A.Gaillard a écrit :
En termes de nombre de victimes de la colonisation des Amériques, il semble qu’il n’y ait pas d'accord sur les chiffres, par exemple :
- David E. Stannard, professeur d’études américaines à l’Université de Hawaï, American Holocaust – The Conquest of the new World, (Oxford University Press, 1992) : en quatre siècles 90 % de la population indienne des deux Amériques auraient été exterminés, ce qui représente 90 millions de morts.
- El Kenz David, Encyclopédie des violences de masse, Sciences Po, Paris 2010, disponible sur http://www.massviolence.org : à la fin du XVe siècle, au Mexique, vivaient 25 millions d'Indiens ; en 1568, ne subsistaient plus que 2,65 millions d'autochtones. De même, le Pérou d'Atahualpa était peuplé de 9 millions d'êtres humains en 1532, alors qu'en 1570 il n'en restait plus que 1,3 million. (Borah et Cook Sherburne, 1971-1979 ; Bernand et Gruzinski 1991, 536-543).
Le fait est que ces affirmations ne proviennent que d'une hypothèse qui n'a jamais été remise en question.
Personne ne connaît le nombre d'habitants des Amériques précolombiennes. Les populations amérindiennes sont estimées assez rapidement après la pandémie de 1490-~1530 (peut-être au XVIe siècle par un auteur relativement célèbre, mais j'ai perdu toute source sur la date et l'auteur) et cette estimation est reprise, modifiée ou non, par d'autres auteurs.
Ensuite, si personne ne connaît le nombre d'Amérindien avant les débarquements espagnols, personne ne connaît leur nombre à la fin de la pandémie. Ces deux nombres étant incertains, leur différence, qui établit le nombre d'Amérindiens tués par les conquêtes espagnoles (en particulier) reste tout aussi incertain.
A.Gaillard a écrit :
- Jacques Serieys, Conquête de l’Amérique latine : Y a-t-il eu génocide des Indiens par les conquérants espagnols ? 7.2012, disponible sur <
http://www.gauchemip.org/spip.php?article3485>
Ca tient beaucoup à un cliché scolaire.
Sur le nombre d'Amérindiens supposés avoir disparus entre l'arrivée de Colomb à Hispaniola et la fin de la pandémie (j'en calcule une moyenne d'environ 48 millions de disparus), seuls 12 millions seraient dues à des morts violentes (massacres, travaux forcés), laissant théoriquement 36 millions d'Amérindiens disparaître sans avoir même croisé de colons (en Amérique du Nord, au sud du Mexique et en Amérique du Sud).
Ensuite, un génocide doit correspondre à une définition pénale, soit le massacre plannifié par des autorités de groupes ethniques ou religieux. A ce titre, les morts violentes subies par les Amérindiens sont en partie dues à des mauvais traitements et servage (Pérou, Caraïbes...), prédation esclavagiste (Paraguay, Caraïbes...), à plusieurs guerres (alliant parfois des Amérindiens et des Européens contre d'autres Amérindiens... et Européens). Les épisodes génocidaires célèbres et caractérisés semblent toutefois très minoritaires dans le bilan de ces morts violentes (massacre de la population cubaine, de tribus brésiliennes, guerres indiennes...), les colons européens étant surtout en quête d'esclaves ou de sujets pour leurs conquêtes, ce qui signifie que dans l'ensemble la mort des Amérindiens n'étaient le plus souvent pas souhaitée (c'est flagrant dans les lettres de Cortès qui voit la population de son empire conquis fondre ; il ne peut d'ailleurs pas l'agrandir au sud (vers l'isthme d'Amérique centrale) faute de populations ayant survécu à la pandémie et pouvant ravitailler et servir ses éclaireurs.
A.Gaillard a écrit :
- La thèse selon laquelle l’effondrement démographique serait lié pour l’essentiel aux germes transportés par les européens est critiquée par l’argument suivant : face à une nouvelle épidémie, un groupe humain développe en quelques générations un système immunitaire qui enraie l’hécatombe ; or rien de tel ne semble s’être produit chez le Amérindiens.
1. Comme je vous l'ai écrit plus tôt, les hypothèses de peuplement des Amériques précolombiennes font disparaître des dizaines de millions d'habitants dans des régions alors inconnues par les colons européens (par exemple, estimation moyenne de 7 millions de disparus sur le territoire américain avant les premiers grands conflits entre Amérindiens et colons).
2. La progression et les ravages de la pandémie sont décrits et documentés dans la bibliographie relatant la conquête du Mexique par Cortès.
3. En dépit des pertes (estimation moyenne de 80 % perdus sur une population originale moyenne de 59 millions d'Amérindiens), 20 % ont survécu. Ces survivants sont aujourd'hui les ancêtres de 559 millions de Latino-Américains. Leur système immunitaire les a donc effectivement protégés contre les épidémies et cet argument n'est pas contradictoire.
Citer :
Une synthèse critique serait-elle disponible ? »
J'espère vous avoir donné des pistes pour en établir une.
De manière générale, la quantification de ces disparitions est largement sujette à caution parce qu'elle ne repose que sur des hypothèses démographiques en l'absence de tout registre. Je crois qu'il n'y a guère que dans les Caraïbes, au Mexique et au Pérou que les Espagnols ont pu donner des estimations du nombre d'habitants à leur arrivée. De plus, suivant le premier auteur, de nombreux auteurs ont étendu la densité de peuplement des empires aztèque et inca, bien administrés donc productifs et permettant des densités de peuplement élevées, à l'ensemble des Amériques qui étaient largement moins productives en termes de ressources alimentaires.
Ensuite, l'imputation de 48 millions de disparus sur toutes les Amériques, vers 1500, à quelques milliers de colons espagnols débarquant au Mexique et au Pérou, voire aux Anglais qui ne débarquent qu'en 1607 aux USA ou même aux Américains qui n'existent qu'en 1784 (comme je l'ai lu sur des forums alter-mondialiste ou athée), constitue un préjugé idéologique et politique qui n'est fondé sur aucun examen un tant soit peu approfondi.