J’ai évoqué plus haut les rumeurs d’armistice qui furent lancées suite à la bataille d’Iéna.
Là encore, la fureur de Napoléon fut grande : « L'Empereur témoigne son mécontentement au général de division Klein et au général de brigade Lasalle, et Sa Majesté ordonne que cette marque de son mécontentement soit mise à l'ordre de l'armée, pour avoir laissé passer deux colonnes ennemies qui étaient coupées, ayant l'un et l'autre l'extrême simplicité de croire ce que le général ennemi Blücher leur a dit qu'il y avait un armistice de six semaines. Depuis quand est-ce par le canal de l’ennemi que Sa Majesté fait porter ses ordres ? L'Empereur se flatte que de pareilles erreurs ne seront plus commises ; les lois militaires prononcent les plus grandes peines contre ces officiers dans un cas pareil ; mais la peine la plus sensible pour un officier de la Grande Armée est de n'avoir pas concouru en tout point à l’entier succès des opérations. » (Ordre du jour du 19 octobre 1806)
Dans son rapport en date du 16, Lasalle reconnut bien qu’un parlementaire prussien était venu lui annoncer un armistice (auquel il affirme ne pas y avoir trop ajouté foi), mais force est de reconnaître que la brigade française en question, en raison de la disproportions des effectifs, n’était guère en mesure de s’opposer aux forces ennemies.
Le 11e Bulletin du 19 octobre oublia finalement Lasalle. Seul Klein fut égratigné : « Le général prussien Blücher, avec cinq mille hommes, a traversé la division de dragons du général Klein, qui l'avait coupé. Ayant allégué au général Klein qu'il y avait un armistice de six semaines, ce général a eu la simplicité de le croire. »
De son côté Soult se montra plus perspicace. Rapport du 16 octobre : « Ce matin, en arrivant à Gross-Sommern, j'ai été instruit qu'une colonne ennemie forte de 12 000 hommes en était partie à sept heures et même que Sa Majesté le roi de Prusse y avait couché ; j'ai fait de suite suivre la direction qu'avait prise cette colonne en se retirant, et sur le soir j'ai encore pu l'atteindre à Greussen, ayant ses lignes formées et paraissant prête à soutenir le combat. Lorsque l'avant-garde a été à portée de cette colonne, un parlementaire s'est présenté et a déclaré au nom du général Kalkreuth, commandant en chef l'armée prussienne, qu'il croyait qu'une trêve ou armistice avait été conclue entre Sa Majesté l'Empereur et le roi de Prusse, et qu'il avait même reçu ordre de son souverain de ne point faire feu sur les troupes françaises si elles se présentaient ; ce parlementaire m'a, en outre, fait prier de vouloir bien accorder à ce sujet une conférence à M. le général Kalkreuth. M'étant rendu aux avant-postes, le général Kalkreuth m'a répété la même chose, et m'a dit qu'il garantissait sur son honneur que des propositions d'armistice avaient été faites et qu'il croyait même qu'elles avaient été acceptées par l'Empereur, et m'a prié en conséquence de n'engager aucune affaire jusqu'à ce que des ordres aient été donnés à ce sujet ; il m'a même dit qu'hier au soir le général Klein à la tête de la division qu'il commande, et qui s'était porté sur le flanc de la colonne prussienne en se dirigeant sur Weissenssee, n'avait pas fait d'objection pour laisser passer ses troupes, sur l'assurance qu'il lui avait donnée que la trêve devait être conclue. N'ayant reçu aucun ordre ni avis à ce sujet, j'ai dû trouver fort étrange que le général Kalkreuth me fît pareille proposition, mais n'étant point encore en mesure pour l'attaquer, parce qu'il n'y avait que la cavalerie d'arrivée, et que l'infanterie ne pouvait être en présence qu'une demi-heure avant la nuit, j'ai prolongé l'entretien jusqu'à ce qu'elle fût rendue, et pour cela je lui ai fait des propositions telles que j'étais bien assuré qu'il ne les accepterait pas : de faire arrêter la marche de toutes les colonnes prussiennes, desquelles il se disait le général en chef, qui pouvaient être en mouvement sur la rive gauche de l'Elbe, soit qu'elles aient été à la bataille ou non, et que dans le cas que l'armistice (conclu à ce qu'il me disait) ne le fût pas, la colonne qu'il commandait serait prisonnière de guerre. Le général Kalkreuth et un autre général qui était avec lui ont répondu qu'ils préféraient tous mourir que de consentir à un pareil déshonneur; mais ils consentaient à la première proposition si j'avais voulu leur permettre de prendre sur les derrières une position qui les mît à même de se procurer des vivres, et ils demandaient aussi que l'armée française arrêtât ses mouvements. Avec de pareilles prétentions de part et d'autre, et de mon côté étant sans pouvoir pour rien promettre, il était difficile de s'entendre ; aussi, j'ai rompu l'entretien aussitôt que j'ai appris que l'infanterie arrivait, et j'ai dit au général Kalkreuth que ne pouvant me regarder comme prévenu de l'existence d'un armistice, quoiqu'il en fût lui-même persuadé, je ne cesserais de le poursuivre, et que j'agirais en conséquence des instructions que j'avais reçues. Nous nous sommes alors séparés, et, un instant après, j'ai fait attaquer les troupes qu'il avait devant Greussen ; elles ont été culbutées, nous sommes entrés dans la ville et nous avons fait quelques prisonniers ; j'ai mis ensuite un parti à la poursuite de la colonne, pour la fatiguer sans cesse pendant la nuit, l’empêcher de faire du chemin et la tenir à portée pour demain matin ; aussi j'espère qu'avant d'être à Nordhausen, je l'aurai entamée »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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