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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 06 Mars 2023 16:09 
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Pierre de L'Estoile
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Vézère a écrit :
supertomate a écrit :
Y'a-t-il des monuments qui ont traversé les siècles sans tomber et sans SAV ?
Souvenir de ma prof' d'histoire-géo en seconde, il y a des décennies.
Elle avait un accent du Sud qui ne cessait de nous surprendre, écoliers des abords de la Loire.
Et elle nous disait:
Regardez la Maison Carrée de Nîmes! Ce n'est pas compliquéï, elle est neuveuu!


je l'imagine évoquant aussi la fameuse Tour Magne à Nîmes
:arrow:

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 07 Mars 2023 15:10 
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Salluste
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Regardez la Maison Carrée de Nîmes! Ce n'est pas compliquéï, elle est neuveuu!
Merci du tuyau; j'habite pas trés loin de Nîmes et j'irai voir la maison carrée avec un autre regard. Et j'en profiterai pour me renseigner sur son entretien ou non (quid du problème de la pollution ? La maison carrée est en plein (grosse) ville).


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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 07 Mars 2023 18:17 
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La Maison Carrée de Nîmes a connu une première campagne de restauration de 1683 à 1691, puis une seconde, supervisée par J-F Séguier, entre 1778 et 1781. Quelques années plus tard, elle est dégagée des remparts, démolis en quasi-totalité. Après la Révolution française, l'ancien temple est restitué dans un état primitif ...


https://lamaisoncarreedenimes.fr/

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 20 Avr 2023 18:03 
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Je suis passé à Nîmes tout à l'heure. Je n'ai pas pris le temps d'une enquête approfondie mais j'ai posé des questions à l'office du tourisme et au musée de la romanité.
Mes interlocuteurs m'ont dit que, à leurs connaissances, il n'existait pas de monument non restauré depuis 2000 ans.
Apparemment, la maison carrée a été re-restaurée pendant les années 2000 car "il y avait des fissures".

J'en suis à:
-Si du mortier a été utilisé, il y a besoin de restauration. (mais pas souvent )
-Si l'on est en pierres sèches, l'ouvrage peut tenir trés longtemps, la seule agression véritable étant les mouvements sismiques (sauf cas particuliers comme les murs de soutènement)
-Je cherche un document sur l'évolution de la chaux avec le temps, je n'en ai pas encore trouvé. Un document accessible sans avoir fait un 3è cycle en chimie.


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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 22 Avr 2023 21:24 
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supertomate a écrit :
-Si l'on est en pierres sèches, l'ouvrage peut tenir très longtemps,


Ce n'est pas ce que je retiens des articles sur l'Œuvre Notre-Dame de Strasbourg qui veille depuis son origine sur la cathédrale de Strasbourg. Les pierres subissent les assauts conjugués des intempéries et de la pollution. Dans de nombreuses cathédrales, toute la statuaire est constituée de copies pour les éléments les plus exposés aux intempéries. C'est la raison pour laquelle on refait souvent les frontons et la décoration extérieure.

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 23 Avr 2023 14:56 
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Les pierres subissent les assauts conjugués des intempéries et de la pollution.
Savez-vous s'il s'agit uniquement de la pollution moderne (industrielle) ou si c'est plus large ?
Les statues abimées sont-elles abimées juste esthétiquement (une couche superficielle abimée) ou bien y a-t-il une véritable attaque de la pierre ?
Comment les intempéries fragilisent la pierre ? Je suppose que c'est une usure mécanique. Mais si les pluies (et vent + sable ?) suffisent à abimer la pierre, alors les parties submergées des piles de pont doivent souffrir ?

En cherchant un peu, je suis tombé sur cette page (https://www.academie-pontdugard.com/eta ... isee-fahg/), où on nous dit ceci:
Citer :
Il [le pont du gard] est construit en pierre de Vers, jaune-paille. Pierre tendre réputée friable, qui pourtant résiste depuis 2000 ans aux affres du climat

Et ici (https://www.guidesud.com/blog/petite-hi ... nt-du-gard), on nous dit :
Citer :
Après l’époque romaine, l’aqueduc ne fut plus qu’un vieux pont abandonné. Par défaut d’entretien, les dépôts calcaires avaient compromis le bon fonctionnement de la conduite. Il ne fut plus utilisé à partir du VIe siècle, à l’époque où la région d’Uzès fut contrôlée par les Francs, après la bataille de Vouillé. Sa dégradation était inévitable. Parmi les 35 arches du troisième étage, douze d’entre elles s’effondrèrent.

Bref, tout cela ne vas pas bien dans le même sens, je ne sais quoi penser ...


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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 23 Avr 2023 17:33 
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Plus récentes, et remontant à l'ère industrielle, il y a aussi les pluies acides.

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 23 Avr 2023 18:19 
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Le calcaire n'aime pas l'acide. Et il n'aime pas l'eau. C'est dans des régions calcaires qu'on trouve des grottes causées par les infiltrations d'eau. Mais, il est plus facile à travailler.

Les pluies acides, çà fait ceci :
Image

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 23 Avr 2023 20:22 
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A Besançon, la Porte Noire, un arc de triomphe en parfait état, dû à Marc Aurèle, portait ce nom à cause d'un incendie des maisons en bois environnantes au Moyen-Âge.
Malheureusement, sur cette suie séculaire, peut-être protectrice, se sont accumulée les fumées de l'ère industrielle, à priori le chauffage au charbon, au fioul, et plus encore les fumées des voitures. Ajoutez à cela les pluies acides, et la Porte Noire s'était fortement dégradée, spécialement au niveau des enjolives et mini-statues.
De sorte qu'il a fallu la décaper (la sabler) et la remettre en état, en refaisant des éléments décoratifs neufs.
Voilà pourquoi aujourd'hui à Besançon, la Porte Noire est désormais... d'une blancheur immaculée ! lol

Si le pittoresque y perd, en revanche la "lisibilité du monument" y a beaucoup gagné.

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 23 Avr 2023 22:34 
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Eginhard
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supertomate a écrit :
Citer :
Les pierres subissent les assauts conjugués des intempéries et de la pollution.
Savez-vous s'il s'agit uniquement de la pollution moderne (industrielle) ou si c'est plus large ?
...
Comment les intempéries fragilisent la pierre ? Je suppose que c'est une usure mécanique. Mais si les pluies (et vent + sable ?) suffisent à abimer la pierre, alors les parties submergées des piles de pont doivent souffrir ?

Le principal ennemi de la pierre, c'est l'eau, et particulier quand elle gèle.
Le ruissellement aussi, mais dans une mesure bien moindre.
Le vent, le sable, pas chez nous.

Le gel :
Partout où l'eau peut s'infiltrer, elle le fera sous une forme microscopique. Certaines pierres sont dites plus "gélives" que d'autres : certains calcaires en premier lieu, mais aussi certains grès (le grès rose de la cathédrale de Strasbourg, beaucoup moins les granites.

Rappelez-vous comment s'est formé le calcaire à l'échelle géologique : c'est un mille-feuilles de couches de sable lacustre compressé par l'empilement de dizaines de millions d'années d'alluvions, infiniment plus pesant que les quelques dizaines ou centaines de mètre d'eau du lac. Selon la nature des alluvions apportés, la durée, la vitesse et l'épaisseur de l'empilage, la présence d'éléments autres (plancton, rognons de silex, coquillages, etc.), les caractéristiques de la roche finale peuvent varier, à l'échelle d'un bassin sédimentaire ... ou d'une même carrière. Deux exemples : A l'échelle du (grand) bassin parisien, les calcaires issus des carrières du Poitou et du Nivernais (pourtant distantes de plusieurs centaines de kilomètres) présentes certaines similitudes. Regardez une carte géologique, vous comprendrez pourquoi. A l'inverse, dans une même carrière près de chez moi (Vergers à Suilly-la-Tour - 58150), sur un même front de taille de 30 mètres de haut, on sort au moins trois sortes de calcaires : un jaune pâle (dit Vergers blanc), un gris bleuté (dit Vergers bleu), un jaune plus soutenu aux incrustations sombres de coquillage (dit Vergers marbré). Il faut dire que 30 mètres de haut, ça représente environ 40 millions d'années de sédimentation ; il a pu s'en passer des choses pendant tout ce temps.
Pour le marbre, le principe est le même sauf que sous leur propre poids, les couches sédimentaires se sont enfoncées plus profondément encore au point de subir pression et cuisson ! D'où leur densité et leur compacité.

Revenons-en au mille-feuilles et au gel. Tout ce qui peut retenir l'eau plutôt que de la laisser ruisseler en surface va être problématique. C'est pourquoi les parties sculptées sont infiniment plus vulnérables que les pierres de parement au profil rigoureusement vertical : les arches du Pont du Gard (vieux de 20 siècles) sont donc moins agressées que la façade de la cathédrale de Reims (trois fois moins vieille). D'autant plus que les pierres servant au parement (le corps du mur, si vous préférez) sont empilés les unes sur les autres dans le même sens que celui où elles se sont formées et ont été tirées de la carrière. On dit qu'elles sont dans la même "lit". A l'inverse, les pierres utilisées pour la statuaire sont fréquemment posées "en délit" c'est à dire perpendiculairement à leur lit afin de disposer de blocs plus hauts que larges. Reprenons la métaphore pâtissière : posez un mille-feuilles sur la tranche et arrosez-le de sirop ; je vous laisse imaginer la suite. Et quand viendra le gel, bonjour les dégâts ! Tout cela se passe à l'échelle microscopique, mais les micro-gouttes dans des microfissures génèrent quand même des micro-cristaux de glace, plus gros que les micro-gouttes d'eau... C'est la raison pour laquelle, dans la statuaire gothique par exemple, les plus précieuses statues sont presque toujours protégés par un dais en pierre saillant formant niche.

Pardonnez-moi de ne parler que du calcaire (et du marbre). Malgré la pierre noire d'Auvergne, les grès des Vosges et d'Alsace, le granite en Bretagne, etc., et en plus d'être la plus vulnérable, le calcaire représente en effet sous nos climats, le matériau de construction le plus employé. Toutes les pierres connaissent les mêmes phénomènes de dégradation, mais le calcaire est de toutes celle qui se dégrade le plus vite.
Je n'aborderai pas ici la question de la brique et de la terre (pisé, torchis). Sachez seulement qu'une fois mis en œuvre elles présentent quelques similitudes avec ce qui a été dit de la pierre.

Le ruissellement :
Le ruissellement seul fait peu de dégâts sur une surface plane telle qu'un mur (un parement), du moins aussi longtemps qu'il ne bute pas sur une saillie, une corniche, un bandeau, ou un solin, etc. qui vient modifier son cheminement. On prend donc soin de protéger les murs par des avancée de toiture, des corniches, une gouttière ou un chéneau, etc. Car le ruissellement peut effectivement avoir des conséquences catastrophiques en cas de pénétration par défaut d'étanchéité ou par débordement (aussi bête qu'un pigeon mort dans une gouttière !). Et c'est d'autant plus grave que le manque d'entretien laisse perdurer la situation : on dit souvent qu'un mur pourrit par le haut. De tels désordres sont ravageurs pour la pierre, mais surtout pour les enduits.
Reste évidemment le cas du ruissellement chargé en agents agressifs (les pluies acides). Sur une pierre saine, et mise en œuvre depuis de longues années, l'effet reste finalement assez lent. Nous verrons plus loin cela en traitant du calcin.

Une usure mécanique ?
Non ! L'usure mécanique de la pierre est presque due exclusivement à des frottements ou à un martellement répétés, et donc liés à l'action de l'homme. Pensez au creusement des marches ou du dallage suite au piétinement séculaire des pèlerins. Le frottement répété d'un câble peut effectivement créer des saignées plus ou moins profondes dans la pierre ; c'est un cas typique des monuments détournés de leur usage d'origine et transformés en bâtiments d'exploitation par exemple. Cela reste néanmoins marginal.

Sous des climats désertiques, le vent et le sable peuvent sévèrement éroder la pierre, sculptée ou pas, mais cela ne concerne pas l'Europe.

Quid de la pierre plongée dans l'eau ?
La pierre immergée elle-même ne sera guère altérée. Pas (ou infiniment peu) de risque de gel. Une usure mécanique, oui, avec les alluvions transportées par le cours d'eau, mais cela reste extrêmement lent.
Là où cela pose problème, c'est là où la pierre est tantôt immergée, tantôt à l'air. C'est en effet là que vont se développer une foule de micro-organismes aux conséquences plus ou moins graves. Notez que le problème est le même avec le bois : tant qu'il reste immergé, il est imputrescible ; là où est toujours ou presque toujours à l'air libre, idem ; mais là où il est tantôt couvert, tantôt découvert, le risque de pourrissement est immense. C'est tout le problème des pilotis de Venise, et celui des berges de rivières... C'est dans cet étage-là, intermédiaire entre le toujours immergé et le toujours à l'air libre que pullule la vie. C'est vrai pour la pierre comme pour le bois, mais en beaucoup plus lent pour la pierre. Les ponts du 18ème qui franchissent les fleuves de France ont encore de belles années devant eux, mais il est vrai aussi que les Romains avaient la sagesse de bâtir des ponts sans piles intermédiaires plongeant dans l'eau. A cet égard, le Pont du Gard comporte un grand nombre de piles nécessaires pour franchir le canyon, mais le ruisseau qui passe dessous est le plus souvent assez infime. Les piles inondées lors des crues sont vite sèches, et les effets fortement limités.

Je n'aborde pas la question des mortiers qui mériterait aussi de longs développements.

Les pollutions :
Je l'écris volontairement au pluriel car les types de pollutions sont divers et variés.
La pollution atmosphérique : c'est celle à laquelle on pense le plus immédiatement. Contrairement à ce que l'on pense, ce n'est pas un phénomène nouveau. Dès le Moyen-Âge, la pollution urbaine agresse la pierre. Il suffit de penser que les activités sales de l'homme étaient quasiment toutes regroupées en ville, c'est à dire sur quelques hectares autour des plus grands monuments. A fortiori à l'ère moderne, et de manière encore décuplée à partir de l'ère industrielle où les usines fonctionnant au charbon sont presque toutes en ville. Pour vous faire une idée de l'ampleur des dégâts, regardez-donc un bon film en noir et blanc qui se déroule à Paris. Tiens, Paris brûle-t-il, tourné en 1966, avant les grandes campagnes de ravalement de Malraux. Regardez bien les scènes où l'on voit la façade Notre-Dame de Paris : la noirceur est frappante, résultat de 150 ans de pollution urbaine hautement carbonée. Aujourd'hui, la pollution urbaine a considérablement abaissée (eh oui !) au fur et à mesure que les industries ont été éloignées des centres-villes. Bien moindre, mais malgré tout plus chargée en soufre.
Les pluies acides, citées par Narduccio et Pierma, cela existe. Mais dans le cas des photos présentées par Narduccio, notez-bien que la statue n'est de toute évidence plus à sa place d'origine, qu'elle n'a plus de protection (cf. ce que j'ai écrit plus haut sur le ruissellement et la présence de dais ou de niches). Je prends le pari qu'il s'agit d'une statue, certes abîmée, qui a été remplacée par une copie neuve lors de travaux de restauration, et qu'on a déposée sans grand soin au pied du monument ou sur une terrasse. En l'absence de protection haute, le processus d'érosion est alors devenue exponentiel. Je reviendrai sur ce phénomène en parlant du calcin.
La pollution bactériologique et microbienne : Aïe, aïe, aïe ! Voilà le vrai problème ! Ce sont toutes les particules fines, tous les animalcules et autres saletés véhiculés par l'air, sans oublier les fientes (hautement acides !) des pigeons et autres bestioles qui sont en cause. Cette pollution-là va trouver un terrain de choix dans tous les endroits où la pierre est déjà agressée ou fragilisée par tous les autres phénomènes, en particulier là où l'eau microscopique stagne ou migre insuffisamment. Cela se traduit par des taches et des colorations vertes, parfois rougeâtres ou jaunes (à ne pas confondre avec les traces anciennes d'incendie), parfois grises, qui sont dues à des proliférations (les agresseurs sont souvent multiples) d'algues ou de champignons microscopiques. Parmi les causes les plus courantes, on trouve notamment les problèmes d'écoulement (chéneau bouché), de mauvais choix de pierre (une pierre trop dure placée sous une pierre trop tendre), ou encore le cas des assises immergées-émergées vu plus haut.


Comme promis, je reviendrai sur le processus de formation du calcin, indispensable à la compréhension des phénomènes de dégradation de la pierre, ... mais pas ce soir.
Cela permettra de répondre à la question de supertomate :
supertomate a écrit :
Citer :
Les statues abimées sont-elles abimées juste esthétiquement (une couche superficielle abimée) ou bien y a-t-il une véritable attaque de la pierre ?

Merci de votre patience.

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 24 Avr 2023 5:16 
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Un exposé passionnant, Jean-Mic !

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 24 Avr 2023 6:54 
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Le gel peut affecter toutes les pierres, même le granit. Dès qu'il y a une micro-fissure. Or, l'eau, en réagissant avec les minéraux de surface, va créer ces micro-fissures.

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 24 Avr 2023 10:13 
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Eginhard
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L'érosion par le sel :
En parlant de l'usure mécanique j'ai oublié un phénomène localisé mais réellement problématique. C'est l'érosion par le sel en bord de mer. Je pense à Maguelone sur la Méditerranée et à Talmont-sur-Gironde sur l'Atlantique. L'agression permanente par les embruns salés attaque la pierre sur une profondeur qui peut atteindre ou dépasser 10 mm, donnant l'impression que la pierre a été attaquée par les vers. Le problème, c'est que cette évolution de la pierre est tellement connue et ancrée dans l'image-même du lieu qu'une restauration par remplacement des éléments abîmés aboutirait à une dénaturation totale du monument. Alors, que faire ? Il y a des décennies que les chercheurs cherchent la moins-mauvaise solution...

Les pluies acides :
Bien que le phénomène soit une réalité, il semble qu'il ait nettement régressé depuis le pic des années 60 à 80.
Dans la photo ci-dessus, pas besoin que les pluies soient particulièrement acides pour en arriver là. Dès lors que la pierre commence à perdre son calcin et qu'elle est n'est plus protégée par le haut, la dégradation (je l'ai écrit) devient exponentielle. La statue, qui avait attendu des siècles à sa place avant de montrer les premiers signes sérieux d'agression, va se désagréger en un temps extrêmement rapide, de l'ordre des décennies. De nombreux dépôts lapidaires, peu raisonnés et peu raisonnables, au pied des monuments restaurés après-guerre en témoignent.


@ Narduccio : C'est bien ce que j'avais écrit. Et c'est pourquoi j'avais pris le cas emblématique du calcaire, matériau à la fois le plus courant et le plus vulnérable :
Jean-Mic a écrit :
Toutes les pierres connaissent les mêmes phénomènes de dégradation, mais le calcaire est de toutes celle qui se dégrade le plus vite.

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 24 Avr 2023 10:35 
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Eginhard
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Le ruissellement (suite) :
J'ai écrit que les effets du ruissellement étaient somme toute peu agressifs pour les parements de pierre par rapport à d'autres agents d'agression.
En revanche, le ruissellement est une catastrophe pour les décors peints (à moins qu'il ne s'agissent de décor à fresque - a fresco - technique antique et tardo-antique, délaissée au Moyen-Âge, et retrouvée à l'époque baroque. Sur un décor appliqué a secco ou à la détrempe, le ruissellement va lessiver très vite le badigeon de chaux pigmenté qui constitue le décor.

C'est la raison pour laquelle les éléments peints sont soit à l'intérieur des édifices (pourvu que la toiture soit entretenue), soit dans le renfoncement d'une niche ou d'un portail. Inutile de peindre ou badigeonner les parements extérieurs, cela ne tiendrait pas longtemps. Et pourtant, vous verrez parfois appliquer au pinceau sur des chantiers MH un voile de chaux pigmentée très très-dilué sur la pierre. L'effet voulu est double : d'une part il harmonise la couleur de la pierre (harmonisation indispensable pour les édifices de l'époque classique ; imaginez les murs de Versailles en manteau d'Arlequin au gré des remplacements de pierre), d'autre part, il constitue un apport de chaux qui va nourrir la surface de la pierre.

Décidément, il faut que je m'attaque au chapitre sur le calcin. Je n'y couperai pas ! :P

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 Sujet du message : Re: L'entretien du Pont du Gard
Message Publié : 24 Avr 2023 15:32 
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Merci beaucoup Jean-Mic, cela m'intéresse beaucoup et vous répondez à plein de mes questions et au-delà ; au plaisir de lire la suite (je suis curieux mais pas pressé, j'attends patiemment).

Je voudrais revenir sur les micro-fissures:
Jean-Mic a écrit :
Toutes les pierres connaissent les mêmes phénomènes de dégradation, mais le calcaire est de toutes celle qui se dégrade le plus vite.
Narduccio a écrit :
Le gel peut affecter toutes les pierres, même le granit. Dès qu'il y a une micro-fissure. Or, l'eau, en réagissant avec les minéraux de surface, va créer ces micro-fissures

Je me demandais justement si du granit poncé (donc "sans" irrégularités) serait lui aussi vulnérable; s'il y a réaction chimique, j'ai ma réponse. Mais si j'ai un bloc de granit aussi lisse que faire se peut et dont la face supérieure est légèrement inclinée (donc pas de rétention d'eau), que se passe-t-il ? La réponse serait-elle dans les guillements que j'ai posé plus haut ? ("sans" irrégularités)

D'autre part, comment la surpression due au gel s'applique ? Quand j'ai de l'eau qui gèle au fond d'un seau ou d'une brouette, le contenant n'explose pas. J'ai toujours pensé que c'était parce que la glace, ayant de la place pour s'étendre vers le haut, ne créait pas de surpression ailleurs. Si ceci est vrai, alors pour qu'une pierre soit vulnérable au gel, il faut un rapport minimum entre la profondeur d'une fissure et son ouverture (=surface de la fissure en contact avec l'air).
Je dis n'importe quoi ou pas ?


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