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Message Publié : 10 Nov 2010 18:15 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 10 Nov 2010 17:53
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Bonjour/soir à tous !

Avec des amis on a un exposé à faire sur les deux tomes d'Alexis de Tocqueville. Malheureusement, l'un d'entre nous est letton, de ce fait il a énormément de mal à comprendre les livre ce qui ne facilite pas notre tâche. En même temps je comprends c'est pas le bouquin le plus facile du monde.

C'est donc pour ça que je fais appel à votre communauté afin que vous puissiez m'éclairer sur quelques points.

Premièrement, est-ce qu'il y a des personnages récurrents ou des figures historiques qui apparaissent ?

Ensuite, quels sont les lieux que Tocqueville visite ou cite ?

Si je vous pose ces questions c'est parce que nous préférons pour l'instant nous concentrer sur les analyses de Tocqueville plutôt que l'aspect narratif.

Un gros merci d'avance, vous me rendrez un grand service je l'espère :wink:

BOnne soirée !


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Message Publié : 01 Déc 2010 19:39 
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Hérodote
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Inscription : 10 Nov 2010 17:53
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Personne n'a de réponse, c'st bien dommage.


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Message Publié : 02 Jan 2011 19:35 
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Thucydide
Thucydide
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Inscription : 02 Jan 2011 14:37
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Localisation : Belgique
Bonsoir,

Tocqueville a fortement été influencé par son temps. Vivant aux périodes charnières de l’histoire sociale, et en dépit de ses origines sociales, il est opposé aux monarchies et attaché à la démocratie. Il a lu les philosophes et théoriciens des Lumière, mais également de l’Antiquité, comprenant Platon et Plutarque, ainsi que Machiavel. Les systèmes politiques le passionnent, et son voyage en Amériques le confirme dans ses idées. Il sent qu’il se passe quelque chose de moderne dans le Nouveau Monde, et il considère la démocratie américaine comme la forme la plus aboutie de la démocratie . Il démontre les biens-faits de cette démocratie par plusieurs faits :
- elle apporte le bien-être au plus grand nombre,
- la démocratie et l’égalité sont intimement liées,
- l’absence de barrières rigides entre les strates sociales rend la mobilité sociale possible,
- elle améliore les conditions de vie pour le plus grand nombre

Mais Tocqueville, en historien et juriste, reste un observateur critique des systèmes politique, et dresse un constat de quatre grands dangers de la démocratie :

- L’individualisme : Tocqueville pense que des comportements individualistes et d’indifférence peuvent se créer mettant en danger la masse sociale cohérente. Il recommande de combattre ce danger en s’investissant dans des mouvements collectifs civils ou politiques.
- L’anarchie : La démocratie qui offre la liberté totale peut enlever toutes limites, ce qui peut engendrer l’anarchie. D’où l’importance de règles de vie et de régulation sociale.
- Le despotisme démocratique : Dans une société démocratique représentative, le peuple est représenté par des élus qui possèdent le pouvoir. Ceci peut asservir la population au bout d’un temps, et le moyen de l’éviter reste, selon Tocqueville, de garder la liberté de la presse pour favoriser l’expression des opinions individuelles.
- Le despotisme de la majorité : Lorsque le principe de la majorité détermine les règles de fonctionnement d’une démocratie, « c’est de plus en plus l’opinion qui mène le monde » . L’opinion publique et donc la majorité ne peut sans cesse décider de la conduite d’un état, car le risque de perdre son identité personnelle et donc son indépendance est grand.

Tocqueville s’interroge sur la persistance de cette démocratie américaine qu’il étudie, et avance trois grandes causes :
- Causes contingentes (espace géographique vaste et vierge de toute organisation)
- Causes culturelles (un christianisme démocratique et républicain, esprit de liberté)
- Causes institutionnelles (décentralisation administrative du pouvoir, fédéralisme)

Il mentionne également la nécessité de contre-pouvoirs, comme les libertés de la presse, les associations, et surtout la liberté des croyances. Les américains ont l’habitude de former toutes sortes de groupements et d’associations afin « d’agir en commun ». La liberté de culte est également très importante, car ce que la liberté politique offre, la religion de chacun le régule, mais cette liberté de culte ne peut fonctionner qu’une fois la croyance personnelle intériorisée.

Tocqueville par ses études, amène également une nouvelle méthodologie. Il base ses recherches sur un travail de terrain, par rapport à des observations et des entretiens lors de ses voyages. Il réalise des grilles prédéfinies d’entretiens et note toutes ses observations systématiquement. Il utilise également une méthode comparative, et lance la posture individualiste, car il tente d’expliquer les comportements du groupe à partir de l’individu.

Tocqueville est un penseur contemporain, qui a permit tout d’abord de mieux connaître les Etats-Unis en Europe, mais a aussi fait réfléchir aux problèmes contemporains comme la citoyenneté, la démocratie, les associations et les libertés individuelles et collectives. Ses critiques de la démocratie l’ont actualisé dans la moitié du XXe siècle, lorsque les mouvements totalitaires et les questions sur la démocratie et les libertés individuelles surgiront.

Il faut bien se rendre compte que Tocqueville n’a jamais eu l’intention de faire un travail sociologique, et il est d’ailleurs considéré comme historien et juriste de son temps. Mais ses observations restent pertinentes, et est considéré comme un des pères de la sociologie.

_________________
Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier.
Bloch M.


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Message Publié : 21 Jan 2011 23:04 
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Hérodote
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Inscription : 21 Jan 2011 21:36
Message(s) : 21
Apologie... a écrit :
en dépit de ses origines sociales, il est opposé aux monarchies et attaché à la démocratie.
Votre formule prête à confusion. Tocqueville n'est pas attaché à la démocratie pour elle-même. Il est attaché au principe du réel : la démocratisation de l'Europe est en marche ; c'est un fait qui s'enracine loin dans l'histoire. Il parle d'un « fait providentiel », non comme on dirait qu'on a de la chance, mais au sens traditionnel : ses causes et ou ses raisons nous échappent (l'œuvre de Dieu). On parle volontiers d'un réalisme résigné chez lui, à propos de la démocratie, qu'il accepte comme on accepte une nécessité, mais à laquelle il ne se sent aucune espèce d'affinités. Au total, qu'on aime ou pas la démocratie, il faut l'accepter, dit Tocqueville

Tocqueville a écrit :
Partout on a vu les divers incidents de la vie des peuples tourner au profit de la démocratie ; tous les hommes l'ont aidée de leurs efforts : ceux qui avaient en vue de concourir à ses succès et ceux qui ne songeaient point à la servir ; ceux qui ont combattu pour elle, et ceux qui se sont déclarés ses ennemis ; tous ont été poussés pêle-mêle dans la même voie, et tous ont travaillé en commun, les uns malgré eux, les autres à leur insu, aveugles instruments dans les mains de Dieu.
Le développement graduel de l'égalité des conditions est donc un fait providentiel, il en a les principaux caractères : il est universel, il est durable, il échappe chaque jour à la puissance humaine ; tous les événements, comme tous les hommes, servent à son développement.
Serait-il sage de croire qu'un mouvement social qui vient de si loin pourra être suspendu par les efforts d'une génération ? Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la démocratie reculera devant les bourgeois et les riches ? S'arrêtera-t-elle maintenant qu'elle est devenue si forte et ses adversaires si faibles ?
Où allons-nous donc ? Nul ne saurait le dire ; car déjà les termes de comparaison nous manquent : les conditions sont plus égales de nos jours parmi les chrétiens qu'elles ne l'ont jamais été dans aucun temps ni dans aucun pays du monde ; ainsi la grandeur de ce qui est déjà fait empêche de prévoir ce qui peut se faire encore.

Le livre entier qu'on va lire a été écrit sous l'impression d'une sorte de terreur religieuse produite dans l'âme de l'auteur par la vue de cette révolution irrésistible qui marche depuis tant de siècles à travers tous les obstacles, et qu'on voit encore aujourd'hui s'avancer au milieu des ruines qu'elle a faites.
Il n'est pas nécessaire que Dieu parle lui-même pour que nous découvrions des signes certains de sa volonté ; il suffit d'examiner quelle est la marche habituelle de la nature et la tendance continue des événements ; je sais, sans que le Créateur élève la voix, que les astres suivent dans l'espace les courbes que son doigt a tracées.
Si de longues observations et des méditations sincères amenaient les hommes de nos jours à reconnaître que le développement graduel et progressif de l'égalité est à la fois le passé et l'avenir de leur histoire, cette seule découverte donnerait à ce développement le caractère sacré de la volonté du souverain maître. Vouloir arrêter la démocratie paraîtrait alors lutter contre Dieu même, et il ne resterait aux nations qu'à s'accommoder à l'état social que leur impose la providence.
[...]
Instruire la démocratie, ranimer s'il se peut ses croyances, purifier s'il se peut ses mœurs, régler ses mouvements, substituer peu à peu la science des affaires à son inexpérience, la connaissance de ses vrais intérêts à ses aveugles instincts ; adapter son gouvernement aux temps et aux lieux ; le modifier suivant les circonstances et les hommes : tel est le premier des devoirs imposé de nos jours à ceux qui dirigent la société.
Il faut une science politique nouvelle à un monde tout nouveau.

De la démocratie en Amérique I, Introduction, GF-Flammarion, 1981, pp. 60-61"


Apologie... a écrit :
Il mentionne également la nécessité de contre-pouvoirs, comme les libertés de la presse
Il est très critique, et sans illusion aucune sur les effets de la liberté de la presse (cf. tout le chapitre III, notamment la fin, quand il établit un rapport entre l'opinion et les préjugés) :
Tocqueville a écrit :
J'avoue que je ne porte point à la liberté de la presse cet amour complet et instantané qu'on accorde aux choses souverainement bonnes de leur nature. Je l'aime par la considération des maux qu'elle empêche bien plus que pour les biens qu'elle fait.

p. 264.


Enfin, si on parle de scepticisme démocratique à propos de Tocqueville (cf. par exemple Pierre Manent), ce n'est pas pour rien.


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Message Publié : 15 Mars 2011 14:59 
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Hérodote
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Inscription : 08 Mars 2011 1:51
Message(s) : 5
Localisation : Montréal, Québec, Canada
Pour ma part, j'ai une question à propos de Tocqueville. Ce dernier a affirmer craindre la tyrannie de la majorité.
Croyez-vous que ces craintes étaient fondées?


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Message Publié : 23 Jan 2023 11:15 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
Message(s) : 1785
Localisation : région de Meaux
Le 23 janvier 1835, le jeune Tocqueville publie son "De la démocratie en Amérique", à l'issue de son voyage effectué en 1831-1832 avec son ami Gustave de Beaumont, magistrat comme lui à Versailles. Modèle de lucidité et emprunte d'une grande valeur prédictive, la description de la société démocratique à venir de Tocqueville annonçait bien, entre autre, ce qu'on a appelé la « société de consommation » et le rôle majeur de l'opinion.

Tocqueville prévoit le gouvernement voire la tyrannie de l'opinion. Premier effet dans la vie intellectuelle : l'utilitarisme dans les sciences, l'industrie littéraire qui « s'efforcera d'entraîner les passions plus que de charmer le goût » ( il n'a pas prévu la TV ou tik tok mais bien leurs travers), l'abaissement du langage... Dans la vie sociale, le triomphe de l'individualisme, le désintérêt des citoyens pour leurs devoirs politiques, d'où la chance offerte aux ambitieux sans scrupules, ou aux factions parlant « au nom d'une foule absente et inattentive » .

Il montre que l'égalité favorise l'autorité du pouvoir politique. Le souci de confort, de tranquillité publique, la haine des privilèges, inclinent les citoyens à s'en remettre à un État fort.

Y a-t-il des remèdes à cette tendance ? L'auteur en énonce quelques-uns : la décentralisation, le mouvement associatif, la presse et la vigilance de chaque citoyen, qui ne doit admettre aucune violation des libertés individuelles.

_________________
Le passé change parce que nous changeons


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Message Publié : 24 Jan 2023 18:53 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 22 Mai 2021 20:18
Message(s) : 575
Il faut que je m'y replonge, merci de ce rappel anniversaire (surtout vu mon pseudo). Ce livre est plus diffusé aux Etats-Unis qu'en France, et plus étudié aussi, avec Hamilton et les Federalist Papers des que l'on aborde les questions de la démocratie en Amérique et de sa Constitution. Ce qui lui donne son côté contemporain est sa vision a long terme. Effectivement Liber Censualis, la force des mouvements associatifs, qui pallient toujours un Etat peu secourable, la presse comme contre-pouvoir, et la pugnacité de chaque citoyen gardant jalousement ses droits contre toute tentative de violation de ses libertés individuelles.


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