Nebuchadnezar a écrit :
en plus de la démarche proprement dite, il y a me semble-t-il la séparation des domaines de la science et de la religion, qui n'est pas évidente. Au début, l'ensemble des disciplines aujourd'hui "scientifiques" (médecine, chimie, physique...) forment la philosophie naturelle, qui n'est qu'une des branches de ce qui est considéré comme la science, qui comprend également la théologie, la morale, le droit..
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Si je comprends bien l'idée de l'ouvrage, c'est de dire que cette distinction s'est faite progressivement, sans que les protagonistes n'en aient conscience.
C’est bien cette séparation qui fait la révolution. L’emploi du terme révolution est en fait un abus de langage. Car une révolution est un changement profond et soudain. L’adoption du raisonnement scientifique tel que nous le connaissons aujourd’hui a été un changement profond mais il a été loin d’être soudain. Il a commencé avec Copernic pour se terminer avec Louis Pasteur.
La méthode est un savoir-faire. La révolution scientifique se manifeste certes par l’acquisition de ce savoir-faire mais la cause du bouleversement n’est pas dans le savoir-faire, il est dans un changement profond d’état d’esprit. Avant la révolution scientifique, le seul savoir reconnu était celui qui se transmettait après une révélation initiale. Depuis, le savoir est ce qui a été acquis par l’observation. Avant il y avait une nostalgie d’un âge d’or perdu, depuis, il y a confiance dans un progrès des connaissances.
Cela a mis du temps et le mouvement n’a pas été cohérent. Kepler, après avoir décrit très scientifiquement le mouvement des planètes, s’est cru obligé d’expliquer, au terme d’un raisonnement fort peu scientifique, que chaque planète était guidée par son
angelus rector. Newton, après avoir énoncé la loi de la gravité universelle, s’est fourvoyé dans l’alchimie et il n’est rien sorti de ces travaux. Quant aux médecins, en 1860, pour la plupart et parmi eux parmi eux Georges Clémenceau, ils croyaient encore en la génération spontanée et Louis Pasteur dut se battre contre eux bien que la fausseté de cette théorie eût été démontrée dès les années 1790.
N’oublions pas non plus que, si l’on a donné le nom de Siècle des Lumières aux dix-huitième, c’est au cours de ce même siècle que s’était manifesté un très vif engouement pour des divagations intellectuelles qui ont reçu le nom de
sciences occultes. A côté de grands esprits comme Euler ou Lavoisier on célébrait des charlatans comme Joseph Balsamo ou le pseudo comte de Saint-Germain et le magnétisme de Messmer eut un immense succès bien qu’il ne reposât sur rien. On peut aussi s’étonner de ce que, le siècle suivant, le très scientiste Auguste Comte ait éprouvé le besoin de créer une nouvelle religion.