Pierma a écrit :
Quand on y pense, ils sont un peu paradoxaux ces républicains : prêts à un affrontement sans merci contre le pouvoir de l'Eglise et les catholiques - c'est Clemenceau, pourtant anticlérical, qui mettra fin à un affrontement qui devenait insensé, et risquait ça et là de très mal tourner - ils n'osent, ou ne souhaitent guère bouger sur la protection sociale des ouvriers. Ce sont même les patrons - en particulier ceux de grands groupes industriels - qui font office de précurseurs.
La bourgeoisie sortie gagnante de la Révolution ? ça me paraît une conclusion raisonnable.
Je lis en ce moment
La Loi et les Prophètes; les socialistes français et les institutions politiques de Gérard Grundberg (éd. CNRS) qui explore dans les trois premiers chapitres de son ouvrage ce qu'il désigne sous le nom d'aporie jacobine des (premiers) socialistes français.
Il va dans le sens de votre observation, en ce sens que le Parti socialiste français (après le socialisme utopique des premiers temps) s'est structuré autour de la
défense républicaine, au début de la IIIème République. Il a sacrifié, momentanément son combat pour la Sociale de 93 et s'est résolu à protéger cette République de 1875, pourtant parlementaire (et résiduellement monarchiste par certains aspects) , libérale et bourgeoise, qui revendiquait une partie seulement de l'héritage révolutionnaire.
Jaurès, d'anciens communards comme Vaillant ou Malon, et même le révolutionnaire Guesde ont soutenu la cause républicaine. Certes, avec plus ou moins d'enthousiasmes (on pense au boulangisme), selon qu'ils étaient d'authentiques jacobins, comme Jaurès, ou des marxistes -attachés toutefois à l'héritage français des luttes sociales que reconnaissait pleinement le penseur allemand. Ils furent là en 1877, en 1886-1889, en 1899 et pendant l'affaire Dreyfus...
Que remportèrent-ils; Millerand au gouvernement, des succès électoraux et... des apories insurmontables au sein même du parti. Selon l'auteur, elles mènent tout droit à la scission de Tours. Ils avaient accepté, en nouant des alliances avec les Radicaux de s'intégrer
de fait au parlementarisme français, voire, pour un temps de le défendre, mais la République ne voulait pas d'eux. En tout cas elle ne savait que faire d'eux.
En observant la position de Jaurès, on voit combien elle était difficile à tenir: défenseur d'une révolution pacifique par voie démocratique dans le cadre de la République, forme qu'il identifiant comme la seule où pourrait pleinement s'épanouir sa "mère", la Révolution sociale; Jaurès devait lutter avec la doctrine guesdiste-marxistes qui travaillait la nouvelle SFIO. Ces derniers, hostiles au parlementarisme où régnait dans tous les cas la lutte des classes, considéraient que 89 c'était, vous le dites, les Bourgeois contre l'Aristocratie et que demain ce serait le tour du Prolétariat. Comment, effectivement leur donner tort ?
L'idéalisme jaurésien croyait -c'est assez admirable, je trouve- au peuple-classe,dans lequel se dissolvait la bourgeoisie. Le peuple, tout entier, car "la Révolution est d'un bloc", avait fait 89 et 93, il se lèverait à nouveau, d'un même élan, pour accomplir la révolution sociale.
Les positions jacobines de Jaurès dans son
Histoire socialiste de la Révolution française posaient une alternative à la grille d'analyse marxiste. Et dans
l'Armée Nouvelle on le voit tenter de concilier patriotisme et internationalisme.