Je vais faire plus court, ne vous inquiétez pas, mais je vais quand même répondre à la question de Babel, parce que c'est quand même la base.
Babel a écrit :
Citer :
Reste à savoir ce que veut dire : "Réfuter une hypothèse scientifique" (ou une théorie, chez Popper, puisque le statut y est le même)
Montrer que ses observations et/ou son raisonnement sont erronés?
Non
Il y a donc deux méthodes de validation d'une théorie.
La première est la méthode vérificationniste, la méthode "classique", c'est-à-dire celle de l'expérience.
Cette méthode dit en gros : Soit l'hypothèse T = [A -> B], toute chose étant égales par ailleurs, si pour tout A il y a B, alors j'ai une relation causale, cad une loi. Par conséquent, c'est le caractère
reproductible de l'expérience qui détermine la validité scientifique de la théorie, et qui me permet de l'élever au rang de loi.
A cela, Hume, philosophe anglais du XVIIIe, avait opposé un argument critique. En gros, Hume met en doute la relation causale : Qu'est-ce qui me certifie que la relation entre A et B est
nécessaire ? Si ça se trouve, j'ai simplement
l'habitude de voir B succéder à A dans le temps, et cette habitude, je l'ai faussement prise pour une relation de nécessité entre A et B, et donc une relation de causalité. Par conséquent, je ne peux pas en aucun cas être
certain de l'existence d'une relation de causalité, et donc, je ne peux raisonnablement pas élever cette relation que je constate entre A et B au rang de loi de la nature.
Donc mine de rien, Hume avait frappé un grand coup. Il s'agit quand même de savoir si oui ou non il existe quelque chose qu'on pourrait appeler "la connaissance scientifique". Et c'est par exemple à Hume que Kant a essayé de répliquer avec sa Critique de la Raison Pure, sans parler de tous ceux qui ont suivi : Globalement, c'est l'un des, si ce n'est
le grand problème de l'histoire de la connaissance.
Ce problème est appelé le "problème de l'induction" puisqu'il porte sur la validité du raisonnement par induction (l'opération inverse de la déduction).
Traduisons-le dans l'exemple de Popper : Soit la théorie T = [Tous les cygnes sont blancs]
Si je n'ai jamais observé jusqu'à présent
que des cygnes blancs, et si dans le monde connu, personne n'a jamais obervé
que des cygnes blancs, alors, selon la méthode vérificationniste, T est vraie, et je peux l'élever au rang de loi. C'est certain, c'est assuré, c'est prouvé : Les cygnes sont blancs.
Voila donc le raisonnement par induction : D'un cas particulier, mais que j'estime -et/ou que je constate- reproductible, j'en
induis un cas général.
Mais que me dit alors Hume ? "Ce n'est pas parce que jusqu'à maintenant, seuls des cygnes blancs ont été observés, que demain, on ne va pas observer un cygne noir. Tu ne peux pas en être
certain." Autrement dit : Ce n'est pas parce qu'une expérience donne le même résultat 1000 fois qu'on peut être
certain qu'elle ne va pas en donner un différent la 1001e.
Et pour l'anecdote, au moment où il produit cet exemple dans les années 50, Popper se réfère effectivement au fait que, pour la première fois, un cygne noir venait d'être observé au Japon, fracassante découverte ornithologique à l'époque.
La réponse de Popper au problème logique posé par Hume est donc celle-ci :
Certes, le fait que je n'ai jamais observé empiriquement
que des cygnes blancs ne peut jamais m'assurer que la théorie T = [tous les cygnes sont blancs] est vraie.
En revanche, si
une seule fois, j'observe un cygne noir, alors je sais que la théorie T = [tous les cygnes sont blancs] est fausse.
En logique propositionnelle, ça se traduit ainsi :
si T alors q (cf la table de vérité de l'opérateur "si...alors") :
Lorsque q est vrai, T peut être vrai
ou faux (méthode vérificationniste)
Mais lorsque q est faux, T est
toujours faux (méthode faillibiliste).
Voila donc pour le modèle faillibiliste : Popper a pu présenter une solution logique qui réponde au problème de l'induction de Hume, et qui fonde objectivement le critère de validité de la connaissance scientifique, selon le fameux mot d'ordre : "Une théorie scientifique est un énoncé réfutable".
Mais comme tout a un prix, il y a une conséquence désagréable : prendre la réfutabilité comme critère de scientificité, c'est, de manière très contre-intuitive, accepter que toute théorie scientifique est, non pas vraie, valide, objective, et tout le tintouin, mais qu'au contraire, elle est forcément
fausse.