J'avais trouvé une référence à un article de 1952(
) de la
Revue Historique dans l'ouvrage de Jean Egret, sur l'aristocratie parlementaire à la fin de l'Ancien régime, je suis allé le chercher et je l'ai lu (et photocopié), je vous en fais part ici... il est évident que vu son âge i
l faudra peut-être apporter des éclairages plus récents, mais je pense que les données qu'il fournit n'ont pas dû être vraiment remises en cause...Il concerne l'origine sociale des différents parlementaires français, et cela peut-être éclaire un peu l'ambiance qui pouvait régner dans les Parlements juste avant 1789 et même un peu au-delà. J'espère bien également consulter (et vous en faire part évidemment
) l'ouvrage de François Bluche,
L'origine des Parlementaires parisiens au XVIIIe siècle, surtout l'introduction et la conclusion, mais chaque chose en son temps...
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L'article VIII de l'Édit de décembre 1770 avait astreint ceux qui se feraient pourvoir d'offices conférant la noblesse à verser, outre le droit habituel du marc d'or-dû par tous les bénéficiaires d'une grâce, d'une faveur, d'une commission ou d'une charge-un droit supplémentaire égal à celui qui était payé pour les lettres de noblesse. Lorsque l'intéressé était noble, il obtenait dispense du marc d'or de noblesse, en produisant ses preuves devant le Conseil du Roi. C'est à partir du Recueil des Arrêts de dispenses rendus par le Conseil qu'est fondée cette étude (1951)...
En fait ce recueil nous offre une documentation de premier ordre sur les origines familiales de la plupart des 12 premiers présidents ( sur 15, en fonction en 1790), des 10 procureurs généraux (sur 15), des 59 présidents à mortier (sur 95), des 16 présidents des Enquêtes et Requêtes (sur 28), des 26 avocats généraux (sur 33) et des 426 conseillers laïcs (sur 757) reçus dans les 13 parlements et les 2 Conseils souverains de Colmar et de Perpignan (les charges du Conseil supérieur de Bastia ne conférant pas la noblesse, les postulants n'avaient pas à demander d'Arrêts de dispense), après le rétablissement des Cours, de 1774 à 1789, et qui étaient encore en fonction en 1790.
PREMIERS PRÉSIDENTSParmi les charges parlementaires, il convient de mettre à part celles qui ne sont ni vénales ni héréditaires, mais qui dépendent uniquement du Roi, car elles sont assumées par les magistrats représentant particulièrement le souverain, à l'intérieur de chaque Cour : le premier président et le procureur général. Noter ici que le premier président -l'homme du Roi par excellence- est choisi de préférence dans une Province et dans une Cour qui ne soient pas celles où il devra exercer ses fonctions.
Quatre premiers présidents seulement sont des hommes nouveaux dans les Compagnies, d'importance secondaire d'ailleurs. Un seul est étranger par ses origines aux cours souveraines, les trois autres appartiennent à l'aristocratie parlementaire.
Dans certaines Cours, il existe de véritables dynasties de premiers présidents, de sorte que les hommes du Roi, quelle que soit leur origine ancienne, deviennent, à mesure que s'écoulent les générations, des hommes de la province. (Je vous épargne les exemples, mais si quelqu'un en veut je peux les lui fournir).
Plus surprenante encore est la désignation, pour la charge suprême, d'un des présidents à mortier ( petite précision, le mortier est le couvre-chef spécifique de ces magistrats) du même Parlement, qui trouve ainsi, dans la première présidence, le couronnement d'une laborieuse carrière. Dans ce cas, en effet, le choix du Roi est très étroitement dirigé et l'homme du Roi devient, plus exactement, celui de la Compagnie. En province c'est l'aristocratie parlementaire locale qui conquiert vraiment la première présidence, Le Gouz de Saint-Seine à Dijon (1777) etc...
PROCUREURS GÉNÉRAUXLa constitution de dynasties est manifeste dans la succession de ces charges qui pourtant, à la fin du XVIIIe siècle, ne sont plus vénales. A Paris, par exemple, Guillaume-François-Louis Joly de Fleury occupe la charge illustrée par son grand-père.
Quant à ceux qui n'ont pas été introduits dans la première fonction du Parquet par leurs Pères, Ce sont d'anciens avocats généraux, ou plus souvent d'anciens conseillers qui ont exercé ces charges, des années durant, dans le Parlement même où ils deviennent, avec une conviction qu'on peut présumer d'hésitante, les mandataires du souverain. Ils appartiennent presque tous à l'aristocratie parlementaire locale. le tableau des procureurs généraux à la fin du XVIIIe siècle, n'offre que deux exceptions à cette règle :Herman, procureur général de Colmar, ancien prêteur royal de Sélestat et Pierre de Bordenave, fils d'un militaire anobli, conseiller d'abord, qui doit aux services éminents rendus à sa Compagnie en 1775 sa promotion exceptionnelle au poste de procureur général du Parlement de Pau.
PRÉSIDENTS À MORTIERS43 des 59 des présidents à mortier reçus de 1774 à 1789 sortent de familles parlementaires.
Ceux de Paris portent des noms depuis longtemps illustres au Parlement et au Conseil d'État. A Bordeaux, les trois présidents reçus sont des fils de président.A Pau, Grenoble, Besançon et Toulouse, les nouveaux promus peuvent tous se recommander d'un père et souvent de plusieurs ancêtres ayant exercé des charges dans la même Cour. Une prépondérance écrasante de l'aristocratie parlementaire, dans le recrutement des présidents à mortier, s'affirme encore à Rennes (5 sur 6), Douai (3 sur 4), Aix (3 sur 5) et Rouen (4 sur 7). Seules les Cours de Nancy (2 sur 4 d'origine parlementaire), Dijon (2 sur 6) et Metz (1 sur 4) paraissent moins exclusives.
AUTRES FONCTIONSPour les fonctions moins distinguées de présidents des Enquêtes et des Requêtes(9 sur 16 pour les deux) -qui n'existent que dans certains Parlements (Paris, Bordeaux, Dijon, Rennes, Rouen et Toulouse) et pour celles d'avocats généraux (13 sur 26), le nombre des membres de l'aristocratie parlementaire atteint la moitié de celui des magistrats reçus.
Quant aux 426 offices de conseillers laïcs occupés en 1790 par des magistrats pourvus dans les quinze dernières années de l'Ancien Régime, ils se partagent inégalement entre l'aristocratie parlementaire (160 représentants) et les hommes nouveaux (266).
Cette supériorité numérique des hommes nouveaux sur les parlementaires de souche, dans les fonctions ordinaires de la haute robe, est une des indications les plus intéressantes que nous apporte ce Recueil de dispenses.
ORIGINES DIVERSES DES "HOMMES NOUVEAUX"En principe, des roturiers fortunés auraient pu être tentés par les charges parlementaires, qui toutes, plus ou moins rapidement, conféraient à leurs possesseurs la noblesse transmissible. La plupart, à la vérité, donnaient seulement la noblesse graduelle (patre et avo consulibus) : il fallait que le père et le fils eussent rempli successivement la charge chacun pendant vingt ans ou qu'ils fussent morts en fonction pour qu'à la troisième génération la noblesse transmissible fût acquise à la famille. Dans quelques parlements privilégiés-Paris, Besançon, Douai, Metz et Grenoble- les charges donnaient la noblesse transmissible au premier degré, c'est à dire après vingt ans de fonctions d'un seul officier.
En fait un grand nombre de charges parlementaires ne deviennent pas source de nouveaux nobles, car plusieurs cours souveraines n'admettent que difficilement, dans leurs Compagnies, les familles bourgeoises qui ne sont pas encore nobles.Animés par l'orgueil aristocratique, soucieux d'être bien composés, plusieurs Parlements exigent une noblesse pleinement acquise des candidats qui ne sont pas fils de magistrats : c'est particulièrement le cas du parlement de Rennes, mais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, d'autres parlements, Nancy, Grenoble, Aix et Toulouse prirent des résolutions analogues (renoncement à réclamer le marc d'or de noblesse).
Les Arrêts de dispense prouvent que la majorité des hommes nouveaux reçus dans l'ensemble des Parlements, sous le règne de Louis XVI, était déjà noble.
TRÈS IMPORTANTES DIFFÉRENCES ENTRE LES COURS (TOUJOURS LES HOMMES NOUVEAUX)Tous les Parlements de France ont accueilli, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, des nobles dont les pères n'avaient pas dû leur illustration à la robe, mais qui prouvaient une possession de noblesse de cent années au moins (je ne mets pas les chiffres mais ils sont à la disposition du lecteur intéressé). Il n'est pas rare après 1781, de voir ces gentilshommes faire état pour faire dispense du marc d'or de noblesse, du certificat du généalogiste Chérin prouvant qu'ils sont la noblesse requise pour être reçus sous-lieutenants dans les troupes du Roi. Le recrutement dans la noblesse d'extraction flattait les cours souveraines : il consacrait la fusion des deux noblesses. cette fusion était parfaite au Parlement de Rennes où tous les hommes nouveaux, sans exception, étaient des gentilshommes. Mais partout ailleurs les gentilshommes n'étaient qu'une minorité.
En fait, rares sont les Parlements qui ne reçoivent pas, sous le règne de Louis XVI, quelques fils ou petits fils de secrétaires du Roi. Le nombre de ces parvenus fortunés est important à Paris où ils fournissent plus du tiers des hommes nouveaux.A Aix, à Dijon et à Metz, avec les présidents à mortier Bruny de la Tour d'Aigues (petits fils d'un riche industriel et banquier marseillais), Micault (fils d'un secrétaire du Roi, d'abord commissaire général des poudres et salpêtres, conseiller en 1779, président en 1783) et Lasalle (président à Metz en 1780, fils d'un secrétaire du Roi), ils conquièrent d'emblée,les plus hautes fonctions de la Robe.
Ainsi pouvaient être tournées des barrières que certaines Cours prétendaient dresser devant les postulants de naissance obscure.La facilité de s'anoblir permettait aux parlements aristocratiques d'écarter les roturiers, sans paralyser le recrutement et sans compromettre irrémédiablement la valeur déjà déclinante des offices.Les Arrêts de dispense du marc d'or de noblesse obtenus par la presque totalité des nouveaux magistrats, à Nancy, Grenoble, Aix et Toulouse, témoignent que, dans ces Cours, l'exclusion des roturiers était effective.
dans les autres Parlements, beaucoup de conseillers ne semblent pas avoir obtenu l'Arrêt de dispense (la totalité à Colmar,deux tiers à Metz et Perpignan, plus de la moitié à Bordeaux...etc..
Ainsi s'affirme la composition hétérogène du monde parlementaire français à cette date.
L'AGE DES MAGISTRATS DE 1775 A 1789Le Parlement de Toulouse ne reçut que 27 conseillers laïcs nouveaux de 1775 à 1789 pour un personnel total de 75.Aussi en 1790 ce Parlement compte-t-il seulement 17 conseillers de moins de trente cinq ans.
A Besançon Douai et Metz plus de la moitié du personnel change, mais où le préjugé nobiliaire moins intransigeant qu'ailleurs ne s'oppose pas à l'admission de roturiers compétents, la majorité est encore assurée nettement aux hommes d'âge.
Cette majorité est moins forte dans les Parlements aristocratiques d'Aix et de Grenoble. Elle devient très faible au Parlement de Rennes (52 conseillers sur 65 en fonction en 1790 ont été reçus sous le règne de Louis XVI.
Enfin dans les cours de Dijon et de Paris, les conseillers laïcs âgés de moins de trente cinq ans ont la majorité absolue dans l'Assemblée des Chambres. A Paris sur les 66 conseillers nouveaux, 59 ont moins de trente cinq ans en 1790.
Cette jeunesse a joué son rôle dans les moments de crise comme en 1787 et 1788.
CONCLUSIONL'aristocratie parlementaire n'est une caste fermée aux hommes nouveaux et aux idées nouvelles.
Seule le Parlement de Rennes est strictement réservé aux gentilshommes.
La plupart des autres parlements, à côté de la noblesse parlementaire et de quelques nobles d'extraction, accueillent - avec un empressement inégal- des anoblis de fraîche date et même des roturiers
Au moment des options décisives il sera difficile entres des Cours aussi différemment composées, d'établir une intime collaboration, une sincère
union des classes.
La disparité des âges provoque d'autres divisions : à Paris les Enquêtes applaudissent que la Grand'Chambre réprouve.
Ainsi s'expliquent, sans doute, les hésitations, les contradictions, l'inconsistance de cette agitation parlementaire des années 1787-1788, qui est la manifestation principale de ce que nous appelons communément : la
révolution aristocratique--------------------------------------------------------
Voila désolé de ne pas avoir résumer plus, mais cela me semblait intéressant, même pour la compréhension du fil. To be discussed not to be quoted
D'autre part, j'ai trouvé sur Internet des références très récentes sur les Parlements, je vous en fait part ici :
- Clarisse Coulomb,
Les Pères de la Patrie. La société parlementaire au temps des Lumières, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2006
- Olivier Chaline, Yves Sassier,
Les parlements et la vie de la cité (XVIe-XVIIIe siècle)(Colloque)
Étudie l'institution judiciaire dans sa fonction de formulation jurisprudentielle, le rôle social des parlements et leur implication dans la vie de la cité ainsi que les relations entre cours souveraines, pouvoir central et municipalités, milieux parlementaires et élites des grandes cités. Sont privilégiés le Parlement de Rouen et d'autres cours souveraines telles que Dijon, Rennes ou Bordeaux.
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Le Parlement de Dauphiné. Des origines à la Révolution, Sous la direction de René Favier, Grenoble, PUG, 2001, Collection : La Pierre et l'Ecrit, 264 p.
C'est en 1453 que le dauphin Louis II, futur roi Louis XI, transforma en Parlement le Conseil delphinal créé en 1340 par Humbert II. Depuis le début du XVIe siècle, dans l'enceinte d'un bâtiment souvent remanié, des hommes de loi prononcèrent le droit, principe de l'unité provinciale, et assurèrent au nom du roi une tutelle administrative sur l'ensemble des communautés de la province.
Sa fidélité monarchique n'empêcha pourtant pas à plusieurs reprises le Parlement de se dresser contre le souverain au nom de la foi ou de la défense des libertés provinciales. Tout au long des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, il fut au c?ur des événements les plus importants de l'histoire dauphinoise, depuis l'engagement hésitant des «moyenneurs» dans la Ligue jusqu'à la journée des Tuiles de 1788, en passant par son rôle dans la Fronde, son opposition aux intendants et sa résistance aux initiatives centralisatrices de la monarchie.
À Grenoble, le Parlement fut aussi l'âme de la cité vers laquelle il draina, année après année, tous ceux qui voulaient se faire rendre justice. Parlementaires et avocats y tinrent longtemps le haut du pavé, animant le commerce local comme le marché de la construction, la vie intellectuelle et scientifique. Autour de la place où il était installé, c'est tout un quartier qui depuis des siècles n'a cessé de bruire en permanence du flot des plaideurs.
C'est cette histoire et la mémoire des lieux que retrace cet ouvrage à travers douze contributions particulièrement éclairantes et novatrices.
Voila , bonne journée
NB : j'ai fini de résumer cet article en écoutant le best of de The Police