Voici un survol du sort des prisonniers de guerre sous l'Ancien Régime (copie d'une réponse que j'avais déjà faite sur un autre forum) Jusqu’au 16e le sort des prisonniers de guerre non nobles n’est pas très enviable. Dans les places tombées après un siège il n’est pas rare que les prisonniers soient passés au fil de l’épée, ou condamnés à servir comme galériens, et même parfois vendus comme esclaves. Mais les sociétés européennes changent, les souvenirs laissés dans toute l’Europe par la guerre de Trente Ans, les ravages qu’ont fait les bandes comme celles du duc de Saxe Weimar en Allemagne, en Franche Comté…, vont profondément marquer la société européenne. Cette modification de la perception de la guerre amène à réfléchir au droit dans la guerre et à une plus grande humanisation des conflits. L’expression de cette prise de conscience se voit au travers de différents auteurs comme par exemple Hugo Grotius, Pufendorf, De Wolff ou Emer de Vattel qui publie en 1758 : Le droit des gens ou principes de la loi naturelle, appliqué à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, où apparaissent les premières esquisses d’un droit de la guerre en particulier pour la protection des populations civiles. Vers milieu du 17e tout ceci se formalise avec la multiplication des conventions d’échanges et de rachats de prisonniers que l’on retrouve sous forme de cartels qui définissent les valeurs marchandes attribuées selon les grades, ou les fonctions pour les personnels administratifs.
On s’engage à se restituer ses prisonniers dans des délais très brefs. Rappelons qu’à cette époque qu’il n’y a pas de camps de prisonniers. Les armées ayant déjà beaucoup de difficultés à s’occuper de leur propre subsistance, on ne s’encombre pas de bouches à nourrir près du front, au contraire, chacun cherche à ce que ses prisonniers soient rapidement monnayés en échange d’une rançon ou envoyez sur l'arrière.
Le montant est fixé par convention selon le grade et dans certains cas elle est fixée à un mois de leur solde, ou un mois des appointements de la plus haute charge qu’ils possèdent. Certains prisonniers sont exemptés de rançons comme les maîtres des postes, leurs commis et postillons, les médecins, apothicaires et chirurgiens et ceux servant dans les hôpitaux, de même que les prévôts généraux et officiers de la Connétablie, les valets, écuyers… Les séjours des prisonniers dans les hôpitaux leur sont facturés. On commence par les échanges de prisonniers à grade égal, au besoin on compense ainsi un capitaine est échangé contre six hommes ou un lieutenant contre trois hommes par exemple. Ainsi pour récupérer « huit à dix mille vieux soldats » en octobre 1758 Belle Isle écrit à Contades : « j’espère que les mille écus que Mr. de la Salle portera, pour payer à compte de ce qui est dû à la Chancellerie de Hanovre, satisferont, et que au surplus de ce qui reste dû, n’empêchera pas la consommation [réalisation] du cartel. »
Les officiers généraux sont restitués sur parole, dans l’attente du versement de leur rançon ; à défaut de payement ils sont réputés Gens sans honneur.
Il peut leur être demandé de ne plus servir sur le théâtre de la guerre durant la campagne ou la guerre. Les officiers et soldats se voient réaffectés sur les arrières ou un autre front. Hennet par exemple nous apprend que « les prisonniers de Wilhelmstadt [24 juin 1762], comprenant 37 officiers et 512 sergents et grenadiers des régiments de Le Camus, Narbonne, L’Espinassè et La Rochelambert, entrent dans la composition de 18 piquets formés en 2 bataillons, à Colmar, des hommes restés aux mains de l’ennemi dans cette affaire. On les employa à la poursuite des contrebandiers en Franche-Comté et en Bourgogne. »
"L’échange des prisonniers de guerre se fait conjointement avec un officier général et un commissaire des guerres. L’intendant de l'armée remet à ce commissaire les états de tous les prisonniers de guerre faits sur les ennemis, et de ceux qu’ils ; ont faits sur nous ; cet état contient les noms et qualités des officiers, soldats, cavaliers, dragons… Il lui remet aussi les états des avances faites aux officiers prisonniers, et des journées d’hôpitaux qu’ils doivent payer, afin de pouvoir procéder à l’échange et à la compensation des avances réciproques. Si lors de l’échange il y a des officiers prisonniers sur leur parole, on se remet de part et d’autre leurs billets d’honneur, et on leur fait savoir qu’ils peuvent reprendre leur service."
Les officiers étaient libres mais prisonniers sur parole et logés dans les hostelleries locales sans garde particulière, il devaient être sans armes. En 1704 après la bataille de Spire (15 novembre 1703), des officiers et soldats sont amenés sous escorte à Auxerre en Bourgogne soit à près de 500 km du champ de bataille. Le duc de Bourbon à propos des officiers écrit « sont intention est qu’ils y soient sur parole et qu’ils y subsistent à leurs dépens pendant tout le temps qu’ils demeureront, sans être à aucune charge aux habitants » En juin 1705 un certain nombre d’entre-eux reçoivent un passeport pour se rendre à Francfort ou Mayence en vue d’un échange, mais avant de partir ils prennent l’engagement de revenir si « quelque obstacle empêchait la conclusion du cartel ».
Les soldats aussi sont évacués loin sur les arrières, ainsi pour les combats qui eurent lieu en Italie ils ont put être évacués en deçà des Alpes (Dauphiné, Bourgogne) et les pour batailles et sièges livrés en Espagne ils sont rassemblés dans le Gers,on retrouve des anglais fait prisonniers en Espagne en Bourgogne.
Charge aux communautés d’en assurer la garde et une partie de l’entretien ce qui sera le sujet de nombreuses remontrances, plaintes et recours auprès des intendants des provinces. Les prisonniers étaient hébergés où l’on pouvait, dans les rares bâtiments publics, les granges de particuliers… L’état fournissait le pain de munition, et surtout ce qui peut paraître étrange aujourd’hui, c’est que leur solde était maintenue et versée, leur permettant de subvenir à une partie de leurs besoins. Aux vues du décompte fait par leurs officiers ils obtenaient des lettres de change fournies par leurs Etats d'origine. Les soldats sont « logés et gardés », mais ont parfois, voir souvent la possibilité de déambuler librement, mais doivent retourner coucher aux logements assignés, ne pas franchir les portes de la ville sans permission écrite ...
S’évader paraît difficile, pour les officiers c’était trahir la parole donnée et pour les soldats circuler sans passeport, sans maitriser la langue (les patois) à des centaines de kilomètres de son pays était quasiment impossible. Et quand ils s’évadaient, on parlait alors de désertion ! La France demandait et obtenait un dédommagement qui pouvait être prélevé sur la lettre de change de la solde destinée aux prisonniers, ceci ayant pour but de faire dissuader les candidats à l’évasion par leurs propres camarades d’infortune.
Souvent comme dans l’armée française, la femme du soldat et ses enfants suivaient l’armée, et lorsque leurs maris étaient faits prisonniers de guerre elles les suivaient en captivité avec leurs enfants, les registres d’état civil des villes et registres de baptême en sont les témoins.
Votre aïeul ne rentre qu'en 1750, il a semble-t-il eut une période où il à dû s’intégrer à la vie locale. Son enfant était il d'une jeune femme locale (voir état civil mariage ? naissance ?) ou d'une compagne qui l'aurait accompagné dans sa détention ?
JL
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