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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 04 Mai 2008 19:33 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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L'athéïsme n'est pas l'agnostisme et d'ailleurs, le seul non-croyant qui soit et l'agnostique car l'athée croit.

Ces mots me dépassent complètement, étant un plouc inculte.
Je ne crois pas, (ni ne fume, d'ailleurs :wink: ) point. Appelez le comme vous voulez. Je ne demande aucune preuve à personne, pour ma part, je m'en moque*. Et me retire donc moi aussi du débat où je n'aurais, d'ailleurs, jamais du venir.

* je m'en moque tant qu'on me fout la paix avec ça (je veux dire dans la vie courante, pas ici) , ce qui n'est pas toujours le cas.

_________________
"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 04 Mai 2008 19:58 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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On pourrait passer la soirée à martyriser des diptères innocents sur le thème de savoir quelle est la fine distinction qui peut exister entre "ne pas croire en Dieu" et "être certain de son inexistence"...

Pour répondre à la question initiale du fil, Julien l'apostat est une réponse possible. Sauf à dire que l'empire romain d'après Constantin, ce n'est pas encore la chrétienté...

_________________
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 07 Mai 2008 12:06 
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Polybe
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Le fait que Julien n'ait pas été chrétien ne signifie nullement qu'il ait été incroyant.


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 07 Mai 2008 21:23 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Jézabel a écrit :
Le fait que Julien n'ait pas été chrétien ne signifie nullement qu'il ait été incroyant.

Cela va de soit il souhaitait restaurer une certaine forme de paganisme. Mais quel rapport avec la choucroute?

_________________
Alceste

Que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants... ne soient pas des signaux de haine et de persécution...

La prière de Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 09 Mai 2008 20:01 
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Polybe
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Inscription : 30 Avr 2008 18:26
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Voici la choucroute :

Huyustus a écrit :
Pour répondre à la question initiale du fil, Julien l'apostat est une réponse possible.


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 05 Juin 2008 23:10 
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Hérodote
Hérodote

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Si l'on parle des premiers non-croyants de l'histoire de l'humanité, Australopithecus fut le premier athée.
Mais cela ne fait pas avancer les choses je l'admets.

Les premiers athées au sens moderne étaient certainement des grecs. Anaxagore de Clazomènes fut condamné à mort pour ses théories athées. Même s'il est vrai que ce type d'accusation était rarement fondé à l'époque, Anaxagore fait preuve d'un patent matérialisme, et l'individualisation profonde des philosophes grecs, leur espèce de capacité à s'extirper des rêts du grégarisme, me font penser que l'hypothèse d'un Anaxagore athée est tout à fait recevable.

Plus récemment, j'avais lu un document anonyme datant du XI ou XIIeme siècle où les auteurs affirmaient clairement leur athéisme et leur anticléricalisme. Ce texte est assez connu mais j'en ai oublié le titre...
En lisant les textes sacrés monothéistes on constate que chacun traite son voisin d'athée pour peu qu'il ne croit pas au même Dieu. Mais je pense néanmoins que des sortes de "sectes" (si ce terme a ici un sens) athées ont toujours existé.

Je pense que l'athéisme a toujours existé, tout d'abord très sporadiquement, sans avoir de grands noms pour le représenter, puis il est finalement devenu banal dans certains milieux avec le déclin du sentiment religieux aux XVIIIeme et XIXeme siècle.


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 05 Juin 2008 23:38 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Babarberousse a écrit :
Si l'on parle des premiers non-croyants de l'histoire de l'humanité, Australopithecus fut le premier athée.
Mais cela ne fait pas avancer les choses je l'admets.


Prouvez-le! Je vous trouve bien péremptoire d'affirmer ainsi que nos ancêtres de 3 millions d'années n'avaient aucune croyance ou idée religieuse.


Citer :
Plus récemment, j'avais lu un document anonyme datant du XI ou XIIeme siècle où les auteurs affirmaient clairement leur athéisme et leur anticléricalisme. Ce texte est assez connu mais j'en ai oublié le titre...

Un document de quelle origine? Juste un profession de non-foi?



Citer :
puis il est finalement devenu banal dans certains milieux avec le déclin du sentiment religieux aux XVIIIeme et XIXeme siècle.

Attention, le sentiment religieux fait un grand retour en force au cours du premier XIXe s., avant de ne décliner réellement qu'à la fin du siècle.

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 06 Juin 2008 15:21 
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Tite-Live
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Inscription : 18 Juil 2005 22:07
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Huyustus a écrit :
On pourrait passer la soirée à martyriser des diptères innocents sur le thème de savoir quelle est la fine distinction qui peut exister entre "ne pas croire en Dieu" et "être certain de son inexistence"...

Pourtant, pour l'agnostique, la distinction est fondamentale.

Concernant le sujet, j'ai du mal à croire que l'incroyance (athéisme/agnosticisme/scepticisme) serait quelque chose de moderne. C'est sûr que dans un environnement où tout le monde croit en quelque chose, on est porté naturellement à le croire. Mais la croyance en Dieu implique une croyance en une certaine forme d'aide dans la vie, d'écoute de nos prières etc. Or, hier comme aujourd'hui, prier donne à certaines personnes l'impression de "parler tout seul".
De plus la croyance semble assez peu compatible avec les comportements interdits par la religion. Si on dit à un gosse "mange ta soupe ou l'ogre va te manger", s'il mange pas sa soupe, c'est qu'il croit pas vraiment à l'ogre - assez peu pour courir le risque. J'imagine qu'au Moyen-Age, les gens qui volaient, tuaient, commettaient l'adultère devaient pas avoir la certitude absolue de passer ensuite l'éternité dans les flammes de l'enfer, sinon ils ne l'auraient pas fait. Or, je crois pas que ces époques n'ont connu que des hommes et femmes vertueux...

On n'est pas forcément dans l'athéisme ni même dans l'agnosticisme, mais des personnes qui croient en l'enfer comme le fumeur croit au cancer du poumon, y'a déjà une forme de non-croyance derrière.

_________________
Yoda

On ne peut jamais se reposer sur l'amour - et c'est pourtant sur lui que tout repose. - Jean Rostand


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 06 Juin 2008 22:51 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Localisation : La Lune
il n'y absolument pas de lien de cause à effet entre l'existance d'un dieu et une notion d'aide quelconque ! Même s'il est en effet logique de demander de l'aide à une entité qu'on estime supérieure. Ceci dit, il suffit d'ouvrir les yeux et de se poser la question d'où vient le monde pour penser qu'il existe peut-être une entité infinie qui aurait créé tout ça.

Pour les personnes non vertueuses, ça n'implique pas non plus qu'elles ne croient pas en un dieu, mais plutôt qu'elles s'en foutent ou qu'il est complaisant, tout simplement.

_________________
« Il me paraît essentiel qu'il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis ; ce n'est pas le manœuvre qu'il faut instruire, c'est le bon bourgeois. »
Voltaire, 1766.


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 06 Juin 2008 22:54 
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Salluste
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Localisation : Paris
Yoda a écrit :
De plus la croyance semble assez peu compatible avec les comportements interdits par la religion. Si on dit à un gosse "mange ta soupe ou l'ogre va te manger", s'il mange pas sa soupe, c'est qu'il croit pas vraiment à l'ogre - assez peu pour courir le risque. J'imagine qu'au Moyen-Age, les gens qui volaient, tuaient, commettaient l'adultère devaient pas avoir la certitude absolue de passer ensuite l'éternité dans les flammes de l'enfer, sinon ils ne l'auraient pas fait. Or, je crois pas que ces époques n'ont connu que des hommes et femmes vertueux...

On n'est pas forcément dans l'athéisme ni même dans l'agnosticisme, mais des personnes qui croient en l'enfer comme le fumeur croit au cancer du poumon, y'a déjà une forme de non-croyance derrière.

Pas nécessairement... La réalité est toujours plus complexe que la théorie, et l'exemple du fumeur l'illustre à merveille : un être humain peut tout à fait être convaincu de la dangerosité de fumer, et fumer malgré tout ; c'est-à-dire être incohérent entre son souhait de bonne santé et sa pratique quotidienne, ou être irrationnel comme l'on veut (ne pas donner les bons moyens pour parvenir aux fins définis).

On peut déconnecter sa pratique de ses idées, pour tout un tas de raisons, notamment (en ce qui nous concerne ici) pour la raison que : 1) l'enfer, c'est dans longtemps ; 2) en attendant, aujourd'hui, faut bien bouffer - je veux dire par là qu'on peut être profondément croyant, mais en gardant cela dans un registre parfaitement théorique ; dans la pratique, tous les jours, et ben... on trouve toujours de bonnes raisons de ne pas se plier aux efforts qu'on reconnaît pourtant parfaitement légitimes et auxquels on croit ! ("Tu ne voleras point." - "Oui, c'est vrai, mais là c'est exceptionnel, c'est pas vraiment la période pour moi alors bon.. et puis en plus c'est pas vraiment voler", etc.)

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« Que de choses ont été vécues sans avoir été dites ! » Paul Veyne.


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 07 Juin 2008 10:06 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 27 Avr 2008 14:42
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Yoda a écrit :
Huyustus a écrit :
De plus la croyance semble assez peu compatible avec les comportements interdits par la religion.


Si on suit votre raisonnement Ben Laden et Saint Dominique (inventeur de l'Inquisition sont des athées). Mais il y a toujours des façons de rectifier le mal de l'action
par la pureté de nos intentions.
(Tartuffe)

Vous entrez dans la vieille antienne selon laquelle la religion est de fondement de la morale. C'est curieux sur passion histoire parce que l'histoire ne cesse de contredire cela. J'ajouterai que si vous ne vous retenez de faire du mal aux autres que par peur de l'enfer votre acte n'est pas vraiment moral puisqu'il n'est pas désintéressé. Je suis d'accord avec vous que l'athéisme n'est pas plus moderne que la religion même s'il a souvent été contraint de cacher. Si la religion est si forte c'est parce qu'elle est une culture qui manifeste une appartenance au groupe. L'athéisme lui est une démarche individuelle (je ne parle pas de l'athéisme imposé de 1793 ou des pays communistes par que là quelque part il s'est fait religion).

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Alceste

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 07 Juin 2008 13:07 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Si la religion est si forte c'est parce qu'elle est une culture qui manifeste une appartenance au groupe.

Oui, par définition, puisque l'étymologie même du mot se réfère au "lien". En fait, l'homme étant un animal tributaire de la vie en société, on pouvait s'attendre à ce que ses premières intuitions appartiennent au patrimoine du clan ; partagées par tous les membres du clan, ses convictions prolongent celles de ses ancêtres et représentent l'amorce des convictions de ses descendants. La cohésion des convictions magico religieuses conditionne alors la cohésion sociale (et à l'horizontale chez les contemporains et, à la verticale, dans le lignage). Un marginal au plan des convictions mettrait en jeu sa survie au sein du groupe (hic et nunc, et, de surcroît, dans la généalogie).
Citer :
L'athéisme lui est une démarche individuelle

Il me semble qu'il a fallu que la cohésion de la société ne soit plus étroitement tributaire du patrimoine magico religieux pour que puisse émerger un athée compatible avec (et toléré par) les autres membres de ladite société.

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"Le doute est le premier pas vers la conviction" (al-Ghazali, mort en 1111).


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 07 Juin 2008 20:17 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges

Inscription : 09 Août 2005 17:34
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Localisation : Marseille
Citer :
L'athéisme lui est une démarche individuelle
A la réflexion, comment comprendre un prosélytisme athée visant à l'instauration d'une société athée? Les quelques exemples tirés de l'histoire contemporaine (URSS surtout) ne semblent pas probants...
Au demeurant, il semble assez hâtif de taxer d'obscurantisme le religieux en général (individuel ou collectif).

_________________
"Le doute est le premier pas vers la conviction" (al-Ghazali, mort en 1111).


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 07 Juin 2008 23:36 
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Polybe
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Babarberousse a écrit :
Plus récemment, j'avais lu un document anonyme datant du XI ou XIIeme siècle où les auteurs affirmaient clairement leur athéisme et leur anticléricalisme. Ce texte est assez connu mais j'en ai oublié le titre...


Est-ce le Traité des Trois Imposteurs ?

Mais il est beaucoup plus tardif.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A ... imposteurs


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 11 Juin 2008 18:27 
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Salluste
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Babarberousse a écrit :
Les premiers athées au sens moderne étaient certainement des grecs. Anaxagore de Clazomènes fut condamné à mort pour ses théories athées. Même s'il est vrai que ce type d'accusation était rarement fondé à l'époque, Anaxagore fait preuve d'un patent matérialisme, et l'individualisation profonde des philosophes grecs, leur espèce de capacité à s'extirper des rêts du grégarisme, me font penser que l'hypothèse d'un Anaxagore athée est tout à fait recevable.

Cette discussion m'est revenue en tête en lisant le petit Quand notre monde est devenu chrétien de Paul Veyne. Cela n'éclaire en rien l'ensemble de la question (et notamment pas du tout la chrétienté à l'origine de ce sujet), mais seulement ce qui concerne le monde gréco-romain :

Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, Paris, Albin Michel, p. 67-72 a écrit :
Sur la croyance, la secte chrétienne posait aux païens une question agressive et neuve : « Quelle est la religion vraie, la vôtre ou la nôtre ? » Cette question de la vérité peut sembler naturelle, immédiate et éternelle en tous les domaines, mais, au cours des siècles, elle ne l'est pas. Je me suis quelquefois demandé si les Grecs croyaient vraiment à leurs mythes. La réponse était pourtant simple : la question de la vérité s'impose moins que ne le supporterait ; nous ne nous demandons pas toujours, sur tout sujet, si une cose est vraie (ou même nous évitons de nous interroger là-dessus, par prudence, par respect), si bien que nous ignorons nous-mêmes si nous y croyons ou non. Le fait de ne pas se poser la question de la vérité crée l'illusion qu'il existerait des époques de foi où tout le monde serait croyant ; en fait, si les gens s'interrogeaient, une minorité au moins d'entre eux découvriraient que l'objet de leur croyance présumée n'éveille en eux aucun écho.

Quand un païen apprenait qu'un peuple lointain adorait des dieux qui lui étaient inconnus, il ne soulevait pas la question de savoir si ces dieux étaient vrais ou faux : il se contentait de cette affirmation "objective". Pour lui, les dieux des autres étaient des dieux de lui inconnus qu'il serait peut-être bon d'importer, de même qu'on acclimate dans son pays d'utiles plantes exotiques. (...) Toutefois, il arrivait que la cité refusât ou expulsât certaines divinités, non parce qu'elles étaient fausses, mais parce que leur culte était immoral (on en jugeait sur leurs rites). Un païen incroyant disait rarement : « les dieux n'existent pas, ne sont pas vrais » ; il se bornait plus souvent à dire : « il est inutile de leur rendre un culte en pensant acquérir leur faveur, leur protection (1) ». On n'affirme fortement la fausseté d'une croyance, au lieu de la laisser en paix, que là où elle s'oppose à celle que l'on professe et que l'on tient expressément pour seule vraie. Pour parodier Hegel, toute conscience d'être vraie veut la mort de l'autre.

Sur ce point, le christianisme se distinguait par un trait encore plus accusé : c'était une religion à profession de foi. Il ne suffisait pas d'être chrétien, il fallait se dire chrétien, le professer, car il y avait avec Dieu une relation personnelle qu'ignorait le paganisme (...). Un païen ne professait rien, ne disait pas croire à ses dieux : (...) il leur rendait un culte et chaque peuple, disait-on, « avait » ses dieux à lui, chaque individu pouvait « avoir » les siens (theous nomizein (2). On ne faisait qu'adorer les dieux qu'on voulait, quand on voulait. Se vuoi, come vuoi, con chi vuoi. C'est depuis l'exclusivisme chrétien qu'on emploie le verbe "croire" (j'entends : "croire expressément, et le dire" ; je ne parle pas ici de la pistis, cette confiance comme enfantine et pleine d'espérance en l'aide d'un dieu) : les chrétiens ne "croyaient" pas aux dieux des païens et réciproquement. Ce verbe n'est employé que par des incroyants, par les chrétiens anciens qui ne croyaient plus à Jupiter et par les historiens et ethnographes modernes qui décrivent les "croyances" d'autrefois ou d'ailleurs.

(1) Qu'on me permette de renvoyer à mon Empire gréco-romain, Paris, Seuil, 2006, p. 480. En d'autres termes, si nous avions interrogé un païen que nous dirions "incroyant", il ne nous aurait pas répondu : « Je ne crois pas aux dieux, les dieux n'existent pas », mais plutôt « tout cela ne m'intéresse pas, je n'ai rien à faire des dieux, je les ignore, il ne sert à rien de les adorer ».
(2) On employait le verbe nomizein pour dire qu'on "avait" tel ou tel dieu et, dans les traités d'alliance internationaux, que deux cités "auraient les mêmes amis et ennemis".


A la page 480 de son Empire gréco-romain, Paul Veyne traite en fait du caractère "juste" ou "injuste" des dieux païens, de leur morale donc en rapport avec la piété et le culte qu'on leur portait :
Paul Veyne, Empire gréco-romain, Paris, Seuil, 2006, p. 480 a écrit :
Si les dieux ne sont pas justes, ils ne valent rien, ils ne sont rien ; tranchons le mot : ils ne sont pas. Cependant, plus souvent qu'à cette négation, on s'en tenait à la conviction, honnie par Platon, que les dieux ne s'occupaient pas des affaires humaines et qu'il était donc inutile de les honorer et de sacrifier, puisqu'il n'y avait rien à espérer d'eux. L'athéisme se bornait à nier l'utilité de rendre un culte aux dieux. Un indifférent en matière de religion, un incroyant était un homme « qui n'adressait pas de sacrifices ni de prières aux dieux, qui ne recourait pas à la divination et qui se moquait de ceux qui le faisaient » ; comme dit l'un d'eux chez Xénophon : « Crois bien, Socrate, que si je pensais que les dieux se soucient des hommes, je ne les négligerais pas. » (1) Chose frappante, pendant huit bons siècles, l'incroyance consistera à nier l'utilité de la religion, plus souvent qu'elle ne niera l'existence des dieux eux-mêmes, ce qui se comprend : les gens n'ont pas tous la tête métaphysicienne, ils suivent l'ordre des matières plus souvent que celui des raisons ; ils ne commencent pas par l'existence de Dieu ou des dieux, mais par ce qu'ils voient de plus près, l'autorité de leur curé (2) ou bien les rites qui sont censés assurer de bonnes récoltes. Les dieux étaient les maîtres des choses humaines, qui sont toujours incertaines, mais on n'avait pas de rapport passionnels avec eux, leur existence ou leur non-existence ne touchait pas leurs fidèles en plein coeur.

(1) Xénophon, Mémorables, I, 4, 11.
(2) Comme le remarque B. Groethuysen, Origines de l'esprit bourgeois en France, I, p. 40-44, dès le XVIIIe siècle et sans attendre M. Homais, pour un bourgeois, discuter de religion consistait à discuter avec son curé, considéré comme le représentant de Dieu, l'ambassadeur du Ciel.

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