On imposait cette pratique aux filles dès l'age de 6-8 ans. Le but est d'avoir un pied qui ait la taille de 7.5 cm. Pour se faire, on repliait les orteils (sauf le pouce) sous la plante des pieds et on les serraient dans des bandes. Et on forçait les filles à marcher ainsi pour former les pieds. Les bandes étaient changées tous les jours et on forcait le pied à rentrer dans des chaussures plus courtes de quelques milimètres toutes les 2 semaines. De plus, le pied était formé sur une éspèce de ceintre métalique afin de racourcir le talon en le ramenant vers l'intérieur du pied.
On imagine aisément le calvaire enduré par les jeunes filles, autant physique que moral... D'après l'article que j'ai lu, on estime à environ 10% les décès par septicémie dès les premiers mois. En effet, les orteils ainsi déformés étaient littéralement brisés en morceaux et complètement aplatis, perdaient leurs ongles, l'irrigation ne se faisait que très difficilement, et donc il n'était pas rare qu'ils se nécrosent. De plus, le creux formé par le talon que l'on ramenait vers l'intérieur du pied était un nid à microbe et les infections et autres mycoses n'étaient pas rares non plus, favorisées par la chaleur estivale et ce malgré les soins quotidiens. L'été, les femmes souffraient de la chaleur qui provoquaient de violentes douleurs qui remontaient dans les jambes du fait de la mauvaise circulation sanguine des pieds, qui dégageaient souvent une odeur incommodante. L'hiver était plus supportable, mais le moindre courant d'air chaud provoquait des douleurs.
Marchant avec un baton dans chaque main pour les aider à garder un équilibre précaire, leur démarche était peu stable et donnait l'impression d'etre une constante recherche d'équilibre, comme si elles courraient après leur centre de gravité. Ces femmes se déplaçaient donc peu et surtout ne pouvaient pas travailler, ce qui leur permettait de se différencier du reste du peuple, obligé de travailler, en plus d'etre considéré comme un attribut érotique. De ce fait cette pratique, en tout cas au début, était l'apanage des classes supérieures.
Elle a été progressivement abolie au cours du XXème siècle et les petites chaussures interdites, ce qui causa un double traumatisme pour ces femmes : le premier lors du bandage des pieds, le second parcequ'elles ont été obligées par la force des choses de montrer leur pieds, ce qui étaient un grand tabou.
"J’avais sept ans quand on a commencé à m’infliger la torture des pieds bandés. J’étais une enfant active qui aimait courir et sauter mais à partir de ce moment-là ma nature libre et optimiste a disparu... Ma mère a consulté pour connaître le jour qui serait favorable pour commencer le bandage. J’ai pleuré et je me suis caché chez un voisin, mais ma mère m’a trouvée, m’a grondée et m’a traînée jusqu’à la maison. Elle a fermé à clé la porte de la chambre, a fait chauffer de l’eau et sorti d’une boîte bandages, chaussures, couteau, aiguille et fil. J’ai prié pour qu’on m’accorde un jour de répit mais elle a refusé: aujourd’hui le jour est favorable, si le bandage est commencé aujourd’hui, tes pieds ne feront pas mal, si on attend demain cela ne sera plus le cas. Elle a alors lavé mes pieds, saupoudré d’alun, coupé mes ongles puis recourbé mes orteils vers la plante des pieds et appliqué un bandage de 3 mètres de long et 5 cm de large, s’occupant d’abord du pied droit puis du pied gauche. Le bandage fini elle m’a demandé de marcher, ce que j’ai fait mais la douleur était tout de suite insupportable. Cette nuit ma mère m’a interdit d’enlever mes chaussures. Mes pieds étaient en feu et je ne pouvais pas dormir; ma mère m’a frappée quand je pleurais. Les jours suivants j’ai essayé de me cacher mais elle m’a forcée de marcher sur mes pieds. Ma mère me frappait sur les mains et les pieds parce que je résistais. Coups et insultes devenaient mon lot quotidien quand j’essayais en cachette de détendre mes bandages. Tous les trois ou quatre jours elle lavait mes pieds et les bandait à nouveau, toujours en les saupoudrant d’alun. Après plusieurs mois mes quatre derniers orteils étaient collés contre la plante de mes pieds. Chaque fois que je mangeais du poisson ou de la viande fraîchement tuée mes pieds gonflaient et devenaient purulents... Tous les quinze jours je changeais de chaussures. Chaque nouvelle paire était plus courte de 3 à 5 mm et il fallait exercer un grand effort pour y faire entrer le pied. Ma mère me forçait continuellement à marcher. Après avoir changé dix fois de chaussures mes pieds ne mesuraient plus que 10 cm. Un peu plus tard ce fut au tour de ma jeune soeur de commencer l’opération de bandage et quand personne ne nous voyait nous pleurions ensemble. En été mes pieds sentaient fort à cause du sang et du pus. En hiver ils étaient froids à cause du manque de circulation et faisaient mal quand on approchait du fourneau et qu’il y avait des courants d’air chaud. Les quatre doigts étaient recroquevillés comme des chenilles mortes, personne n’aurait cru qu’ils faisaient partie d’un être humain. Il m’a fallu deux ans pour arriver à une longueur de pied de 7.5 cm (3 pouces). Mes orteils étaient pressés contre ma chair semblables à du papier mince. Je ne pouvais gratter ma plante de pied quand elle me démangeait ni la calmer quand elle me faisait mal. Mes jambes étaient minces, mais mes pieds étaient devenus bossus et laids et sentaient fort. Comme j’enviais ceux qui avaient des pieds normaux!" http://e-l-i-s-e.blogspot.com/2009/06/p ... naire.html