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Message Publié : 25 Jan 2022 20:45 
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Difficile de répondre à tout ceci - que de messages en si peu de temps ! - sans perdre sens et cohérence.
Merci à vous Cyril pour ces citations - fort surprenantes - de propos prononcés par les ministres des Affaires étrangères d'Autriche et d'Angleterre.
Tout ce que j'avais lu concernant cette entrevue semble donc contredit : Castlereagh ne semble nullement soutenir les prétentions de Louis XVIII - bien au contraire, il ne semble pas en vouloir - et Metternich semble avoir oublié la carte Napoléon, que certains auteurs lui font encore sortir avant l'entrée des coalisés dans Paris le 31 mars et ne semble, finalement, pas opposé au retour de Louis XVIII.
A y perdre son latin.
Après, les diplomates aiment parfois dire le contraire de ce qu'ils pensent vraiment afin de ne pas "brusquer" et, parfois, "sonder" leurs homologues, pour parvenir finalement à leurs fins de manière détournée. Par exemple, à écouter Bismarck lors de ses échanges avec les diplomates français, il n'a cessé de dire qu'il ne souhaitait pas l'annexion de l'Alsace, alors qu'il a mené exactement la politique inverse dans les faits pendant plusieurs années.
Ce qui me fait sourire quelque peu c'est la (fausse) pudeur affichée à ce moment par les coalisés quant à leur légitimité de s'occuper du régime politique de la France. Ils n'en avaient pourtant aucune entre 1791 et 1793... mais le contexte avait changé.

Est-ce à dire que depuis 1795, chaque pays menait sa barque au sein de la coalition et avait fait évoluer ses buts de manière très pragmatique ? L'unité, factice, affichée entre eux à partir de 1791 et 1792 semble ne pas être reconduite par la suite de manière appuyée et précise.
En relisant Michelet, je suis tombé sur l'épisode de Toulon en 1793. Avant de prendre Toulon, les Anglais avaient dit aux royalistes français qu'ils prenaient cette cité au nom de Louis XVII, pour finalement hisser le drapeau anglais, une fois la ville conquise, à la grande colère des royalistes.
Bref, je vais encore regarder du côté de chez Richet/Furet et de Gaudechot.

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Message Publié : 25 Jan 2022 22:18 
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Jean Froissart
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Duc de Raguse a écrit :
... et Metternich semble avoir oublié la carte Napoléon, ... Après, les diplomates aiment parfois dire le contraire de ce qu'ils pensent vraiment afin de ne pas "brusquer" et, parfois, "sonder" leurs homologues, pour parvenir finalement à leurs fins de manière détournée.

Je ne pense pas que Metternich ait oublié la carte Napoléon, il garde : on ne sait jamais et puis l'essentiel du "travail" a été fait par la Russie : l'Angleterre comme l'Autriche, dès les premières victoires françaises se seraient retirées si le tsar n'avait pas bien fait savoir que lui, ce serait jusqu'au bout. Il était impossible -en cas de victoire- de lui laisser toute latitude pour négocier. Il apparait pour l'Autriche comme une sorte d'exalté (Metternich aura un mot le concernant très explicite). Le prince ne peut se permettre de trop afficher son souhait.
Alexandre Ier s'est "bloqué", élève de Laharpe, il croit -par bouffées- que la France doit, seule, trouver sa voie.

Le document apporté par Cyril, montre (c'est ainsi que je le comprends) -entre les lignes- que l'espoir "Napoléon" ou sa descendance n'est pas perdu pour l'Autriche. L'important -pour le moment- : donner des gages de bonne foi dans une unité des Alliés, ensuite on verra.
Il semble que là encore (mauvais retours d'informations ou autre) Metternich songe que la France va opter pour l'empereur.
La Russie s'est vite exprimée et Metternich a un peu de retard. Il faut rattraper et surtout montrer patte blanche : la volonté de retrait a laissé des traces. Si Alexandre peut oublier les égarements de la Prusse, concernant l'Autriche, c'est autre chose.

Je trouve la note autrichienne très clivante : on sent -entre les lignes- un message de défiance provoquant et en même temps un désir de jouer ses cartes difficilement réprimé. Je suis restée très étonnée.

Citer :
Est-ce à dire que depuis 1795, chaque pays menait sa barque au sein de la coalition et avait fait évoluer ses buts de manière très pragmatique ?

Non. Je ne pense pas. C'est beaucoup plus complexe : il faut s'adapter, lire les rapports, estimer, avancer ses pions, compter avec tel ou tel, savoir reculer tout en gardant la face, être des négociations en perdant le moins, développer des plans parallèles, se ménager des portes de sorties pas trop voyantes.
Il y avait un consensus, un vague consensus laissant chacun se refaire et négocier. Après la Campagne de Russie, c'est autre chose. Le tsar est autre pour des raisons personnelles et politiques : l'homme n'a jamais su cloisonner les deux.

Le pragmatisme n'est pas honteux, c'est même fort honorable puisque ceci est vu comme "bon pour son/ses peuple(s)" : les sujets sont d'éternels "enfants".
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Message Publié : 25 Jan 2022 23:24 
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Effectivement mais un objectif demeure tout de même au-delà des intérêts parfois divergeant des puissances intégrées au sein des coalitions successives entre 1792 et 1808 (au moins) : vaincre la France et lutter contres les idées révolutionnaires afin de rétablir la légitimité en Europe et en France, c'est-à-dire l'Ancien Régime.

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Message Publié : 26 Jan 2022 16:47 
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Jean Froissart
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Duc de Raguse a écrit :
Effectivement mais un objectif demeure tout de même au-delà des intérêts parfois divergeant des puissances intégrées au sein des coalitions successives entre 1792 et 1808 (au moins) : vaincre la France et lutter contres les idées révolutionnaires afin de rétablir la légitimité en Europe et en France, c'est-à-dire l'Ancien Régime.

Faire en sorte que certaines idées issues de la Révolution ne se propagent pas, c'est indéniable.
La Prusse comme la Russie, je passe sur les raisons (le post serait trop long). Je m'arrête à l'Autriche.
Léopold II ne peut -à sa grande déception- avoir les prises de position du grand-duc de Toscane qu'il était il y a peu. Ajoutez à ceci des priorités : l'économie et ses "royaumes" (ça bouge). Il avait, lui aussi, ses espoirs d'imprimer sa marque mais il y a des dossiers en attente et ces dossiers ne se ferment pas en un jour ou un mois.
Dans un premier temps, il demande à Louis XVI de lâcher un peu de lest. Il n'a pas plus de temps à lui accorder car, de son côté, il se trouve affligé d'un staff très conservateur, d'une aristocratie arc-boutée sur sa "place" et, au final, d'un trône soutenu par les Anglais. Ceci demande de la diplomatie. Ajoutez au tout qu'il n'y a pas un seul instant où il peut "faire le point" avec du recul, c'est le problème de la représentation. Il n'est jamais seul, pas même dans son intimité et ceci est le lot de tous les souverains.
On peut voir de nos jours les dégâts des réseaux sociaux. La Cour est un "réseau social" avant l'heure. Pas de sas de décompression, rien.
Léopold II va devoir s'aligner sur les conservateurs qui sont appuyés par quelques "va-t-en guerre". Il le fait à reculons et l'arrivée des immigrés va être la cerise sur le gâteau. La frange conservatrice se voit abondée de témoins des "choses".

Il va nettement changer entre l'exécution du roi et de la reine. Là, ses idées "éclairées" (il n'a pas attendu la révolution pour abolir la torture et la peine de mort en Toscane) sont heurtées. Ses essais de maintenir un statu quo n'ont plus lieu d'être d'autant que son fils est aligné sur les conservateurs. Il va céder à la pression tout simplement. Comme on ne peut pas trier, il jette le tout d'autant qu'il se rend compte que ces idées sont belles mais à l'intérieur de ses états, elles sont loin de faire l'unanimité et le tout pose problème.
Ce que veut Léopold, c'est faire en sorte que sa balance budgétaire soit telle qu'il s'émancipe des Anglais. Il sait pertinemment que l'Angleterre n'a pas digéré le coup de main passé -par la France- aux Amériques et que si Louis XVI est dans la "mouise", c'est un juste retour des choses : on va même en rajouter une couche.
Léopold II est obligé de suivre. L'Autriche est un état qui déposera le bilan, créera une planche à billets qui tournera à vide : c'est la catastrophe.

Après les exécutions des souverains de France, il ne comprend plus et là voit ce qui peut éventuellement se passer à sa porte. Il est dans la normalité qu'il s'oppose. Non seulement dans la normalité mais dans son rôle : son job est de passer à son fils une couronne avec des Etats apaisés. Là, on commence à naviguer à vue et, pour un royaume et un empire ce n'est pas la meilleure position. Il faut toujours avoir un temps d'avance.

Alors oui, il fait face maintenant a-t-il la possibilité d'agir autrement ? Je pense que l'homme et le souverain, dans les courts moments d'intimité, se sont livré une rude bataille.
Joseph II ne transmettait pas la couronne directement à un fils et si vous le notez (Alexandre Ier, François II/Ier) la tendance est à laisser "quimper" dans cette configuration, il n'y a pas cette volonté d'ordre dans les affaires. C'est différent pour un père : on met un point d'honneur à besogner pour la suite. C'est une pression de plus.

Maintenant, si vous regardez la Prusse, la Russie : vous avez les mêmes impératifs. De loin, la Révolution est intéressante à observer ensuite il y a une brisure : à chacun la sienne. Pour la Russie, ce sera l'affaire d'Enghien.

Je ne suis qu'une petite piste. Il faudrait lire d'autres interventions car ici, les historiens ne peuvent nous aider. Ils nous apportent le factuel, les textes, les sources mais il faut le contexte (je suis vos cours) et le contexte, il nous appartient de nous en approcher en faisant fi, comme vous l'avez noté, de nos opinions politiques, de nos petits coups de coeur pour tel ou tel, un régime en particulier. Là, ceci tient d'une approche du coeur des hommes au pouvoir, à l'entourage etc.

En ce moment, mon gros problème est que je me demande si l'affaire d'Enghien n'a pas été voulue par Talleyrand pour "handicaper" un pouvoir "montant". Il avait misé sur le bon cheval mais là, il perdait un peu les rênes alors Enghien ? La faute handicapante pour la suite ou véritablement l'erreur politique ? Je penche pour la volonté d'un handicap et ainsi une place assurée (Talleyrand serait ainsi -comme nous disons de nos jours- l'objet transitionnel)... ;)
*-*

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Message Publié : 26 Jan 2022 19:08 
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Grégoire de Tours
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Vous m'excuserez du raisonnement qui suit, que je fais à la grande échelle de l'Europe continentale, avec forcément quelques généralisations ; mais pour répondre à des arguments du type "la France a déclaré la guerre au genre humain", je m'y sens un peu contraint.

Il est évident que Napoléon et ses armées n'ont pas laissé que de bons souvenirs en Espagne et en Russie, par exemple.
Cela dit, prendre argument de ce qui est ressenti aujourd'hui (à supposer qu'on puisse le mesurer) pour en tirer des conclusions sur l'effet réel de l'occupation (ou oppression) qui s'est terminée il y a plus de 200 ans me semble particulièrement peu pertinent pour de multiples raisons tenant en particulier à l'utilisation qui a été faite de cette mémoire.
On pourrait citer (mais je ne m'étendrai pas dessus car je pourrais sembler monomaniaque) le succès de la propagande britannique restée sans rivale après 1815 et relayée par l'impérialisme culturel américain. (cherchez Napoléon sur Youtube et vous verrez rapidement qu'il a envahi l'Europe à cause du complexe d'infériorité causé par sa petite taille).
Mais de manière beaucoup plus importante, tout le mouvement nationaliste du XIXème siècle s'est essentiellement développé après la chute de Napoléon. Il est évident que pour différents états européens, rappeler l'époque napoléonienne en mettant l'accent sur l'ignominie de l'oppression française et/ou sur la glorieuse victoire contre l'envahisseur était un moyen bien pratique d'élever de petits Allemands ou de petits Russes dans un sain patriotisme. Le rapport avec la réalité historique de l'époque 1800-1815 étant, lui, annexe, et de plus en plus lointain. Or ce qui est resté dans les mémoires 2 siècles après, c'est ce qu'on a appris à l'école, et pas l'historiographie savante.

Si on essaie de se rapprocher de l'époque en question, il faut peut-être se poser quelques questions :
- les Polonais ont-ils été ravis du retour du Tsar ? notamment les 80 000 qui ont été envoyés en Sibérie (si j'en crois Wikipedia) à la suite de la révolution de 1830 ?
- les Italiens préfèrent-ils à la domination française la présence autrichienne, le régime établi par le Pape ou celui des Bourbons de Naples ? sans doute pas tous si on en juge par les insurrections carbonaristes qui commencent dès 1817.
- les Espagnols, soulagés de s'être débarrassés de l'occupation française, sont-ils satisfaits du retour de Ferdinand VII et du rétablissement de l'absolutisme ? Si oui, comment expliquer la révolte de 1820 ? Qu'ont-ils pensé (notamment les habitants de Cadix bombardée) du passage des troupes françaises en 1823 pour rétablir Ferdinand VII sur le trône ? Mais il est vrai qu'à ce moment le puissant clergé catholique espagnol (bien connu pour son progressisme) a sans doute été moins véhément contre les "10000 fils de Saint Louis" que contre les sans-Dieu de 1808.
- de très nombreux petits états allemands (ou moins petits, comme la Bavière) adoptent des constitutions (certes encore assez limitées) dans les années qui suivent 1815. Ce qui n'est le cas ni de la Russie, ni de l'Autriche, ni de la Prusse qui sortent vainqueurs du conflit. comment cela se fait-il ?
Dans toutes ces régions d'Europe, le régime en place en 1792 était établi sur le modèle de la monarchie absolue.
Pour donner quelques exemples, c’est en 1797 que les Juifs et les Protestants obtiennent des droits civils à Cologne ; en 1806 que Joseph Bonaparte décide d’abolir la féodalité dans le royaume de Naples ; en 1808 (en pleine « oppression » française) que la première constitution bavaroise est promulguée, à laquelle le roi doit se soumettre; en 1848 qu'une première constitution autrichienne est promulguéeet en 1861 que le tsar abolit le servage.

Pour ma part, je suis tenté de tirer de ces exemples une conclusion un peu abrupte :
Partout où les armées françaises et des dirigeants français sont passés, des réformes politiques ont eu lieu qui ont créé des aspirations pour un régime politique plus libéral. Après leur départ, ces aspirations ont été soit satisfaites plus ou moins partiellement (comme dans les petits états Allemands, ou aux Pays-Bas par une constitution relativement libérale) ; soit réprimées pour rétablir un régime proche de l’ancien régime, comme en Espagne, en Italie ou en Pologne, avec en conséquence des insurrections.
Au contraire, partout où les régimes en place avant 1792 sont restés, en Europe continentale en tout cas, eh bien ils sont restés des monarchies absolues réactionnaires qui se sont illustrées par la suite par une oppression qui n’a rien à envier à celle que l’on attribue à Napoléon.


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Message Publié : 30 Jan 2022 23:59 
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Polybe
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Citer :
sans victoire alliée pas de Restauration !!! C'est évident.
D'autres ici on pourtant écrit le contraire !

Sur le forum, personne n'a osé affirmer que la Restauration était possible si Napoléon était vainqueur sur le champ de bataille.
La victoire des Alliés est une condition nécessaire pour une "restauration" des Bourbons. Elle n'est pas une condition suffisante.
Lorsque les Alliés sont entrés à Paris, la défaite des armées françaises était prévisible depuis plusieurs semaines. Mais les conséquences politiques n'étaient pas prévisibles car plusieurs hypothèses étaient envisageables : régence de Marie-Louise, Bernadotte, Eugène de Beauharnais, etc.


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Message Publié : 31 Jan 2022 15:52 
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Fustel de Coulanges
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Milton a écrit :
La victoire des Alliés est une condition nécessaire pour une "restauration" des Bourbons. Elle n'est pas une condition suffisante.


Disons que la restauration des Bourbon, quand la question fut concrètement abordée, était l'opinion qui prédominait au sein des Alliés ; pas forcément pour le Tsar qui, sans être déterminé précisément sur l’avenir politique du pays, visait avant toute chose la chute de l'Empereur. Les Alliés par ailleurs affirmaient ne pas désirer imposer cette préférence à la nation.
Cependant, il convient de préciser que "victoire", au début de l'année 1814, ne signifiait pour autant pour la coalition "changement dynastique". Au début de la campagne, principalement pour les Autrichiens et les Anglais (qui s'inquiétaient fortement cependant de la fragilité de la paix à venir si Napoléon restait sur le trône), l'espoir résidait en effet dans la négociation d'un traité de paix ; démarche impliquant logiquement le maintien au pouvoir de Napoléon. Non seulement on considérait que, au regard des succès de 1813, ce qu'on était en droit d'espérer dans le cadre de la réorganisation de l'espace européen était déjà beaucoup, mais que poursuivre la guerre, notamment sur le territoire français, comportait des risques de défaites et de rabattage complet des cartes.
Ce n'était cependant pas l'avis d'Alexandre. Il parlait à l'époque ouvertement de "guerre sainte" et son objectif comme dit plus haut était clairement de prendre Paris et d'abattre Napoléon. Une attitude aussi offensive n'était pas pour plaire aux partisans de la prudence, d'autant plus que voir Alexandre auréolé de gloire à Paris et se plaçant aux premières loges pour assister à la succession au trône de France et influencer éventuellement un candidat ayant sa faveur, ne pouvait que susciter de fortes inquiétudes. Vaincre l’ennemi afin de rétablir « l’équilibre » était l’objectif à atteindre et il convenait en effet à l’heure de la victoire de ne pas substituer un redoutable empire par une autre puissance d’un même acabit. Déjà en sourdine s’invitaient les questions sulfureuses de la Saxe et de la Pologne que l’on ne voulait pas du côté de Vienne ou de Londres être réglées par un empire sorti dominateur de la guerre.
Cet ensemble de considérations explique les échanges houleux, avec risque de rupture, qui eurent lieu entre coalisés à Langres puis à Troyes au sujet de la marche à suivre concernant la campagne militaire et les négociations de paix.
Alexandre dut mettre de l’eau dans son vin au sujet des négociations à mener et les autres, accepter l’éventualité, en cas d’échec des pourparlers de paix, d’une campagne menant jusque sous les murs de Paris, et en conséquence entrevoir l’idée d’un renversement de l’Empereur. De ce fait, la question du changement dynastique fut logiquement abordée, mais sans pour autant en faire dès le départ un objectif à atteindre.

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Message Publié : 31 Jan 2022 19:20 
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Merci Cyril pour cet exposé très clair des motivations des uns et des autres. Souvent, vous préférez éclairer par des citations, mais là vous livrez une analyse de votre fait qui établit des points de repère très clairs.

Et logiques, qui plus est, si on considère effectivement les objectifs et les enjeux pour chacune des puissances impliquées.

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Message Publié : 02 Fév 2022 11:40 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
De ce fait, la question du changement dynastique fut logiquement abordée, mais sans pour autant en faire dès le départ un objectif à atteindre.

C'est effectivement ce qu'on lit partout et qui est vraiment contre-intuitif. Les puissances alliées, bien qu'animées par un idéal contre-révolutionnaire n'ont jamais eu comme "programme" de rétablir les Bourbon sur leur trône.

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Message Publié : 02 Fév 2022 23:56 
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Polybe
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Le 28 mars 1814, les troupes austro-russes sont sur la Marne, provoquant la fuite vers Blois des membres du Conseil de régence (à l'exception de Talleyrand).

Quelle est la situation à Paris ?
François de Coustin, auteur d'une biographie de Louis XIX, nous donne la réponse :
Citer :
A Paris, où on attend le résultat des négociations entre Napoléon et les Alliés, [la situation de] Bordeaux surprend. Talleyrand l'exprime : « Si la paix ne se fait pas, Bordeaux devient quelque chose de bien important. » Or la paix ne se fait pas. Grâce à Talleyrand, Louis XVIII obtient légalement le pouvoir que Bordeaux lui accorde mais que ni Paris ni les Alliés, cantonnés aux portes de la capitale, ne semblent prêts à lui reconnaître. Le tsar n'a pas changé d'opinion sur son hôte de Mitau et évoque à l'envoyé de Talleyrand l'« impossibilité de songer aux Bourbons », étant même disposé à accepter une république, faute de prétendant à sa main.


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Message Publié : 03 Fév 2022 7:55 
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Une République ? Certainement pas. C'est d'ailleurs totalement en contradiction avec les sources citées plus haut et ce que nous savons des coalisés.
D'ailleurs l'auteur cité n'est pas historien.

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Message Publié : 03 Fév 2022 13:32 
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Fustel de Coulanges
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Duc de Raguse a écrit :
Une République ? Certainement pas. C'est d'ailleurs totalement en contradiction avec les sources citées plus haut et ce que nous savons des coalisés.
D'ailleurs l'auteur cité n'est pas historien.


Comme dit plus haut, Alexandre s'était fixé comme objectifs de prendre Paris et d'abattre Napoléon. S'il fallait changer de régime, le Tsar optait pour laisser le choix à la nation et formula des opinions à partir de Leipzig assez nébuleuses.
Ainsi, on peut se référer au sujet de l'évocation d'une république aux Mémoires de Vitrolles qui prêtent ici ces mots à Alexandre :
"-Les obstacles qui séparent désormais les princes de la maison de Bourbon du trône France me paraissent insurmontables... Ils reviendraient aigris par le malheur; et lors même que des sentiments généreux ou un calcul mieux entendu leur imposeraient le sacrifice de leurs ressentiments, ils ne seraient pas maîtres de modérer ceux qui ont souffert pour eux et par eux... L'esprit de l'armée, de cette armée si puissante en France, leur serait opposé; l'entrainement des générations nouvelles leur serait contraire; les protestants ne verraient pas leur retour sans crainte et sans opposition; l'esprit du temps n'est pas pour eux... Toutes ces considérations nous ont éloignés de cette pensée. Un tel dessein serait environné d'obstacles, et serait encore plus difficile à soutenir à la longue qu'à exécuter dans le premier moment. Tout cela a été pesé, ajouta-t-il.
[...]
Vous seriez persuadé que le fardeau d'une telle couronne serait trop lourd pour eux... Nous avons bien recherché déjà ce qui pouvait convenir à la France, si Napoléon disparaissait. Il y a quelque temps, nous avions pensé à Bernadotte; son influence sur l'armée, la faveur qu'il devait avoir auprès des amis de la Révolution, avaient arrêté un moment nos pensées sur lui; mais ensuite plusieurs motifs sont venus nous en éloigner. On a parlé d'Eugène Beauharnais; il est estimé de la France, chéri de l'armée, sorti des rangs de la noblesse, n'aurait-il pas de nombreux partisans ? Après cela, peut-être une République sagement organisée conviendrait-elle mieux à l'esprit français. Ce n'est pas impunément que les idées de liberté ont germé pendant longtemps dans un pays tel que le vôtre. Elles rendent bien difficile l'établissement d'un pouvoir plus concentré.

Où en étions-nous, grand Dieu, le 17 mars ! L'empereur Alexandre, le roi des rois unis pour le salut du monde, me parlait de la République !"

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Message Publié : 03 Fév 2022 15:01 
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Il me semble qu'il faut plutôt observer ici sa totale incertitude sur la question, car passer de Napoléon à son fils adoptif, puis à la République, tout en pensant encore à Bernadotte (avec quel titre ?) est plutôt révélateur d'une absence d'idée réelle.

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Message Publié : 03 Fév 2022 16:03 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
Il me semble qu'il faut plutôt observer ici sa totale incertitude sur la question, car passer de Napoléon à son fils adoptif, puis à la République, tout en pensant encore à Bernadotte (avec quel titre ?) est plutôt révélateur d'une absence d'idée réelle.

Incertitude c'est exact, mais il n'exclut pas l'idée du retour de la République, ce qui montre bien que la restauration des Bourbon et "le retour de l'Ancien Régime" passaient bien après la volonté des alliés d'instaurer une paix durable en France, en chassant définitivement Napoléon, objectif n°1.

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Message Publié : 03 Fév 2022 17:00 
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Duc de Raguse a écrit :
Il me semble qu'il faut plutôt observer ici sa totale incertitude sur la question


Oui, c'est pourquoi j'ai parlé d'opinions nébuleuses.
Mais, si on s'en tient à sa déclaration de Langres, l'important n'était pas là :
"Les Puissances ne devraient, d'après l'opinion de Sa Majesté, pas se mêler de la question de la Dynastie. L'Empereur n'a jamais dévié de ce principe."

Liber censualis a écrit :
la restauration des Bourbon et "le retour de l'Ancien Régime" passaient bien après la volonté des alliés d'instaurer une paix durable en France, en chassant définitivement Napoléon, objectif n°1.


Associer la paix à la chute de Napoléon était l'opinion du Tsar (Liverpool en arriva également à ce constat), avis que ne partageaient pas les Autrichiens (suivi au départ par Castlereagh) au début de la campagne.

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