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Message Publié : 24 Déc 2022 18:03 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Jérôme a écrit :
Cher duc vous plaisantez ?

Pourquoi croyez qu une jeune fille faisait du droit (ou mieux encore sciences po) avant 1960?

Vous placez là de très bonnes avocates - depuis Jeanne Chauvin jusqu'à Simone Veil - sur un terrain bien mouvant cher Jérôme, c'est un peu dur.
Même si les premières avocates sont peu nombreuses et la plupart du temps issues d'un milieu favorisé, elles sont souvent mariées lorsqu'elles entrent à la faculté de droit (ce qui laisse toujours la possibilité de l'amant :mrgreen: ) Pourquoi ne pas y percevoir la possibilité de s'affranchir socialement et économiquement de leur époux, ce dernier étant souvent d'accord ? (même si avant 1938 c'est compliqué puisqu'elles doivent lui obéir et sont considérées comme incapables civilement).

Sur le fond de la question - même si l'auteur du fil devrait préciser l'époque à laquelle il pense précisément -, il me semble que le long XIXème siècle (jusqu'à 1938 pour les femmes) a été plus délicat juridiquement pour les femmes que les précédents (tout est codifié : tenue, statut civil, scolarité, etc.). Auparavant, y avait-il des interdits écrits ?

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 24 Déc 2022 20:34 
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Inscription : 15 Déc 2021 17:23
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Karolvs a écrit :
ilelogique a écrit :
En gros c'est simple : les femmes n'étaient pas autorisées à pratiquer les sciences (pas le droit d'accès aux bibliothèques, pas le droit de publier, pas le droit d'exercer ou d'enseigner)

De quelle époque parlez-vous, là ?

Par exemple début XXe lorsque le grand mathématicien Hilbert a du "prêter" son nom et ses heures de cours à madame Emy Noether (algébriste de génie) qui a montré le théorème fondamental de la physique (premier principe de la thermodynamique et autres) dont Einstein a dit que c'était "un monument de la pensée humaine" et Emy, donc, n'avait pas accès à l'université.


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Message Publié : 24 Déc 2022 20:54 
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Inscription : 15 Déc 2021 17:23
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Je parle bien en général (je ne suis pas du tout historien) mais ma question portait sur l'académie des sciences, donc de Louis XIV à nos jours, en passant par 1979, première femme académicienne si je ne m'abuse.
ce qui m'intéresse c'est l'argument ("officiel") que l'on avait pour justifier ces interdictions (qui donc n'en étaient pas à ce que je vois en vous lisant), par exemple un argument que des femmes pouvaient entendre (amusant ces histoires de séduction potentielle, comme si les femmes aussi auraient pu "perturber" ces braves hommes (à la chair si faible) réfléchissant sérieusement).
il va de soi que de Louis XIV à nos jour l'argument a du changer aussi !!
merci pour vos réponses !


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Message Publié : 24 Déc 2022 21:12 
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Inscription : 15 Déc 2021 17:23
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Navré de peut-être sembler hors de mon propre sujet, mais je viens de voir que l'Afghanistan a interdit il y a 4 jours (20/12/2022) l'accès des femmes aux universités ! Mais : quel prétexte avance-t-il ? Comment justifient-ils ça ? (rien de marqué dans les médias classiques à ce jour à ma connaissance), quelle raison avancent-ils ? Dans ce sens on rejoint ma question de savoir comment justifier l'interdiction aux femmes d'accéder au savoir (comme dit plus haut je suis scientifique et me penche sur cette question de la place des femmes en sciences mais il est évident que pour le droit, la plomberie ou le ping-pong, la question serait la même à mon avis...)
Merci.


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Message Publié : 25 Déc 2022 9:43 
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Hérodote
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Inscription : 15 Déc 2021 17:23
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Bonjour,
Alors mea culpa : le mot "officiel" que j'utilise depuis le début ne semble visiblement pas être le bon (et pourtant si, en venant sur le forum je pensais vraiment qu’il fût possible qu’il y ait des écrits officiels !), en fait, donc, pardon, avec "officiel" je voulais sans doute plutôt dire "argumenté", justifié, dans le sens de "capacité à répondre au "pourquoi ?"", je ne peux m’empêcher de penser à un aristo-crato-bourgeois-noble, du deuxième siècle après Louis XII si vous voulez, dont la femme qui s'ennuie et démontre sur une feuille tâchée dans la cuisine impeccable, du coin de la table, un grand théorème de maths. Mais enfin ma chère ce n'est pas possible, bien sûr que si mon ami visez donc' ! Voyons je ne parle pas de votre démonstration dont je ne doute pas ma mie, mais de cet interdit que vous outrepassez. Mais pourquoi me l’interdit-on, mon tendre époux ? Enfin bon sang, si cet homme a un soupçon de respect et d’amour pour sa femme, ce qui devait bien arriver, il va bien devoir lui répondre en étayant un peu non ? S’il lui répond seulement que ça ne se fait pas, on voit bien que ce n’est pas argumenté, sa femme pourra légitimement demander pourquoi ça ne se fait pas et ainsi de suite.
Et les mecs entre eux au café, dis-donc, j’ai trouvé ma femme en train de calculer, j’lui ai foutu une de ces roustes, ah oui t’as bien fait ; est-ce imaginable qu’on puisse dire ça ? En tous cas j’ai du mal à croire que ça puisse être la norme, au café on dit aussi j’vais y aller voir ma famille sinon ma femme va rouspéter.
Alors c’est vrai, je n’ignore pas que la bêtise humaine puisse aller loin, qu’on est allé sous l’inquisition (ou avant ?) pratiquer l’ordalie, si tu coules et meurs tu es innocent et si tu flottes tu es coupable donc on te brûle, mais encore que là il y avait un argument du type Dieu (donc imparable).
Enfin, lorsque Rousseau dit que la recherche de tout ce qui tend à généraliser les idées n'est point du ressort des femmes [...], il y a un peu d’argument aussi mais ça ne tient pas devant le théorème établi. La réputation alors ? Cachez ceci, que dira-t-on si on apprend ce que vous avez fait ? Mais là encore on repousse la justification d’un cran.
Désolé de mélanger les époques, mais vu que la question peut se poser de l’antiquité à la semaine dernière (désolé de mélanger aussi les cultures…) je reste médusé de constater qu’il semblerait bien qu’il n’y ait donc jamais trop eu d’argumentaire un tant soit peu « solide » dans la littérature ?....
Merci.


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Message Publié : 25 Déc 2022 12:30 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Localisation : Lorraine
ilelogique a écrit :
[..] je reste médusé de constater qu’il semblerait bien qu’il n’y ait donc jamais trop eu d’argumentaire un tant soit peu « solide » dans la littérature ?....
Merci.
Bonjour à tous.

Ilelogique, dans la saynette que vous nous représentez, votre aristo-crato-bourgeois du 2ème siècle après Louis XII pourrait être le marquis du Chatelet, qui laissa son épouse Emilie écrire et publier absolument tout ce qu'elle voulait en matière de sciences ; ce qu'elle ne manqua pas de faire, au point d'être reconnue comme une vraie scientifique par les savants de son temps (Maupertuis et autres) ; et pas seulement par le truchement du célèbre Voltaire.
A ceci près que ladite Emilie ne pouvait siéger à l'Académie des Sciences.

Pourquoi ?
Quels sont les arguments ? nous demandez vous.

A chercher dans la littérature (c'est votre demande), vous pourriez commencer par la Bible, car elle pèse encore sur l'organisation sociale du 2ème siècle après Louis XII : "Vous les femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c’est ce qui convient" (Epître de Paul aux Colossiens) ou "Ce n’est pas l’homme, en effet, qui a été tiré de la femme, mais la femme qui a été tirée de l’homme" (Epitre aux Corinthiens)... etc. Voilà un fil sur lequel vous pourriez tirer pour dérouler la pelote de la Littérature.

Mais peut-être aussi que ni l'aristo-crato-bourgeois du 2ème siècle après Louis XII ni son épouse, ont ressenti le besoin d'argumenter des choses qu'ils tenaient pour évidentes, à commencer par l'évidente différence des sexes, voulue par la nature (ou par Dieu, selon le temps, le lieu, ou l'obédience), d'où découlait une irréductible différence de fonctions, d'où la nécessité et l'utilité de la différenciation des sexes.

Cette différenciation a toutes les apparences d'une opposition de l'homme et de la femme, vue non comme une opposition créée pour en faire des ennemis, mais voulue par la nature pour mieux les unir dans la complémentarité. L'argument est connu, multiséculaire : ce sont les seins et l'utérus qui déterminent le destin de la femme : enfanter et materner.
Donc : à l'homme la puissance physique, le pouvoir, la raison ; à la femme, la sensibilité, le dévouement aux siens et la soumission. Longtemps, cela a suffit comme argument ; un argument qui n'empêchait pas les femmes savantes du 1er siècle après Louis XII de tenir salon littéraire ni celles du 2ème de traduire Newton ou Leibnitz, si le mari le voulait bien ; et il semblerait qu'ils le voulaient plus souvent qu'on ne pense ; ne serait-ce que parce qu'une épouse tenant salon regaussait d'autant plus le prestige du mari).

Dans son ordre, la femme est souvent vue comme "géniale", "ultra spécialisée" par la nature ; nettement plus spécialisée que l'homme. Cette évidence est visible à son organisation physique comme nous l'avons dit (les seins et l'utérus), qui détermine son destin naturel : enfanter et materner.
Le corps de l'homme est moins éloquent, moins prédéterminé à une seule fonction ; il est donc "pluridimensionnel", plus libre aussi de ses choix. La reproduction lui échappe, mais c'est à lui qu'est réservée la création.

C'est en raisonnant ainsi en termes de "nature" et de "finalité" qu'on a construit une argumentation justifiant une vision radicalement dualiste de l'univers humain, et la transgression de cette différenciation fondée sur la différence de nature est toujours perçue comme une menace. La femme veut-elle s'amuser de mathématique ou de physique ? Rien ne le lui interdit si sa fonction naturelle à l'endroit de son époux, de ses enfants et de son ménage lui en laisse le temps. A-t-elle quelque talent exceptionnel dans ces domaines scientifique ? Fort bien ! Qu'elle en use comme il se doit dans l'ordre social pluriséculaire : en auxiliaire des hommes. Mais qu'elle n'aille pas plus loin car une femme qui imite l'homme en s'emparant de son rôle (et inversement), apparaît comme un danger pour l'ordre du monde et une source de malheur humain. La nature, pense-t-on, ne pardonne pas ces sortes de défis.

C'est un fait qu'en raisonnant ainsi en termes de nature et de finalité, on a construit un système propre à enfermer les femmes dans leur spécificité, leur laissant peu d'espoir d'en sortir sans dommage. Cela était vrai aussi pour les hommes (malheur à celui qui inclinait à vouloir transgresser la spécialisation), encore qu'on ait moins d'exemples d'hommes ayant aspiré à adopter la condition des femmes de leur temps.


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Message Publié : 25 Déc 2022 17:01 
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Hérodote
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Inscription : 15 Déc 2021 17:23
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Merci beaucoup pour votre synthèse, mon esprit commençait déjà à ce tourner vers celle-ci.
Au fond c'est tellement ancré dans les esprits judéo Chrétiens apostoliques romains qu'on n'a plus besoin de justifier, et oui, chacun doit rester à sa place (même en remontant à la Génèse où j'avais cru lire que Eve n'est pas venue de la côte d'Adam (un vulgaire os) mais bien "A côté" en hébreu dans le texte, bon je dis cela car bien sûr quand je demande les arguments "officiels" je sais bien que l'implicite est aussi un désir de pouvoir et de domination des hommes sur les femmes).

Je ne sais pas bien ce qu'il en était à la préhistoire (ou disons avant la sédentarisation) mais à regarder sur toute l'humanité (à l'exception peut-être de petites sociétés matriarcales) il semble bien que ce schéma où chaque genre tient sa place (et avec l'homme au pouvoir) se soit très souvent reproduit (au point de ne plus avoir à justifier) et cela essentiellement par la suite des trois grandes religions monothéistes.

merci pour vos réponses, je ne m'attendais pas à ressortir à ce point déconcerté, le dogme est tellement ancré qu'il n'a même plus besoin de se justifier.

Alors bien sûr depuis Hypatie d'Alexandrie jusqu'à Maryna Viasowska cette année, en passant par Emilie du chatelet, Sophie Germain, Emy Noether ou Ada Lovelace, ces rares femmes restées dans l'histoire (des maths) car pugnaces ou bien soutenues par des hommes ne croyant pas ces dogmes, j'ai une pensée pour toutes les inconnues de génie que l'humanité (celle de l'homme...) n'a pas écoutées en les laissant dans l'oubli,, tous ces talents gâchés, à l'exception de celles victimes de l'effet Matilda...

Merci beaucoup


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Message Publié : 06 Mars 2023 17:44 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
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Karolvs a écrit :
et il semblerait qu'ils le voulaient plus souvent qu'on ne pense ; ne serait-ce que parce qu'une épouse tenant salon regaussait d'autant plus le prestige du mari)
Je pense qu'il faut insister sur ce point.
Sans aucun doute, il y a surement toujours eu des maris sots et envieux, qui redoutaient que leur femme risquât d'être plus brillante qu'eux. Et qu'il y a des époques et des classes sociales où les moeurs favorisent ce genre de petitesse.
En ce sens, ceux qui ont connu les décennies du milieu du XXème siècle peuvent témoigner que sur ce point on était pas plus intelligent qu'avant, et sans doute moins.

Mais il y a aussi, et c'est heureux, moult hommes qui se satisfont d'avoir une compagne intelligente et cultivée.

1ère raison: d'abord parce que la vie est plus sympa ainsi
2ème raison: c'est une fierté. Dans mes dépouillements de courrier familial d'Ancien Régime, je suis tombé sur deux papis à moi qui ont, deux générations de suite, épousé des femmes dont le hasard avait fait que l'instruction était très au-dessus de ce à quoi elles auraient pu prétendre normalement. Ces deux unions successives, c'était une vraie une promotion sociale déjà, dans un milieu rural modeste.

3ème raison, qu'il ne faut à mon avis surtout pas sous-estimer: on est peut être mysogyne, mais on est rarement insensible à l'ambition pour ses enfants. Or, les enfants, ce sont largement les épouses qui les éduquent. En plus, nos aïeux ne connaissaient pas l'épigénétique, mais ils croyaient que les humains obéissaient aux mêmes lois que ce qu'ils observaient dans les élevages de leurs chevaux ou de leurs chiens.
En gros, épouser une gourde, parce qu'on se dit qu'elle vous fichera la paix...
...ou cantonner sa femme à des tâches abêtissantes, ou à des futilités parce qu'ainsi elle ne risquera pas de vous faire de l'ombre...
... ce peut être un calcul à courte-vue égoïstement intéressant; mais si c'est pour prendre le risque d'avoir une descendance d'imbéciles, cela mérite d'y réfléchir à deux fois.


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