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Message Publié : 07 Mars 2022 21:44 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
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Je vous soumets de nouveau une nouvelle fiche de lecture sur Murat. l'auter en est toujours Didier Lafargue


MURAT
La chevauchée fantastique


Par Frédéric HULOT (Paris, Pygmalion, 1998)




Joachim Murat est né dans le Quercy en Aquitaine d’une famille paysanne pas très riche. Son père était marchand, spécialisé dans la gérance des biens ecclésiastique. Sa mère voulut faire de lui un prêtre, seul moyen pour elle d’ascension sociale. Mais le jeune Murat était peu enthousiaste.

Une fois au séminaire, il en fut chassé suite à une bagarre, et entra alors dans l’armée, au régiment des chasseurs des Ardennes, en 1787. Entrant dans la Franc-maçonnerie et ayant participé à une rébellion des soldats contre leurs officiers, il fut chassé de l’armée. Il connut alors une situation difficile, fut un temps commis d’épicier. A la faveur de la Révolution, il fut réintégré dans l’armée sous la recommandation de Cavaignac. Fidèle à la cause révolutionnaire, il connut un avancement rapide, notamment grâce au colonel Urre de Molens dont il fut l’aide de camp, et en cinq ans passa de simple soldat au grade d’officier supérieur. Il se distingua notamment en mai 1795 en tirant sur des émeutiers parisiens qui s’en prenaient alors à la Convention.

En 1796, il participa à la campagne d’Italie sous les ordre de Bonaparte, avec le grade de colonel. Entre ce dernier et Murat, cela n’accrochait pas. Bonaparte, petit gentilhomme, méprisait ce fils de paysan et n’appréciait pas sa vantardise et sa grande gueule. Il se méfiait de plus de ce soldat politique. Mais il reconnaissait ses talents et sa bravoure. Toute sa vie, il le considéra indispensable mais jamais ne l’aima.

Lors de cette campagne, Murat se couvrit de gloire, déjà par ses charges fougueuses de cavalerie, notamment à Mondovi. Il intimida le sénat de Gênes qui entretenait une bande de partisans, réprima un soulèvement à Albano. Mais il tentait de se mettre dans les bonnes grâces de Barras, ce qui indisposait Bonaparte. Intriguant auprès de Joséphine et de Madame Tallien, il réussit à être admis dans la campagne d’Egypte, à la fureur de celui qui allait la mener.

Là il se distingua à la bataille d’Aboukir où son sens tactique décida de la victoire. Il y fut légèrement blessé. De retour en France avec son chef, il s’assura du soutien de la cavalerie dans le coup d’Etat qui se préparait et permit le succès de celui-ci en envahissant l’assemblé et en chassant les députés.

Amoureux de Caroline, la sœur de Bonaparte, qui de son côté se cherchait un « général esclave », Murat demanda sa main à Bonaparte qui s’en serait bien passé. Bien malgré lui, il finit par céder et le mariage fut conclu, et célébré en 1802.

Murat repartit ensuite Guerroyer en Italie avec Bonaparte. De retour ensuite à Paris, il obtint, grâce à Caroline, le commandement d’une armée de renfort concentrée à Dijon en vue de se rendre dans la péninsule. Encore une fois, il se distingua. Il fut nommé ensuite gouverneur de Paris et eut une part active dans les événements qui allaient mener à l’arrestation de Pichegru, Moreau et du duc d’Enghien.

Napoléon sacré empereur le 2 décembre 1804, Murat figura dans la liste des maréchaux nommés par son beau-frère ce qui lui assura de confortables revenus. Comme sa femme était « altesse impériale », il eut même le titre de prince. Il fut chargé par Napoléon d’aller reconnaître le terrain en Allemagne en vue de la future campagne qui se préparait contre l’Autriche. Puis il participa à cette campagne mais ne contribua que secondairement à la victoire d’Austerlitz en décembre 1805. Il eut cependant un rôle important dans la poursuite qui s’ensuivit.

Napoléon créa alors le grand duché de Berg sur la rive droite du Rhin, regroupant les anciens duchés de Berg et de Clèves, bastion français contre la Prusse, et destiné à verrouiller l’écoulement des marchandises britanniques. Il voulut mettre là un militaire à poigne et fit de Murat le Grand-duc de Berg. Murat se rendit dans son duché avec pour aide un nommé Agar, expert en administration public, dont il fit son ministre des finances. Habilement, il se rendit populaire en laissant les personnalités en place. Mais il rendit difficile la gestion d’Agar par ses pillages, et par les impôts suscités par les demandes de Napoléon. Ce dernier refusa un traité de commerce entre le grand-duché et la France destiné à développer les industries textiles en raison des récriminations des fabricants français. Murat s’entendit peu avec l’empereur lequel soupçonnait les velléités d’indépendance suscitées par Agar. Il se vit refuser par son beau-frère l’annexion de territoires appartenant à la Prusse. Mais il améliora l’administration de son duché, en créant départements, cours d’appel, nouveaux ministère. L’expérience lui servirait quand il serait roi de Naples.

La guerre éclatant avec la Prusse, qui voulait l’évacuation de l’Allemagne, Murat fut convoqué à Paris et se vit confier le commandement de la cavalerie. Il se distingua dans les opérations contre la Prusse, sans être présent à Iena cependant. Puis il eut un rôle très actif dans la guerre contre la Russie qui s’ensuivit en étant notamment l’artisan de la victoire d’Eylau où il mena une charge formidable, apogée de sa carrière militaire. Présent à la paix de Tilsitt, il intrigua auprès du tsar pour tenter de devenir roi de Pologne, car il avait des doutes sur l’avenir de l’aventure napoléonienne, au grand mécontentement de Napoléon quand ce dernier l’eut appris.

En 1808, Murat fut nommé lieutenant général en Espagne, avec sous ses ordres toutes les troupes françaises au delà des Pyrénées. Le roi d’Espagne détroné, Murat espérait que son beau-frère lui donnerait la couronne. Il réprima l’insurrection madrilène du 2 août 1808.

Mais en fait, c’est Naples que lui et Caroline obtinrent. Murat succédait là à Joseph qui, déplorable roi, laissait le pays dans un triste état, surtout sur le plan financier. Murat gouverna son royaume seul et cloîtra Caroline dans ses appartements. Celle-ci se plaignit à son frère, mais Napoléon qui n’aimait pas voir les femmes gouverner donna raison à Murat. Le général réprima le banditisme qui sévissait dans son Etat (en faisant pendre notamment le fameux Fra Diavolo). Puis il conquit l’île de Capri sur les Anglais, suscitant la jalousie de l’empereur qui supportait mal le succès des autres. Il entreprit de réformer son royaume, créa des écoles, fit percer des avenues à Naples, surtout établit des fortifications.

Murat entreprit ensuite de conquérir la Sicile. Il eut à faire aux hésitations de Napoléon qui ne voyait dans l’opération qu’une diversion visant à immobiliser là les Anglais. La tentative échoua à cause de la mauvaise volonté du commandant des troupes française, le général Grenier, en mauvais termes avec Murat, qui refusa de faire débarquer le gros de ces forces sur l’île obligeant les quelques troupes commandées par Cavaignac à regagner le continent. Ce n’était qu’une échauffourée.

Murat voulut favoriser la prospérité de son royaume en développant ses industries. Mais il se heurta à l’hostilité de Napoléon qui voyait là une concurrence à l’économie française. L’empereur finit par dissoudre l’armée napolitaine ne laissant à son beau-frère que les soldats français.

Murat fut ensuite placé par l’empereur à la tête de la cavalerie dans la campagne de Russie qui se préparait. Il fut peu enthousiaste en ce qui concernait l’organisation de l’opération, en raison des problèmes de logistique nécessité par l’invasion de la Russie. Lors de la campagne, il se distingua d’abord au combat d’Ostrowno. Il assuma de fait le commandement en chef à la bataille de la Moskowa (ou Borodino), car Napoléon était alors malade. Du fait de l’absence de celui-ci, la victoire ne fut pas décisive et l’armée russe ne fut pas détruite. Murat entra alors à Moscou et fit front victorieusement à une attaque de l’armée russe au combat de Winkowo.

Lors de la retraite de Russie, Napoléon, qui devait regagner Paris pour faire face au complot du général Malet, lui donna le commandement en chef de toute l’armée. Tout ce que pouvait faire Murat était de maintenir l’ordre. Après avoir repassé le Niemen, il tenta de reprendre l’offensive contre les Russes eux aussi affaiblis, avec les corps stationnés à Varsovie. Mais la défection des Prussiens rendit l’opération impossible. Finalement, le roi de Naples quitta son armée et regagna son royaume, au grand dam de l’empereur qui devait l’accuser de désertion.

Jugeant la situation de l’empereur très précaire, Murat, pratiquant une politique de bascule, envisagea de rejoindre les alliés et se lança dans des tractations avec Metternich. Mais finalement, il rejoignit Napoléon à Dresde et se battit avec lui dans la campagne d’Allemagne. La situation de son beau-frère étant décidément très difficile, Murat le quitta et regagna son royaume. Il se rallia alors officiellement à l’Autriche, s’empara de la Toscane et des Etats du pape, mais resta dans l’expectative en Italie, face aux Français d’Eugène.

Après l’abdication de l’empereur, Murat garda son royaume mais dut rendre ses conquêtes aux alliés. Il fut confronté à Louis XVIII, hostile à son maintien à Naples par solidarité avec tous les Bourbons. Talleyrand allait dans le même sens. Seul Fouché, son ami, lui était favorable. La position du général s’affaiblissait à Vienne. Aussi, se rallia-t-il à Napoléon lors des cent jours en déclarant la guerre à l’Autriche. Avec ses 40000 soldats napolitains il attaqua les Autrichiens au nord de l’Italie, escomptant (à tort) sur le sentiment nationaliste unitaire des Italiens en sa faveur. Il voulait en effet dorénavant se présenter comme le champion du nationalisme italien contre la domination étrangère. Il avait certes dans le passé imposé la domination française au grand-duché de Berg, réprimé l’insurrection madrilène, mais cette contradiction ne le gênait pas. Il échoua sur le Po. Il retraita alors vers Capoue après de nouveaux échecs, poursuivi par les Autrichien. Jugeant la guerre perdue, il s’enfuit de son royaume et finit par débarquer à Cannes en France. Installé à Toulon, il y apprit le désastre de Waterloo.

Désormais homme traqué, il dut se cacher pour se protéger de la fureur des royaliste (Terreur blanche) dans le Midi. Le gouvernement, qui n’avait en fait rien à lui reprocher, ne fit rien pour le retrouver, et la police resta inactive. En fait, il ne tenait pas à ce qu’il reste en France et préférait qu’il aille se faire pendre ailleurs. Aussi favorisa-t-il son installation à Bastia en Corse.

Fort de son prestige, Murat vit venir à lui d’anciens soldats, des demi-soldes, et se créa une petite armée. Avec elle, il entra à Ajaccio où il fut acclamé. De là, il prépara son expédition pour reconquérir son royaume de Naples, prenant pour modèle Napoléon et son départ de l’île d’Elbe. Metternich lui proposa de s’installer en Autriche, mais les passeports accordés arrivèrent trop tard. Murat eut l’imprudence de faire confiance à un certain Barbara, corsaire napolitain, en fait sbire à la solde du roi bourbon de Naples Ferdinand IV, chargé de l’attirer dans un piège. Finalement, après avoir débarqué en Calabre au milieu d’une population hostile, ce après quelques péripéties qui virent sa troupe être réduite à trente hommes, Murat dut se rendre. Jugé, il fut fusillé sur ordre de Ferdinand qui tenait absolument à se débarrasser de lui. Il mourut avec courage, commandant lui-même le peloton d’exécution. Sa femme Caroline fut pensionnée plus tard par Louis-Philippe et mourut en 1839 dans l’indifférence générale. Ses fils s’expatrièrent en Amérique.

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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Message Publié : 08 Mars 2022 21:23 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Jan 2013 13:11
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Bon résumé, comme toujours. Merci Oulligator


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Message Publié : 09 Mars 2022 8:44 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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J'aurais juré qu'il avait été un temps roi d'Espagne, à cause du mot de Talleyrand disant que Napoléon procéda à un échange de couronnes avec Joseph, roi de Naples, "comme deux conscrits qui échangent leurs shakos."

"L'homme le plus entraînant qui ait existé", dit Claude Manceron, mais en même temps, quelle tête à vent ! Aller se fourrer dans l'aventure des Cent Jours, alors que les Alliés lui garantissent le trône de Naples... Et retourner ensuite s'y faire fusiller en tentant de reconquérir le même trône, parce qu'il se pensait populaire dans son royaume, où venaient de se réinstaller les Bourbons.

Merci pour ce récit, Oulligator.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 09 Mars 2022 16:28 
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Inscription : 04 Déc 2011 22:26
Message(s) : 1652
Localisation : Paris
Merci pour ce très bon résumé !

J'ai récemment lu Roi par effraction de François Garde (2019), centré autour du même personnage... et qui vaut le détour !

_________________
« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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Message Publié : 03 Avr 2022 20:01 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
Message(s) : 2063
Localisation : Lyon-Vénissieux
Citer :
"L'homme le plus entraînant qui ait existé", dit Claude Manceron, mais en même temps, quelle tête à vent !


En effet, même si jusqu'en 1804, année de sa nomination au grade de maréchal il ne semble pas avoir commis d'erreurs trop grosses.
C'était un homme qui avait une conception heroique de l'exsitence, qui aimait le risque, il n'était pas du genre à se blottir dans la sécurité et le chaud !

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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