C'est vari, et vous avez raison de me corriger sur ce point. Le nomadisme s'est largement atténué après la guerre franco-prussienne et n'a probablement perduré que pour les régiments contribuant à fournir à tour de rôle des troupes de garnison à Paris et à Lyon. Comme vous le soulignez, ces régiments se relevaient entre ceux d'une même région militaire, Paris et la Seine étant distribués au plan territorial et pour les besoins du recrutement, entre les régions de corps d'armée limitrophes. Cela, je l'avais d'autant plus noté que les régiments de la Mayenne, auxquels je me suis plus particulièrement intéressés pendant le Centenaire, ont été concernés par ce mouvement. Jusqu'en 1900, la 7e DI (101e, 102e, 130e et 104e RI) a alterné tous les deux ou trois ans avec la 8e DI, pour occuper tantôt des garnisons en région (Mamers, le Mans, Laval et Mayenne), tantôt dans le gouvernement militaire de Paris, avec la particularité que seuls les bataillons étaient sur Paris, les portions centrales étant alors à Dreux, Chartres, Alençon et Argentan. Les permutations se faisaient à l'occasion des grandes manœuvres d'automne. Pour les casernes, je persiste à voir deux étapes essentielles dans la passage du tout (ou presque) chez l'habitant au tout en caserne : la Révolution et le plan Serré de Rivière en 1873.
Avant la Révolution, à ce que j'ai lu (il faudrait que je relise l'Histoire de l'infanterie française du lieutenant-colonel Belhomme pour vérifier que c'est bien là que je l'ai lu), seules les gardes françaises et suisses, ainsi que les troupes formant la garnison des places fortes étaient casernées : il était important de les avoir constamment sous la main.
La Révolution a mis dans la main de la Nation les biens du clergé, ce qui a libéré quantité de couvents, que l'on a pu utiliser en partie pour loger des troupes. Les municipalités y poussaient, pour soulager l'habitant. Décider qui devait payer les travaux à faire pour aménager les locaux ne fut pas toujours chose simple, si j'en crois l'exemple que j'ai sous les yeux à Laval. Municipalité, administration départementale et autorité militaire eurent tendance à ce renvoyer la balle. Par décret du 23 avril 1810, les villes sont devenues propriétaires des casernes, à charge pour elles de les entretenir. Comme elles n'y consacraient pas les moyens suffisants, une ordonnance royale du 15 août 1818 replaça l'entretien et les réparations sous l'autorité de l'Etat, mais les villes payent, en contrepartie, une redevance de 7 francs par homme/an et 3 francs par cheval/an logé en caserne ! Ce système était encore en vigueur en 1870. Jusqu'à la guerre franco-prussienne, les constructions nouvelles ont été assez limitées et il serait intéressant de se pencher sur le financement de celles qui vu le jour à cette époque. J'imagine que les villes ont mis la main à la poche pour emporter la décision. Ce fut le cas à Laval, qui offrit 100.000 francs en 1860 pour obtenir une extension de la capacité, très limitée, de la sienne. Deux modestes bâtiments seront bien construits en 1862-63, mais la ville n'obtiendra pas mieux que le bataillon qu'elle avait déjà, sans état-major de régiment, et donc sans musique…
Il convient donc de mettre un bémol à mon affirmation selon laquelle il y avait un manque général de casernes avant 1873. En fait, j'entendais par là, mais je l'ai bien mal exprimé, qu'il existait peu de bâtiments construits expressément pour servir de casernes et que la plupart de celles qui logeaient des troupes était des locaux initialement destinés à un autre usage et plus ou moins bien aménagés. Le deuxième changement, pour moi, intervient à partir de 1873, quand on se lance dans un vaste programme de construction de casernes, sur le même modèle bien connu, autour de trois bâtiments en U (un pour chaque bataillon), bâtiments offrant un confort inhabituel pour l'époque. Il fallait bien loger les nouveaux régiments. C'est le génie qui a passé les marchés, selon la procédure des "marchés au rabais" alors en usage : l'administration fixait le prix maximal qu'elle était disposée à payer pour chaque prestation, les soumissionnaires indiquaient, poste par poste, le rabais qu'ils offraient. le moins disant emportait l'affaire. Deux casernes ont alors été construites en Mayenne, en 1875-1877 : une à Laval, sur le terrain de manœuvre qui avait été acheté peu avant la guerre ; l'autre à Mayenne, où il n'y en avait pas. Le plan qui consistait à placer un régiment d'infanterie à trois bataillons dans chaque subdivision militaire était d'inspiration nationale et sa mise en œuvre relevait donc en principe de l'Etat. Le subside de 350.000 francs pour lequel la ville de Laval s'est engagée (délibération du 9 mai 1874) était peut-être destiné à accélérer le processus. J'avais mené cette étude il y a presque dix ans maintenant et les notes que j'avais prises alors ont des lacunes. Si j'en ai le temps, dans quelques années, je me replongerai dans les archives locales. Si j'en ai le temps… Ça file tellement vite !
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