J'ai eu la chance de travailler dans ma jeunesse, à 16 ans, à la Poste dans ce service, et, à 17 ans, à côté de ce service, pendant un mois chaque été.
Pierma a écrit :
quelle était l'utilité exacte de ce réseau, et à quels usages était-il réservé ?
Les pneus étaient des lettres fermées. Je n'ai pas pu voir leur contenu.
On m'a donné quelques exemples :
- Une lettre signée pour un traitement urgent d'une affaire par un notaire, par un tribunal, ou par une ambassade.
- Une attestation de maladie en sortant de chez un médecin, à transmettre d'urgence à un employeur.
- Une facture manquante envoyée par un commerçant pour son comptable qui doit terminer ses écritures au plus vite.
- Un faire-part de naissance, annonçant que l'accouchement s'est bien passé et indiquant le sexe du nouveau né. Un télégramme pourrait suffire, mais c'est plus facile de déposer une lettre, ou de faire déposer une lettre, que de remplir un formulaire pour un télégramme et attendre dans une file d'attente.
- Une photo à transmettre d'urgence pour une expertise rapide ou pour une enquête.
- Des documents à transmettre en urgence à quelqu'un avant qu'il ne parte ailleurs en voyage. En effet, il m'est arrivé plusieurs fois de donner la lettre à quelqu'un qui avait une valise à la main, ou pas loin, qui était dans un café, en train d'attendre que je lui apporte le pneu qui allait contenir quelque chose d'utile pour lui.
- Peut-être des transferts d'argent par des billets de banque. La Poste ne perdait aucun pneu, car toutes les étapes étaient notées soigneusement, par du personnel très soigneux.
Pierma a écrit :
La page de Wikipedia contient des informations correctes pour autant que je puisse en juger pour la période que je connais des années 1980.
Pierma a écrit :
10 millions de messages par an, ça me parait assez peu pour une ville de 3 millions de personnes intra-muros, à la louche
Wikipedia indique fort justement :
"La politique tarifaire réduit l'attrait du service. Le prix d'un plis revient ainsi à partir de 1957 à cinq fois le prix d'une lettre postale" Dans mon souvenir, c'était vers les 12 francs alors qu'un timbre coûtait dans les 50 centimes.
Pierma a écrit :
... ce système. (Que je trouve techniquement lourd, mais il y a peut-être une justification stratégique ?)
Pas vraiment. L'investissement initial est lourd, mais le fonctionnement est léger par rapport au transport classique.
C'est le principe du tuyau d'eau qui alimente le lavabo plutôt que d'aller chercher de remplir des seaux au puits ou à la rivière, et le principe du pipeline qui évite le transport par navires et camions-citernes.
En pratique :
- L'expéditeur écrit sur l'enveloppe de la lettre, "Envoie par pneumatique" ou tout simplement "pneumatique" ou "pneu".
- Il peut déposer sa lettre dans n'importe quelle boite aux lettres, mais généralement il la dépose au bureau de poste puisqu'il souhaite un envoi rapide.
Autrefois, dans les bureaux de poste, il n'y avait pas de boite jaune. On mettait sa lettre sur le comptoir du guichet, qui n'avait pas de vitre, sans avoir besoin de faire la queue et sans avoir besoin de parler à un employé du guichet.
- Le guichetier ramasse les lettres dès qu'il en voit. Il les jettent nonchalamment (j'ai été guichetier aussi) dans un panier au sol, sauf s'il voit la mention "pneu" auquel cas, il la fait parvenir rapidement au tubiste se trouvant dans une salle pas loin derrière le guichet.
- Le tubiste vérifie l'affranchissement et l'adresse. Il roule un peu la lettre pour la mettre dans une navette qui ressemble à une mini-fusée. Il ouvre le petit capot du bon tuyau. Et pffff, la navette part à toute vitesse aspirée par le vide.
- Quelques secondes ou minutes plus tard, la navette sort d'un tuyau et tombe toute fumante dans un petit réceptacle de la salle du bureau de poste destinataire. Le tubiste l'ouvre avec ses gants de cuir qui le protège de la chaleur, et en sort la lettre.
- Il écrit une ligne dans un registre pour indiquer qu'il l'a reçu.
- Il donne la lettre à un cycliste, appelé improprement télégraphiste, qui la remet en mains propres à son destinataire, ou s'il est absent, qui la lui met dans sa boite au lettres avec une étiquette autocollante en lettres rouges sur l'extérieur de la boite aux lettres, lui informant de la présence d'un pli urgent.
- Le pneumatique est donc délivré la plupart du temps, en moins d'un quart d'heure.
Bref, il n'y a que quatre personnes qui touchent la lettre, alors qu'il y en au moins deux de plus pour une lettre par voie terrestre même à l'intérieur de Paris, car il faut ajouter celui qui fait le tri au départ et celui qui transporte les caisses de lettres en camion ou camionnettes d'une poste à une autre, et le coût de l'essence et du véhicule.
Pierma a écrit :
(Pour moi les "petits bleus" c'est le télégraphe, ce serait donc une extension de celui-ci pour les messages urgents ?)
Oui, à mon époque, et je pense avant aussi, le tubiste et le cycliste s'occupaient aussi des télégrammes. C'était le même service. D'ailleurs, c'était aussi le même service pour les lettres recommandées, sauf peut-être dans les grandes postes. Et les lettres ou petits colis dit "express" venant de province ou de l'étranger (avec un affranchissement plus cher) pouvaient aussi être acheminées par ces cyclistes.