OGOTEMMELI a écrit :
[...] l'idée selon laquelle l'esclavage n'est pas une institution négro-africaine ne procède pas seulement de l'absence de documentation. Elle procède de la connaissance (tant que faire se peut) structurale des institutions et pratiques sociétales négro-africaines ; d'où il ressort que les conditions de "production" de cette institution-ci n'y étaient pas acquises...
J'y reviendrai.
J'ai soutenu que "esclave"
est un être humain réduit en servitude, telle que les fruits de son labeur et autres capacités appartiennent en propre à un maître. Lequel peut louer cette machine humaine, ou la vendre.
Mais "esclave" est aussi un non-ayant droit de cité, dont la personnalité juridique est réduite au strict minimum "vital", tel qu'il ne peut rien posséder ; ni nouer librement aucun contrat (de mariage, achat, etc.).
Le monde méditerranéen ancien est caractérisé par une rareté des terres riches et une grande contiguïté territoriale ; notamment en raison de flux migratoires fréquents, voire permanents, en particulier depuis les IVème et IIIème millénaires avant notre ère. Ces circonstances maintiennent une pression constante et prégnante sur les problèmes fonciers ; donc sur la propriété individuelle de la terre.
Aussi, une discrimination sociologique majeure intervient-elle en Méditerranée, entre les propriétaires terriens et les sans-terre. Celle-ci est pôlarisée à ses extrimités par les Pères de Famille, de la classe des Patriciens, et les non-ayant droit de cité, qui sont généralement des nouveaux arrivants (ou étrangers) ou des captifs, ou encore des citoyens déchus.
Comme dans ces temps aussi anciens, le travail de la terre était la principale source de richesse (loin devant le commerce), la majorité des sans-terre se retrouve contrainte d'offrir sa force de travail à la minorité de propriétaires terriens, contre quelques maigres moyens de subsistance.
Ces rapports de production anciens seront d'autant plus défavorables à la majorité des exploités que celle-ci croît rapidement ; tandis que les terrers cultivables sont bien moins extensibles, en dehors de la colonisation de nouveaux espaces.
C'est cette structure des rapports de production, dans une économie d'exploitation terrienne, qui crée les conditions socio-historiques favorables à l'émergence et au développement de l'esclavagisme.
Or, en Afrique ancienne les terres cultivables étaient comparativement beaucoup plus abondantes ; pour des densités de populations très inférieures à celles de la Méditerranée.
Or, en Afrique ancienne, l'appropriation privée de la terre était rare ; pour ne pas dire inexistante. En sorte que chaque membre d'une collectivité territoriale donnée pouvait exploiter pour son propre compte des parcelles cultivables de la terre commune. D'ailleurs, là où elles sont attestées, les catégories sociales africaines les plus défavorisées, celles de conditions serviles, exploitaient leurs propres parcelles agricoles et étaient propriétaires des principaux fruits de leur labeur.
D'autre part, l'activité agricole elle-même est très valorisée dans les sociétés africaines ; en sorte qu'il y importe beaucoup pour la notoriété de chacun de démontrer de bonnes capacités au travail de la terre. Des rites agraires, des fêtes des sémailles, des fêtes de récoltes, etc. Le souverain comme emblématique du premier agriculteur, ouvrant de ce fait la saison agricole par des rites et autres procédés spécifiques ; ayant pour effet littéralement de sanctifier le travail de la terre. L'initiation de toutes les classes d'âge aux activités agricoles, sans aucune autre distinction que celle du sexe. Bref, autant de faits et pratiques sociétales défavorables au développement de la discrimination entre propriétaires terriens et main d'oeuvre servile attachée au travail de la propriété.