Jerôme a écrit :
Une allusion à la constitution tunisienne ?
Une fois de plus vous m'épatez ! c'est effectivement de cela qu'il s'agit : En 1861 fut promulguée à Tunis la première Constitution du monde musulman. Dès 1864, elle était suspendue à la suite d'une violente révolte antifiscale.
Neuf rédacteurs furent à l'origine de la Constitution de 1861, tous choisis parmi les ulémas et les proches du bey de Tunis Muhammad al-Sadiq Pacha. Ils retirèrent donc aux beys le contrôle complet des finances et du pouvoir législatif. Le texte promulgué en janvier 1861, et mis en application le 23 avril de la même année dotait le bey d'une liste civile. Celui-ci devait gouverner en consultant le Conseil supérieur, dont les membres étaient pour un tiers issus de son entourage et pour les deux autres tiers désignés parmi les notables du pays. Marque de son importance, ce Conseil était placé au sommet d'une hiérarchie de tribunaux séculiers qui s'ajoutaient aux tribunaux religieux musulmans et rabbiniques du pays.Las ! éclata une profonde révolte antifiscale à partir de mars 1864. Cette révolte amena le bey à suspendre la Constitution et ses institutions le 1er mai.
Les insurgés de 1864 ne réclamaient pas un changement de régime politique mais un retour aux « traditions ». Beaucoup ne comprenaient pas le fonctionnement impersonnel des nouveaux tribunaux séculiers instaurés par la Constitution. Selon eux, le bey devait redevenir un arbitre suprême comme par le passé. Plus important encore, à leurs yeux, les normes musulmanes devaient rester la source de toute loi et de tout droit. En cela, la population en révolte suivait l'attitude des savants musulmans, des ulémas qui s'étaient peu à peu éloignés du pouvoir après la promulgation de la Constitution.
Les autorités françaises jouèrent un rôle trouble dans le contexte de 1864. Le consul de France, de Beauval, et le lieutenant-colonel Campenon, futur ministre de la Guerre de la IIIe République, encouragèrent dans un premier temps la rébellion intérieure. Plus que les insurgés, de Beauval et Campenon firent ouvertement pression sur le bey de Tunis pour un retrait de la Constitution de 1861. Ils s'étaient convaincus que la liberté des échanges et la stabilité du cadre législatif avaient favorisé la pénétration commerciale des rivaux britanniques, au détriment des ambitions d'expansion française au Maghreb. Paris pouvait aussi juger plus commode de contrôler le bey et son entourage que de devoir composer avec les multiples organes et échelons de pouvoir prévus par la Constitution.
Mais les autorités françaises redoutaient aussi les sources d'instabilité et craignaient que les troubles dans le pays ne suscitent les interventions directes du sultan ottoman et d'autres puissances européennes à Tunis. Les autorités françaises massèrent donc près de 15 000 hommes à l'est de la colonie algérienne, à la frontière avec la Tunisie... La Constitution tunisienne fut donc abolie, mais jamais oubliée...