Bonjour,
Pouzet a écrit :
Les causes de l'avancée spatiale soviétique jusqu'en 1966?
Alexeï Leonov (comme chacun sait premier homme à faire une sortie dans l'espace, en 1965) aurait posé cette question à Von Braun, qui lui aurait fait la réponse consultable ici:
https://www.anecdotes-spatiales.com/ale ... von-braun/Cette citation n'étant pas sourcée, je ne sais pas si elle est authentique, mais elle résume assez bien ce que je retire de mes propres connaissances sur le sujet. Technologiquement, les américains avaient les moyens d'être les premiers dans l'espace, mais ils n'avaient pas derrière eux la volonté politique qu'il y avait en URSS. Je me souviens avoir lu (mais là encore je ne peux garantir que cela soit authentique) que Khrouchtchev aurait été étonné par le retentissement mondial de la mise en orbite de Spoutnik, ce qui laisse penser qu'à l'époque la portée symbolique d'un éventuel programme spatiale n'avait pas été anticipée.
Et on constate d'ailleurs que dès que les américains ont décidé de mettre les moyens, ils ont rapidement pris le dessus. Le général Kamanine, qui a joué un rôle de premier plan dans le programme spatial soviétique dès 1960, a écrit dans son journal dès 1964 (ça c'est authentique, j'ai lu ce journal) que les américains allaient gagner la course à la Lune, citant notamment des questions d'organisation. La sortie dans l'espace de Leonov en 1965 a pu donner l'impression que les soviétiques étaient encore dans la course, mais si l'on regarde le détail de cette mission, on peut voir qu'il s'agissait largement d'un trompe l’œil: le vaisseau Voskhod était un Vostok (celui qui emmena Gagarine) dont on avait retiré le siège éjectable pour faire de la place (K. Feoktisov, ingénieur qui a volé dans Voskhod 1 dit lui-même que c'était ridicule et il juge sévèrement cette course folle avec les américains, j'ai vu l'interview). Leonov est sorti par un sas gonflable et, son scaphandre ayant gonflé comme un bibendum, il a bien failli ne pas réussir à regagner le vaisseau. Vaisseau dont on s'est aperçu par la suite qu'il n'était pas étanche (l'air en fuyait lentement) et dont le système de rentrée automatique n'a pas fonctionné, obligeant le recours au pilotage manuel.
Le vol qui a suivi celui de Leonov était le premier du vaisseau Soyouz, pièce maîtresse du programme lunaire. Ce vaisseau va immédiatement rencontrer de nombreux problèmes, et son pilote, Vladimir Komarov, périra lors du vol, victime de tests préliminaires insuffisants. Tout cela montre bien que les soviétiques étaient déjà loin derrière, ils ont été devant un temps surtout parce qu'ils ont décidé de commencer plus tôt, voilà tout.
La question est plutôt: pourquoi les soviétiques ont-ils finalement perdu la course à la Lune?
Michine, le successeur de Korolev (Korolev décéda bêtement en 1966), a écrit un livre sur cette question:
"Pourquoi nous ne sommes pas allés sur la Lune" .
J'ai lu ce livre, il pointe les raisons suivantes:
- Des moyens financiers moindres (il indique que par exemple les américains avaient des bancs d'essai, alors que les russes devaient tester leurs lanceurs directement via des lancements)
- Une organisation beaucoup trop éclatée et l'éparpillement des ressources entre les projets (un programme permettant un vol habité autour de la Lune était réalisé en concurrence avec le programme prévoyant un atterrissage, une partie du travail a été réalisée en double...)
- Une technologie moins en pointe (qui explique le nombre très élevé de réacteurs du lanceur lunaire N1-L3, ce qui a compliqué sa conception)
- Des rancunes entre concepteurs (Glouchko et Korolev, par exemple, ne pouvaient pas se blairer et cela a eu des conséquences techniques concrètes)
- La mort de Korolev: il n'en fait pas un sujet majeur, mais dit explicitement que sa présence aurait pu changer quelque-chose
Faire ce qu'ont fait les russes avec leurs moyens est un exploit (les réacteurs du lanceur N1 étaient tellement optimisés qu'ils ont finalement été rachetés par les américains et que leur technologie est encore utilisée par eux aujourd'hui) mais la vérité est qu'ils devaient inéluctablement finir derrière les américains.