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Message Publié : 01 Déc 2021 16:19 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
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Voila une nouvelle fiche lecture sur Garibaldi par Guy Gauthier. Guy Gauthier est docteur en Histoire, écrivain et conférencier. Il a écrit aussi un biographie de la riene Victoria, de Missy reine de Roumanie et de Philippe auguste notamment.
Je l'ai mis dans le sous-forum Second Empire car on le connaît plus pour sa vie après 1850 qu'avant me semble t-il.


Garibaldi, l’aventurier de la Liberté

Par Guy Gauthier
(France-Empire, 2007)


Giuseppe Garibaldi (1807-1882) naît à Nice, alors française, en 1807, dans une famille de marins. En 1815, la ville est restituée au roi de Sardaigne. Ainsi, Garibaldi n’aura jamais à se dire Français, puisque sa ville natale était dés lors italienne. Il eut comme professeur un certain Arenna. Celui-ci l’initia à la culture romaine antique, à travers Salluste et Tite-Live, lui inculquant sa passion pour la grandeur de Rome et un très fort sentiment patriotique italien. Sa mère voulait qu’il entre dans les ordres. A son désespoir, il entre dans la marine, et navigue dans sa jeunesse dans la marine marchande. En 1832, il est capitaine.

Toute sa vie, il aura deux « amours » :

L’Angleterre. Le gouvernement anglais, en effet, a en maintes occasions favorisé ses entreprises.
Les femmes. Type même du « macho méditerranéen », il a eu en effet de nombreuses maîtresses et certaines l’ont aidé dans sa carrière.

Il aura deux « haines » :

La France. C’est l’éternelle rivalité entre les deux sœurs latines qui se ravivait en lui. Né à Nice, il souffrira beaucoup plus tard de l’annexion de cette ville par Napoléon III.
L’Eglise. Républicain intransigeant, il sera toujours anticlérical et son obsession sera d’enlever Rome au Pape.


I. Les débuts en Amérique du Sud.

Très tôt, il s’enthousiasme pour l’unité italienne et devient adepte des idées de Mazzini. Il suit de près les événements révolutionnaires européens de 1830 lesquels atteignent l’Italie en 1831. Chargé par Mazzini d’organiser un soulèvement de la flotte royale à Gênes en 1834, il échoue et, accusé de désertion et condamné à mort par contumace, doit s’enfuir de Sardaigne. Il gagne finalement l’Amérique du Sud en 1835, le Brésil, où pendant treize ans, il sera « l’aventurier du Rio Grande ». Effectivement, il est pris là en charge par le mouvement « jeune Italie ».

Toujours disciple de Mazzini, il propose à celui-ci de pirater en son nom comme corsaire les bateaux autrichiens et sardes s’aventurant dans les eaux brésiliennes, mais le maître refuse car il pense que c’est de l’enfantillage. Par besoin d’action et voulant lutter toujours pour la liberté, il prend là parti pour l’indépendance d’une province du sud du pays, la « république du Rio Grande ». Certes, les idées de « liberté, d’égalité et d’humanité » professé par les révolutionnaires ne concernent que les blancs et une minorité de potentats locaux, mais cette contradiction ne gêne pas notre aventurier. Il subit malgré tout deux défaites cuisantes. Déçu, il quitte le Brésil et va s’installer en Uruguay.

En Amérique, il a fait la connaissance de sa future épouse, Anita, laquelle partage son idéal pour la révolution.

Là, il participe, avec le grade de colonel (alors qu’il est marin et commande trois navires) à une guerre entre l’Argentine et l’Uruguay, en 1843. Il s’illustre lors de la défense de la capitale, Montevideo, contre l’armée argentine, notamment en constituant une légion de volontaires italiens (lesquels seront rivaux de ceux français). Lors de cette guerre, il acquiert un aura incontestable, à l’image des héros antique, en se montrant désintéressé par son refus de toute récompense en terres ou en argent. Sa réputation grandit.


II. Ses combats dans la Révolution de 1848.

L’Italie se met alors à bouillonner, et l’on s’achemine vers la révolution de 1848. Garibaldi regagne l’Europe en juin 1848. Il est partisan déclaré du roi du Piémont et veut absolument rencontrer Charles-Albert. A ce moment, celui-ci est en perte de vitesse et commence à reculer face aux Autrichiens. Garibaldi le rencontre à Romanella près de Mantoue. Mais c’est un échec sur le plan humain. Très différents l’un de l’autre, les deux hommes n’ont rien à se dire. Le roi est outré par l’apparence de ce « sauvage ». Il ne consent qu’à lui donner un commandement de quelques bateaux dans l’Adriatique. Le Niçois refuse (c’est curieux, car il avait un passé de corsaires qui rendait logique ce choix de Charles-Albert !). Il va alors offrir ses services au gouvernement provisoire de Lombardie à Milan, lui aussi en lutte contre l’Autriche.

Lui et ses volontaires font la guérilla contre les Autrichiens au service des Lombards. Le combat de ces derniers est ambigu car s’ils veulent chasser les Autrichiens, ils se méfient des Piémontais. Finalement, la lutte pour l’unité italienne est surtout le fait des élites. Le petit peuple italien n’a pas toujours été favorable au mouvement qui favorise selon lui l’expansionnisme piémontais. Garibaldi en est conscient.

Quoi qu’il en soit, l’aura qu’il acquiert parmi ses partisans lui vaut le surnom de Duce (« chef de guerre » à l’époque), appellation occultée par un autre Duce bien plus célèbre, mais qui définissait bien chez lui :

Son nationalisme intransigeant.
Son antiparlementarisme forcené.
Son appel à une dictature temporaire.
Son exaltation de la race italienne

Charles-Albert est finalement vaincu par les Autrichiens de Radetzki à Custozza en 1848. Malgré tout, Garibaldi continue à se battre. Lorsqu’il apprend que la révolution a éclaté à Rome, il est fou de joie car pour lui la ville éternelle représente l’âme de toute l’Italie. Il décide de s’y rendre pour y engager son duel avec le Pape.

Sur ce, le roi du Piémont Charles-Albert, profitant des ennuis causés à l’Autriche par la Hongrie, brise l’armistice avec son ennemi et reprend la guerre. Mais il est de nouveau battu par Radetzki et abdique en faveur de son fils Victor-Emanuel II. Très différent de son père, celui-ci voue une très grande admiration à ce condottiere italien qu’est Garibaldi et l’amitié entre les deux hommes perdurera tout au long de la carrière de ce dernier.

Garibaldi contribue à défendre Rome, entrée en Révolution après avoir chassé le Pape Pie IX, contre les troupes françaises du général Oudinot. Mais la réaction triomphe partout et Oudinot finit par reprendre la ville. Pie IX récupère son trône au grand dam de Garibaldi qui s’enfuit avec ses quatre-mille volontaires.

Traqué alors dans toute l’Italie, il gagne d’abord Venise. Mais son fidèle compagnon Ugo Bassi est capturé et fusillé par les forces réactionnaires. Surtout, il a la douleur de perdre sa compagne Anita. La Révolution écrasée à Venise en août 1849, il reprend sa fuite, parvient enfin à gagner le Piémont.

Garibaldi va peu à peu s’éloigner de Mazzini, son maître à penser d’origine. Celui-ci, en effet, milite pour un républicanisme idéologique et chimérique alors que Garibaldi voit la République, d’abord comme un idéal humaniste, mais surtout comme un but lointain et non prioritaire. Il est patriote avant d’être Républicain et recherche avant toute chose l’unité de l’Italie. Pour ce faire, il n’a pas hésité à se lier avec le roi du Piémont Victor-Emmanuel.

Embarrassé vis-à-vis de l’Autriche, le gouvernement piémontais l’oblige à s’exiler aux Etats-Unis. De là il va au Pérou avant d’entreprendre un voyage en Extrême Orient. Il revient en Amérique du Sud, retourne aux Etats-Unis, et finalement se rend en Angleterre. A Londres, il connaît le succès car la « garibaldomania » est à la mode.

Il retourne peu après en Italie et s’installe dans le domaine qu’il a acquis à Caprera, en Sardaigne. Là, il vit la vie de « Cincinatus » en s’occupant de l’aménager et de le faire cultiver. Ainsi végète-t-il en attendant que l’action politique le sollicite de nouveau.


III. Guerre avec l’Autriche et perte de Nice.

Précisément, le Piémont s’achemine peu à peu vers une nouvelle guerre avec l’Autriche et tente d’obtenir l’alliance de la France de Napoléon III. Après que celui-ci ait rencontré le ministre Cavour à Plombières en 1858, elle est finalement signée. Lorsqu’éclate le conflit, le roi du Piémont demande à Garibaldi de lui recruter des volontaires. Cavour cherche surtout à l’encadrer car il se méfie de lui.

Garibaldi, durant la guerre, combat les Aurichiens avec ses trois mille volontaires en Lombardie. S’il est aimé du roi il est méprisé par ses ministres, lui et ses troupes, qui le trouvent peu reluisant à côté de l’armée piémontaise officielle. Mais il n’en a cure et continue à se battre.

La guerre finalement se termine avec la victoire des Franco-piémontais, mais l’armistice de Villafranca est une déception pour Cavour et les patriotes italiens. De fait, notre condottiere refuse de déposer les armes et va combattre en Italie centrale pour permettre l’annexion d’autres territoires, faisant pièce à l’armistice. Ainsi la Toscane, Parme, Modène, l’Emilie rejoignent l’unité italienne après plébiscite. Le peuple est cependant tenu à l’écart et le Risorgimento est surtout le fait des classes moyennes, des élites italiennes.

Napoléon III exige alors et obtient Nice et la Savoie. Garibaldi est furieux car Nice était sa patrie. Sa méfiance envers la France en est augmentée d’autant. Il en veut aussi à Cavour qui a donné son accord.


IV. La conquête de l’Italie du Sud.

Comme dérivatif à sa fureur, il se lance dans la conquête du royaume des deux-Siciles sur lequel règne alors François II. Cette campagne devait être le fait majeur de la carrière de Garibaldi.

Quel que soit le sentiment national italien, cette entreprise a bien été un acte de brigandage international, n’en déplaise au romantisme de Dumas. Le condottiere est aidé en cela par l’argent et la flotte de l’Angleterre. Il avait l’aval officieux du roi Victor-Emmanuel II mais non celui de Cavour qui, en bon diplomate qu’il était, craignait les complications internationales. Il recrute des volontaires, les « mille » chemises rouges (mille-quatre-cent en fait) composées de ressortissant de tous les pays, dont le célèbre Alexandre Dumas qui a popularisé l’expédition (en même temps que Victor Hugo). La couleur rouge de leur uniforme est en fait une ruse. On sait que c’est aussi la couleur des uniformes anglais. Ainsi les ennemis hésiteront à tirer ne sachant s’ils ont affaire à des Garibaldiens ou à des Anglais (tuer un Anglais amènerait en effet un refroidissement des relations avec l’Angleterre)

Finalement, sous les bons auspices des Anglais, les Mille débarquent à Marsala sur la côte occidentale de la Sicile. Une fois sur l’île, notre Général prend deux mesures : il crée une garde nationale et supprime l’Ordre des jésuites. Cette deuxième décision entraîne la laïcisation des biens du clergé, de ses terres surtout qui profitent essentiellement aux petits notables locaux au détriment des paysans. D’ailleurs, Garibaldi, qui veut se rallier les élites locales, maintient l’ordre et vire les ruraux qui ont tenté de s’emparer de certains domaines.

Le roi François II se décide enfin à réagir et ordonne à ses troupes de barrer la route de Palerme au condottiere. Une bataille a lieu ainsi en Mai 1860 à Calatafimi. Garibaldi est vainqueur et assiège Palerme. La flotte anglaise impose alors un armistice lequel favorise Garibaldi. Celui-ci est une fois de plus vainqueur du généra Bosco à Milazzo, ce qui lui permet de s’emparer de Messine. De nouveau les Anglais imposent un armistice qui lui est favorable.

Pourquoi les Anglais ont-ils aidé Garibaldi en Italie du Sud ?

En fait sous le joli prétexte de détruire un Etat clérical, absolutiste et policier, ils pensaient surtout à assurer des débouchés à leur industrie. Or, le Royaume des Deux-Siciles étant protectionnistes, il importait de le rayer de la carte européenne. Quant à la France de Napoléon III, elle laissa faire.

Grâce à la trahison des officiers de la marine des bourbons, les « Mille » passent en Sicile et conquièrent l’île. Le roi François II alla alors se réfugier en Sardaigne.

Dans l’ensemble, cependant, le peuple est resté spectateur et a peu soutenu les Garibaldiens. Là encore, notre condottiere constatait que l’idée unitaire concernait plus les élites intellectuelles que le petit peuple. Il en était ainsi dans toute l’Italie. Depuis deux mille ans le peuple de la péninsule avait vu défiler moult envahisseurs. Les hommes de Garibaldi en étaient parmi tant d’autres. Aussi avait-il toujours préférer s’arranger, composer, ruser avec :

Le paternalisme des princes.
Le maternage de L’Eglise.
La protection des sociétés secrètes mafieuses.

Garibaldi finit par entrer triomphalement à Naples. Il se proclame dictateur de l’ancien Royaume des Deux-Siciles. Sur ce, l’armée piémontaise prend l’Ombrie et les Marches au Pape Pie IX. Puis elle rejoint le condottiere à Naples. L’ancien royaume d’Italie du Sud a vécu.

Cavour se méfie de Garibaldi dont il craint le pouvoir exorbitant bien qu’il ait officiellement remis les territoires conquis au roi Victor-Emmanuel II. Il se défie aussi de son républicanisme et de son entourage de gauche. De son côté, Garibaldi s’entend très bien avec le roi du Piémont mais déteste Cavour à qui il reproche son abandon de Nice.

Le Pape est alors très inquiet car après Naples, Garibaldi devrait logiquement marcher sur Rome.

Des plébiscites organisés à Naples et en Sicile sont favorable au Piémont. Mais ils sont sujets à caution. De plus, c’est essentiellement la bourgeoisie, qui voulait accaparer les places, et la noblesse, qui voulait conserver ses privilèges, qui répondent « oui ». Le peuple suit le mouvement et ne comprend pas grand chose à cette idée d’unité.

Certains cercles intellectuels, cependant, par exemple le député milanais Ferrari, refusent celle-ci et auraient préféré une fédération à l’image des Etats-Unis d’Amérique plutôt qu’une unité centralisée qui ne faisait que favoriser l’expansionnisme piémontais. C’est la grande différence avec l’unité allemande laquelle s’est fondée sur une fédération.

Pour conclure, Garibaldi et Victor-Emmanuel II se rencontrent à Teano en 1860, symbole du ralliement du condottiere à la maison de Savoie. Après cela, Garibaldi se retire des affaires et repart pour son domaine de Caprera. Il aurait voulu que le roi lui confie la lieutenance générale de l’Italie du Sud où il aurait été un temps dictateur. Mais Cavour ne voulait pas car de là il aurait pu marcher sur Rome, ce à quoi le ministre se refusait. En fait, Garibaldi aurait voulu la lieutenance générale pour toute l’Italie afin de conquérir la Vénétie sur L’Autriche avant de marcher sur la ville éternelle. Certains ont pensé qu’il voulait usurper le trône du nouveau roi d’Italie, mais ce n’est pas prouvé.

L’unité italienne est solennellement proclamée en mars 1861. Mais Garibaldi est furieux car on veut dissoudre ses volontaires dans l’armée régulière. Il vient protester au Parlement de Turin contre Cavour. Celui-ci meurt en juin 1861.


V. Vers la prise de Rome.

Inoccupé et aigri, le condottiere songe à quitter l’Europe derechef. Précisément vient d’éclater aux Etats-Unis la guerre de Sécession. Conformément à ses idées, Garibaldi ne peut prendre parti que pour le Nord, contre le Sud esclavagiste bien sûr. En l’occurrence, le président Lincoln lui propose un commandement dans son armée. Mais Garibaldi ne veut pas un commandement mais le commandement, celui de toutes les armées nordistes, pas moins ! Comme c’était évidemment impossible, le projet est tombé à l’eau, d’autant plus que la communauté catholique américaine était contre le général, volonté de Pie IX oblige, et que Lincoln ne voulait absolument pas s’aliéner celle-ci.

Toujours obnubilé par Rome, le Général retourne en Sicile puis en Italie du Sud pour marcher sur la Ville éternelle, ce avec la complicité tacite de Victor-Emmanuel II. Mais la France intervient et le roi doit ordonner à ses troupes de l’arrêter, ce qui est fait au combat d’Aspromonte. C’est un échec pour Garibaldi.

En attendant des jours meilleurs, il décide de se rendre en Angleterre en avril 1864, pays qui l’a toujours soutenu et où il est accueilli comme un roi, célébré partout (excepté par la reine Victoria et son ministre Disraeli qui le considèrent comme un « pirate »). Cette visite devient vite une visite d’Etat car l’Angleterre veut montrer au monde qu’elle reste partie prenante à l’affaire italienne et se sert à cette fin de notre condottiere. Une fois ce but atteint, elle renvoie Garibaldi.

Celui-ci rentre dans sa patrie où il devient chef de la franc maçonnerie du pays en se faisant élire Grand Maître du Grand Orient d’Italie. Il se retire ensuite sur son domaine de Caprera et vit en grand propriétaire terrien, tout en étant guetté par l’ennui.

Eclate alors en 1866 la guerre austro-prussienne, à laquelle prend part l’Italie contre l’Autriche. Garibaldi est sollicité par le gouvernement pour participer au conflit avec ses trois mille volontaires, ce qu’il accepte sans hésitation. Il se bat vaillamment dans le Tyrol italien mais avec des résultats mitigés du fait des défaites subies par l’armée régulière à Custozza et à Lissa. Désabusé, il doit cesser le combat. Malgré tout, l’Italie obtient la Vénétie sur l’entremise de Napoléon III. Garibaldi est furieux de la façon dont celle-ci a été annexée, en passant par la France honnie, et méprise la classe politique Italienne, le honteux système parlementaire. A plus de soixante ans, il se retire de nouveau à Caprera.

Très vite il repasse dans la péninsule pour y organiser une expédition contre la Rome de Pie IX. Lui et ses hommes franchissent, la frontière pontificale avec la complicité officieuse du gouvernement italien. La France intervient alors et envoie un corps expéditionnaire qui, de concert avec les troupes du Pape, bat les cinq mille Garibaldiens à Mentana en novembre 1867 (« Nos chassepots ont fait merveille »). Le Général doit s’enfuir, au grand mépris de ses ennemis.


VI. Les derniers combats.

Amer, il se retranche encore une fois dans son domaine, cette fois-ci pour longtemps. Il en veut à tout le monde, surtout à son copain Victor-Emmanuel II qui ne l’a pas secouru à Mentana. Il aurait voulu que le roi se fasse dictateur et prenne Rome par la force, ce qui aurait immanquablement provoqué une guerre avec la France, protectrice de la Ville depuis Pépin le Bref. Comme si l’Italie après s’être fait battre par l’Autriche pouvait affronter sa sœur latine ! Finalement, Rome sera annexée tout de même par le gouvernement italien, mais seulement en 1870, après la défaite de la France face à la Prusse. L’armée italienne entrera dans la cité mal défendue par les Français. Des compagnons de Garibaldi participeront à l’action mais sans leur chef qui, toujours aigri, ne quittera pas son domaine. Il s’insurge notamment contre les restes de pouvoirs temporels laissés par le roi à Pie IX, car pour cet anticlérical absolu tout prêtre est par nature un démon.

Cependant, le vieux lion, de nouveau tenté par l’action, ressort de sa tanière, cette fois-ci pour aider la France, que pourtant il déteste, dans sa guerre avec l’Allemagne. Certes, le Général en veut beaucoup à ce qui est pour lui l’éternelle rivale latine de l’Italie. En fait, il détestait surtout Napoléon III. Mais celui-ci est à présent déchu et le nouveau gouvernement républicain représente pour Garibaldi, le principe de la Liberté et de la fraternité des peuples. Quant au gouvernement italien, il laisse faire, peut être dans l’espoir de récupérer Nice, cédée par la France reconnaissante si elle est victorieuse, par la Prusse dans le cas contraire (comme fera plus tard Hitler pour Mussolini). Précisément, en France, Gambetta est un peu inquiet et ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée dans le pays de ce trublion, d’autant plus qu’il est honni par la droite cléricale et catholique qui offre de bons soldats à la défense. L’armée régulière, quant à elle, méprise ce matamore.

Malgré tout, Garibaldi débarque à Marseille et participe au conflit avec ses deux fils. Il est nommé général de division de l’armée des Vosges, en fait une armée-fantôme qu’il doit créer lui-même. Il se bat bien, notamment lorsque lui et ses fils font 167 prisonniers Prussiens à Chatillon-sur-Seine. Mais l’armistice est signé, au grand dam de notre Général qui, pensant que tout n’était pas perdu et infatigable lutteur, voulait que l’on continue le combat. La raison officielle invoquée à ce choix est la volonté de paix dont témoignait le peuple français. Pourtant, en face ce n’était pas mieux. L’Etat-major prussien l’a reconnu, malgré toutes leurs victoires, les Allemands étaient épuisés et ne pouvaient rester éternellement dans le pays. Peut être avec un peu plus de pugnacité, la France aurait évité la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Aussi à travers la résolution de Garibaldi se pose la question suivante : fallait-il poursuivre la guerre ou non ? Le débat reste ouvert.

Garibaldi aurait voulu que Gambetta se fasse dictateur et proclame la levée en masse contre l’envahisseur, exactement ce que lui-même aurait voulu être en Italie. Mais Gambetta n’a pas osé le faire. Pour défendre ses idées le vieux condottiere vient à Bordeaux au Grand théâtre où siège l’Assemblée. Là il se heurte à la droite réactionnaire qu’il abhorre. Déçu, il quitte l’armée des Vosges et regagne la péninsule.

Lors de la Commune à Paris en 1871, ses membres proposent à Garibaldi de se joindre à eux. Il refuse, d’abord parce qu’il est malade, surtout parce que, une fois encore, il veut être carrément le chef absolu du mouvement, estimant que seul un pouvoir fort assurera sa victoire. Les communards refusent. Prévaut ainsi toujours chez lui sa très chère idée d’une dictature préalable pour que soit rendu possible le triomphe de la Liberté !

Il est aussi pour une union entre les peuples, milite pour les Etats-Unis d’Europe et pensent que les nations les plus fortes doivent favoriser sa création, la France et l’Angleterre avant 1870, l’Allemagne après. En fait, il faudra attendre 1918 et la création de la SDN pour que son rêve soit réalisé.

Il passe les dernières années de sa vie à favoriser des grands travaux, comme le projet d’assainissement de la plaine du Pô. Il fonde aussi la Ligue pour la démocratie qui prône notamment le suffrage universel, volonté chez lui de corriger le côté noir de l’unité italienne qui a laissé à l’écart le petit peuple.

Finalement, il meurt en juin 1882, à l’âge de soixante-quinze ans.

Ce désir de se faire dictateur temporaire, Mussolini, journaliste socialiste à ses débuts, lui donnera suite en s’emparant du pouvoir, concrétisant ainsi la filiation entre le premier et le second Duce.

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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Message Publié : 01 Déc 2021 19:29 
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Salluste
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Inscription : 28 Mars 2020 20:19
Message(s) : 236
Localisation : Poitou
Merci Ouligator pour votre résumé fort intéressant (comme toujours :wink: ) de cette biographie sur Garibaldi. L'exercice du résumé tend à simplifier les choses et je ressors de cette lecture avec le sentiment que la personnalité de ce grand personnage n'est pas restituée dans toute sa complexité. De même, sa relation avec la France ne peut être résumée à une simple détestation de notre pays, et surtout, de Napoléon III. Enfin, mais c'est un point de détail, je ne comprend pas la phrase ci-dessous :

Oulligator a écrit :
Grâce à la trahison des officiers de la marine des bourbons, les « Mille » passent en Sicile et conquièrent l’île. Le roi François II alla alors se réfugier en Sardaigne.

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La classe des sots politiques est, de toutes les classes de sots, la plus sotte (Alexandre Erdan).


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