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appeler que la guerre fait partie de l'humain (Jordan Peterson le psychologue canadien explique ça très bien)
Comme le meurtre, l'égoïsme, le besoin de dominer l'autre, l'avidité...
Mais dire que tout ça fait partie de l'humain, ce n'est pas dire que c'est "normal" et donc que c'est normal que cela perdure.
Pourquoi vivons-nous en société sinon pour mutualiser nos moyens ET nous prémunir des instincts violents et égoïstes de nos congénères? Pour apprendre à vivre ensemble?
Dans le meilleur des mondes, il n'y aurait ni besoin de lois ni d'Etats, nous vivrions simplement en bonne intelligence les uns avec les autres. Ce monde n'existe pas parce que nous ne sommes pas ces êtres éclairés que l'on imagine parfois mais bien des êtres conditionné par des mécanismes, des repères, des instincts.
Du coup, il faut des lois, des contraintes et des limites communément acceptées. Et c'est ce communément qui pose problème. Car cela n'a pas empêché certains, qui se croient plus forts, plus malins, plus ambitieux, d'imposer leurs lois sur les autres sans leur demander leur avis.
Et quesce que la guerre de 14 sinon un conflit destructeur qui finalement n'a été produit que par un petit nombre de personnes. Je ne crois pas aux "petites torches". Les révolutions elles-mêmes sont, comme la plupart des "grands" événements historiques, le fruit d'une part négligeable de la société d'un point de vue numérique. L'Histoire est une science de l'écrit, et je n'apprend à personne ici que l'écrit était réservé à une part insignifiante de la population jusqu'à une date très très récente. Comment se positionnent tous ces anonymes silencieux par rapport à ces "grands" événements? Nous n'en avons que des témoignages souvent subjectifs. C'est extrêmement difficile à appréhender. Que pensaient tous ces gens, qui constituaient l'essence de leur communauté, quand les guerriers et généraux paradaient et instillaient l'idée que de toute façon, la guerre est inévitable, mais cherchaient également à réaffirmer les hiérarchies sociales?
Et si l'on accepte à l'origine des règles de vie communes pour se prémunir de la violence et du besoin, que dire d'une société très "avancée" (selon nos critères) comme celle de la Belle Epoque, et qui a été capable d'amener à une telle destruction? Il y a un paradoxe qui pointe quelque chose qui ne va pas dans nos sociétés modernes (et même avant).
Donc oui, la violence en général fait partie de l'humain. Mais deux possibilités: ou nous finissons par être assez sages pour limiter cette violence, en oubliant notre nombril et en comprenant que c'est l'intérêt de tous que de vivre ensemble en bonne intelligence, et donc que l'on arrive à terme à bâtir une société la plus juste et équilibrée qui soit, soit finalement l'humanité "mérite" le destin qui l'attend: celle d'une simple espèce animale esclave de ses instincts et de ses pulsions, et qui est destinée à passer...
A nouveau, c'est encore bien entendu mon seul point de vue qui vaut ce qu'il vaut. Et je reste persuadé qu'un jour (1000 ans, 100 000 ans, 1 million d'années, tout cela ce n'est pas grand chose à l'échelle du monde qui nous entoure), une forêt primaire poussera sur l'Ile de la Cité ou à Manhattan.
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Or non, pour avoir la paix, paradoxalement il faut être prêt à la guerre,
Ca ne s'applique clairement pas aux sociétés européennes de 1914, qui avait des vélléités bellicistes et même revanchardes dans le cas de la France.
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Mais les gouvernements qui ont déclenché cette guerre n'avaient imaginé ni sa durée ni sa violence. S'ils avaient entrevu le sacrifice à venir, ils auraient négocié d'entrée !
pourquoi n'ont-ils pas mis fin à la boucherie dès Septembre 14? Le mois précédent a été un des plus violents de la guerre, avec une hécatombe indescriptible. Ca n'a pas empêché les responsables militaires et politiques de faire durer la chose 4 ans de plus...
Et même si c'est parfois caricaturé, il y avait à l'époque, dans une société très hiérarchisée et élitiste (dont nous ne sommes pas encore sortis), un réel mépris pour les basses classes de la société, sans tomber dans un discours marxiste, c'était une réalité... J'ajouterai même que ces basses classes étaient, dans l'esprit de nombre de décideurs, largement sacrifiables au nom d'intérêts économiques, donc privés, plutôt que publics et sociaux.
Pourquoi les décisions malheureuses et souvent lié à une arrogance ou à un carriérisme de bas étage, des responsables militaires, n'ont jamais été mises en cause? Aujourd'hui la société condamne quelqu'un qui, par simple négligence, sans même l'avoir envisagé, provoque la mort d'autrui à des peines pouvant être lourdes. Mais ça ne s'applique pas aux généraux? PArce que s'il n'étaient peut-être pas tous les buveurs de sang arrogants qu'on caricature parfois, ils n'ont pas brillé par leur compétence, et leurs erreurs ont coûté la vie à énormément de gens.
Pourquoi, à minima, quand on s'est rendu compte de la léthalité de la puissance de feu des armées industrielles (et ce dès les premières semaines de la guerre), n'a-t-on pas marqué le pas, pris le temps de la réflexion (surtout dès lors que le front était figé) mais qu'on a continué encore et encore à envoyer des vague d'hommes face à des mitrailleuses en tirs croisés et des barrages d'artillerie?
Le mépris de la vie humaine était bien réel.
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C'est de la responsabilité individuelle que de savoir à quoi on s'attend. Jeter un voile pudique sur un élément central de nos sociétés c'est être incapable de comprendre les mécaniques mortifères qui président à ces suprêmes déchaînement de violence. Il faut au contraire les comprendre, et les comprendre à fond. Cela passe par admettre que rester en paix ce n'est pas juste construire l'Europe et faire des échanges.
Tout à fait d'accord. Et je pense qu'en outre, la paix n'est plus la motivation de la construction européenne, mais bien ces fameuses échanges et le profit qui en résulte. Et si le monde est à feu et à sang à cause de ces profits, ça ne chagrine pas grand monde.
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Pour ce qui est des sociétés non étatiques, non centralisées, notamment quand vous évoquez les Grecs la guerre c'est autre chose ; c'est un rituel,
La guerre a été un rituel jusqu'à assez récemment.
La guerre est quelque chose de fondamentalement inacceptable. Même les primates se mettent rarement à mort dans les rixes qui les opposent. La guerre n'a pas toujours vocation dans les sociétés anciennes, à anéantir son ennemi. Certains peuples amérindiens comptaient non les guerriers qu'ils avaient tué, mais les "touches" qu'ils avaient effectués sur un ennemi. Subir ces touches était considéré comme une totale humiliation et il n'y avait pas nécessairement besoin d'anéantir son ennemi pour établir une hiérarchie.
Les guerres antiques ont été les premières guerres massives et extrêmement destructrices. La conquête de la Méditerranée par Rome a été un des moment les plus violents de toute notre histoire (plusieurs millions de morts, mutilés et réduits en esclavage estimés pour la Guerre des Gaules, c'est absolument démentiel!).
Mais la guerre restait un rituel. Elle s'enrobait de tout un mysticisme, était en effet un rite, important dans la constitution et l'évolution des sociétés.
Cela passait par l'exaltation du héros, de l'exploit guerrier, par la parure et la valeur sacrée attribuée aux armes.
En outre, exceptés certains conflits de grande ampleur, les combats des guerres "courantes" (la destruction avait bien souvent lieu en dehors de ces combats) n'étaient pas très meurtriers: les moyens technologiques et logistiques ne le permettaient pas. On ne se rend pas compte ce que c'est que deux armées qui se cherchent sur un territoire où l'on ne circule que par des chemins creux, sans radars, sans radios... Les engagements extrêmement meurtriers jusqu'à la période moderne sont rares. On en a un, au pire quatre ou cinq, qui mènent à l'issue du conflit. Cela laisse la place à la parade et c'est pourquoi les soldats napoléoniens étaient encore attifés, si vous me passez l'expression, comme des sapins de Noël: à la guerre on crâne autant qu'on se bat.
En outre les armes même n'avaient pas une léthalité énorme. Il aurait été inimaginable même pour les troupes napoléoniennes de réduire à néant une immense bande de terrain allant de la Manche au Jura...
Avec la révolution industrielle, la période contemporaine a rompu avec cette tradition d'une guerre ritualisée.
La guerre de 14 est l'incarnation d'une froideur industrielle et mécanique sans état d'âmes où tout le décorum martial des siècles précédents s'évanouit. La guerre de rituel est devenue une machine. Les pertes sont des statistiques, tout comme le nombre d'obus tirés. L'uniforme et les armes deviennent fonctionnels, on perd tout cet aspect de parade, la valorisation de l'exploit, et tous les mécanismes sociaux et culturels que ça implique. On meurt sale et terrifié noyé dans la masse, on est plus le héros accueilli glorieusement aux champs élyséens par les dieux eux-même. C'est aussi tout cela qui a rendu la guerre de 14 inacceptable: ce qui faisait admettre la guerre comme quelque chose d'acceptable, voire de désirable, s'est effondré. Elle marque une véritable rupture dans la facçon dont la société voit et conçoit la guerre.