ! lol
Ces territoires émancipés vont bientôt voir apparaître un nouveau type de gouvernant : le dictateur militaire, dont la légitimité vient de sa mainmise sur l'armée et son succès sur les champs de bataille.

Or, je me demande si un Napoléon, vainqueur et vieillissant, n'aurait pas fini comme dictateur militaire, cadenassant la société à l'aide d'une classe de nobles d'empire qui n'aurait eu de cesse de rétablir des privilèges à leur profit. Le régime aurait pu se rendre odieux, comme l'a fait celui de Cromwell en Angleterre, enterrant pour de bon l'idée de république au Royaume-Uni. En "assassinant l'empire", les coalisés ont empêché les idéaux républicains d'être étouffés, et enterré du même coup la légitimité de la royauté : en France, même si les Bourbons sont restaurés, ce n'est plus qu'un régime parmi d'autres possibles, et ses fondements sont extrêmement fragilisés.

Votre avis là-dessus ?

_________________
Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Jan 2021 17:57 
Hors-ligne
Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 06 Fév 2004 7:08
Message(s) : 3532
Nebuchadnezar a écrit :
Or, je me demande si un Napoléon, vainqueur et vieillissant, n'aurait pas fini comme dictateur militaire, cadenassant la société à l'aide d'une classe de nobles d'empire qui n'aurait eu de cesse de rétablir des privilèges à leur profit.


N'étant en rien un adepte des pronostics whatifiens, je vais laisser la parole au premier intéressé (ou tout du moins tel que le présente Las Cases dans son Mémorial...) :
« La paix dans Moscou accomplissait et terminait mes expéditions de guerre. C'était, pour la grande cause, la fin des hasards et le commencement de la sécurité. Un nouvel horizon, de nouveaux travaux allaient se dérouler, tout pleins du bien-être et de la prospérité de tous. Le système européen se trouvait fondé; il n'était plus question que de l'organiser.
Satisfait sur ces grands points, et tranquille partout, j'aurais eu aussi mon congrès et ma sainte-alliance. Ce sont des idées qu'on m'a volées. Dans cette réunion de tous les souverains, nous eussions traité de nos intérêts en famille, et compté de clerc à maître avec les peuples.
La cause du siècle était gagnée, la révolution accomplie; il ne s'agissait plus que de la raccommoder avec ce qu'elle n'avait pas détruit. Or, cet ouvrage m'appartenait; je l'avais préparé de longue main aux dépens de ma popularité peut-être. N'importe. Je devenais l'arche de l'ancienne et de la nouvelle alliance, le médiateur naturel entre l'ancien et le nouvel ordre de choses. J'avais les principes et la confiance de l'un ; je m'étais identifié avec l'autre; j'appartenais à tous deux; j'aurais fait en conscience la part de chacun.
"Ma gloire eût été dans mon équité."
Et après avoir énuméré ce qu'il eût proposé de souverain à souverain, et de souverains à peuple. Forts comme nous l'étions, continuait-il, tout ce que nous eussions concédé eût semblé grand. Il nous eût mérité la reconnaissance des peuples. Aujourd'hui, ce qu'ils arracheront ne leur semblera jamais assez, et ils ne cesseront de se défier, ni d'être mécontents.
Il passait ensuite en revue ce qu'il eût proposé pour la prospérité, les intérêts, la jouissance, et le bien-être de l'association Européenne. Il eût voulu les mêmes principes, le même système partout. Un Code Européen ; une Cour de Cassation Européenne, redressant, pour tous, les erreurs, comme la nôtre redresse chez nous celles de nos tribunaux. Une même monnaie sous des coins différents; les mêmes poids, les mêmes mesures, les mêmes lois, etc. etc.
L'Europe, disait-il, n'eût bientôt fait de la sorte véritablement qu'un même peuple, et chacun en voyageant, partout se fût trouvé toujours dans la patrie commune.
Il eût demandé toutes les rivières navigables pour tous ; la communauté des mers ; que les grandes armées permanentes fussent réduites désormais à la seule garde des souverains, etc. etc.
Enfin, c'était une foule d'idées, la plupart nouvelles ; les unes des plus simples, d'autres tout à fait sublimes, sur les diverses branches politiques, civiles, législatives; sur la religion, les arts, le commerce: elles embrassaient tout.
Il a conclu: De retour en France, au sein de la patrie, grande, forte, magnifique, tranquille, glorieuse, j'eusse proclamé ses limites immuables; toute guerre future, purement défensive; tout "agrandissement nouveau, anti-national. J'eusse associé mon fils à l'Empire; ma dictature eût fini, et son règne constitutionnel eût commencé...
Paris eût été la capitale du monde, et les "Français l'envie des nations !....
Mes loisirs ensuite et mes vieux jours eussent été consacrés, en compagnie de l'Impératrice, et durant l'apprentissage royal de mon fils, à visiter lentement et en vrai couple campagnard, avec nos propres chevaux, tous les recoins de l'Empire; recevant les plaintes, redressant les torts, semant de toutes parts, et partout, les monuments et les bienfaits !... Mon cher, voilà encore de mes rêves ! ! ! »

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Jan 2021 7:23 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
Message(s) : 2683
Je suis par principe prudent sur les What if ainsi que sur les propos tenus à Sainte Hélène mais je suis intéressé par l'hypothèse de Nebuchadzar. Cela dit, je voudrais mettre en avant un élément qui me semble important : nous etions sous l'empire à l'orée de la révolution industrielle.

L'empereur était très intéressé par le développement technique et industriel. Peut-être aurait il encouragé un décollage economique qui aurait d'ailleurs été rendu certainement plus facile par la possession des houillères belges et par la disponibilité de capitaux privés (les 3 milliards de l'indemnité versée aux Alliés en 1815).

Donc je pense probable un régime resté autoritaire sur le plan politique mais dans un cadre économique et social qui aurait pu être nettement plus capitaliste et libéral.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Jan 2021 11:11 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 11 Oct 2020 17:26
Message(s) : 26
Drouet Cyril a écrit :
Nebuchadnezar a écrit :
Or, je me demande si un Napoléon, vainqueur et vieillissant, n'aurait pas fini comme dictateur militaire, cadenassant la société à l'aide d'une classe de nobles d'empire qui n'aurait eu de cesse de rétablir des privilèges à leur profit.


N'étant en rien un adepte des pronostics whatifiens, je vais laisser la parole au premier intéressé (ou tout du moins tel que le présente Las Cases dans son Mémorial...) :
« La paix dans Moscou accomplissait et terminait mes expéditions de guerre. C'était, pour la grande cause, la fin des hasards et le commencement de la sécurité. Un nouvel horizon, de nouveaux travaux allaient se dérouler, tout pleins du bien-être et de la prospérité de tous. Le système européen se trouvait fondé; il n'était plus question que de l'organiser.
Satisfait sur ces grands points, et tranquille partout, j'aurais eu aussi mon congrès et ma sainte-alliance. Ce sont des idées qu'on m'a volées. Dans cette réunion de tous les souverains, nous eussions traité de nos intérêts en famille, et compté de clerc à maître avec les peuples.
La cause du siècle était gagnée, la révolution accomplie; il ne s'agissait plus que de la raccommoder avec ce qu'elle n'avait pas détruit. Or, cet ouvrage m'appartenait; je l'avais préparé de longue main aux dépens de ma popularité peut-être. N'importe. Je devenais l'arche de l'ancienne et de la nouvelle alliance, le médiateur naturel entre l'ancien et le nouvel ordre de choses. J'avais les principes et la confiance de l'un ; je m'étais identifié avec l'autre; j'appartenais à tous deux; j'aurais fait en conscience la part de chacun.
"Ma gloire eût été dans mon équité."
Et après avoir énuméré ce qu'il eût proposé de souverain à souverain, et de souverains à peuple. Forts comme nous l'étions, continuait-il, tout ce que nous eussions concédé eût semblé grand. Il nous eût mérité la reconnaissance des peuples. Aujourd'hui, ce qu'ils arracheront ne leur semblera jamais assez, et ils ne cesseront de se défier, ni d'être mécontents.
Il passait ensuite en revue ce qu'il eût proposé pour la prospérité, les intérêts, la jouissance, et le bien-être de l'association Européenne. Il eût voulu les mêmes principes, le même système partout. Un Code Européen ; une Cour de Cassation Européenne, redressant, pour tous, les erreurs, comme la nôtre redresse chez nous celles de nos tribunaux. Une même monnaie sous des coins différents; les mêmes poids, les mêmes mesures, les mêmes lois, etc. etc.
L'Europe, disait-il, n'eût bientôt fait de la sorte véritablement qu'un même peuple, et chacun en voyageant, partout se fût trouvé toujours dans la patrie commune.
Il eût demandé toutes les rivières navigables pour tous ; la communauté des mers ; que les grandes armées permanentes fussent réduites désormais à la seule garde des souverains, etc. etc.
Enfin, c'était une foule d'idées, la plupart nouvelles ; les unes des plus simples, d'autres tout à fait sublimes, sur les diverses branches politiques, civiles, législatives; sur la religion, les arts, le commerce: elles embrassaient tout.
Il a conclu: De retour en France, au sein de la patrie, grande, forte, magnifique, tranquille, glorieuse, j'eusse proclamé ses limites immuables; toute guerre future, purement défensive; tout "agrandissement nouveau, anti-national. J'eusse associé mon fils à l'Empire; ma dictature eût fini, et son règne constitutionnel eût commencé...
Paris eût été la capitale du monde, et les "Français l'envie des nations !....
Mes loisirs ensuite et mes vieux jours eussent été consacrés, en compagnie de l'Impératrice, et durant l'apprentissage royal de mon fils, à visiter lentement et en vrai couple campagnard, avec nos propres chevaux, tous les recoins de l'Empire; recevant les plaintes, redressant les torts, semant de toutes parts, et partout, les monuments et les bienfaits !... Mon cher, voilà encore de mes rêves ! ! ! »


N’ayant jamais lu le Mémorial, je ne connaissais pas ce texte. Merci pour ce partage, Drouet Cyril. Quel souffle whatifien ! De la matière pour une bonne dizaine de toiles signées David, que l’on pourrait aujourd’hui admirer ici ou là en songeant à ce XIXème siècle édénique.

Les Anglais, demeurés à l'écart de cette Europe de conte de fée, y auraient sans doute trouvé matière pour un demi-siècle de caricature :)

_________________
« Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans. »


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Jan 2021 12:07 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
Drouet Cyril a écrit :
« La paix dans Moscou accomplissait et terminait mes expéditions de guerre. C'était, pour la grande cause, la fin des hasards et le commencement de la sécurité. ... j'aurais eu ... Ce sont des idées qu'on m'a volées. ... cet ouvrage m'appartenait ; je l 'avais préparé ... Je devenais l'arche ... J'avais ... je m'étais ; j'appartenais ... J'eusse associé mon fils à l'Empire ... Paris eût été la capitale du monde, et les "Français l'envie des nations !....

Bref : tout continue de tourner autour de sa personne. Il était vraiment temps que ceci s'arrête ; sans compter que le fils était loin mais alors très, très loin d'avoir les talents et capacités du père d'il fut un temps.

*-*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 89 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 17 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB