Arto a écrit :
En 1969, le budget de la NASA pompe 2,31% des dépenses de l’État fédéral (4,41% en 1966)
source . Apollo, c'est en gros 20 milliards de dollars en 11 ans. La guerre du Vietnam, 170 milliards en 22 ans. C'est à dire qu'en moyenne, Apollo c'est l'équivalent de 20-25% du coût de la guerre en moyenne par an, alors que les deux ont lieu en même temps.
je rectifierai juste la durée que vous donnez pour la guerre du Vietnam : 22 ans ce n'est pas sérieux. Si Kennedy y envoie, je crois 5000 conseillers militaires, c'est Johnson qui enverra les premiers Marines à Danang, pour un effectif engagé de 50 000 militaires, alors qu'au maximum on atteindra 10 fois ce nombre. En gros, l'investissement massif dure de 67 à 74, année où le Congrès vote un refus absolu de tout crédit en faveur de l'armée sud-vietnamienne. (les soldats et surtout l'appui aérien US ont déjà été rapatriés.)
même pour le projet Apollo il est difficile de raisonner en moyenne annuelle.
En valeur absolue, 20 milliards pour 170, si on considère qu'il s'agit de deux "projets", ça fait 11,7%, ce qui relativise nettement le coût d'Apollo.
Mais à son pic, en 68-69, que le projet spatial puisse atteindre jusqu'à 20-25% des dépenses liées à la guerre me semble un ordre de grandeur possible. Pendant ces deux années, le souci d'économies ne devait guère ralentir le projet !
Citer :
Et les rapports de l'époque présentaient un voyage vers Mars comme faisable, ce n'est pas la faisabilité qui est en cause. Mais l'intérêt politique, qui prenait en compte évidemment le budget, le contexte de la guerre froide, et aussi l'opinion.
Les rapports qui présentaient un voyage vers Mars comme faisable étaient simplement irréalistes. La NASA prêchait pour sa paroisse - A-t-elle jamais fait autre chose ? - et dans le monde du spatial l'époque était à l'optimisme.
Malgré tout je vais lire en détail cette partie du pdf que vous avez mis en lien, ne serait-ce que pour voir comment ils se représentaient le défi.
Au passage, j'aimerais connaître la différence entre le coût estimatif du projet Apollo présenté initialement (à Kennedy ou à Johnson) et le coût final ? Alors, le coût estimé à l'époque d'un voyage sur Mars...
Citer :
Voici ce qu'a déclaré Nixon lui-même:
"Nous devons nous appuyer sur les réussites du passé, être toujours à la recherche de nouvelles réalisations. Mais nous devons également reconnaître que de nombreux problèmes critiques ici sur cette planète exigent une attention et des ressources hautement prioritaires. Nous ne devons en aucun cas laisser notre programme spatial stagner. Mais - avec tout l'avenir et tout l'univers devant nous - nous ne devrions pas essayer de tout faire en même temps."
Il faut comprendre que les années Nixon sont les années de "dépenses folles" au Vietnam. Elles cessent même l'année de son départ. (En 73 encore, alors que les soldats américains étaient rapatriés, l'Air Force avait enrayé avec pertes et fracas une offensive de grande ampleur vers Saïgon - débouchant de la piste Ho Chi Minh - et le Nord retint la sanglante leçon : il fallait attendre. Et puis cette même année continuait l'équipement de l'armée sud-vietnamienne, y compris aérien, pour plusieurs milliards.)
L'opinion américaine a enregistré, d'une part l'échec de l'intervention américaine - et la défaite finale en 75 - mais a également retenu son coût faramineux. D'autant qu'il s'est accompagné d'une augmentation des impôts ! Et puis l'abandon de l'étalon or en 71 apparaît rétrospectivement comme une conséquence économique de grande ampleur provoquée inutilement par cette guerre, et qui touche tout le monde : la baisse du dollar provoque l'augmentation du prix des carburants, du jamais vu !
Philip Caputo, un des premiers officiers de Marines engagé au Vietnam, y revient en 75 en tant que reporter, parce qu'il veut voir la fin de l'histoire. Lorsqu'il est évacué, un sous-officier du porte-avion sur lequel s'est posé son hélico lui montre la côte au lointain, et commente :"No regrets ! it's just another country we won't have to pour billions of dollars on." ("Pas de regrets ! C'est juste un de ces pays sur lesquels nous n'aurons plus à déverser des milliards de dollars.")
C'était l'état d'esprit de tout le pays, qui comptait ses morts, encaissait la défaite finale et mesurait, avec la gabegie, et peut-être pour la première fois, que la puissance financière des USA avait des limites. C'était l'époque des révisions déchirantes.
Citer :
C'est pour des raisons politiques, et non techniques, que Mars est devenue - et demeure - une destination abandonnée de la NASA. Les défaillances de communication, les conflits intra-administratifs et les contraintes budgétaires ont tous contribué à empêcher la préparation d'une mission habitée sur Mars de démarrer dans les années 1970. Et même si l'administration Nixon avait voulu approuver une telle mission, la direction présidentielle n'aurait pas convaincu à elle seule un public et un Congrès réticents.
Nixon en 73 est encore en train de "jeter des milliards sur le Vietnam" et en 74 il est aux abois sur l'affaire du Watergate. Aucune chance en effet.
Compte-tenu de l'état d'esprit de l'opinion après 75, il n'est pas question de se lancer dans un colossal projet de prestige dont le coût sera forcément supérieur à celui d'Apollo, tout Américain peut se le représenter.
Et cet état d'esprit de l'opinion va durer. Les décisions politiques ne font que suivre. (Parler de "raisons politiques" est un abus de langage, sauf si on veut bien se rappeler que dans une démocratie une conviction populaire unanime fait loi.)