Voilà une excellente question !
Il semble que l'alcool soit aussi ancien que la civilisation. La bière, la boisson alcoolisée la plus répandue, était connue à Sumer il y a 8000 ans. La fermentation aurait été découverte par hasard dans les cultures d'orge, et se serait répandue par la suite sur le pourtour méditerranéen.
L'
Epopée de Gilgamesh mentionne la bière parmi les aliments de choix des festins.
Ensuite, je cite Wikipedia :
Citer :
Arrivée depuis la Babylonie, la « sikaru » renommée « zythum » (dont la traduction littérale est vin d'orge) fut très appréciée des Égyptiens. Selon la légende, le brassage fut enseigné par le dieu Osiris, symbole de l'agriculture, et bénificiait de la protection d'Isis, la déesse de l'orge. Ramsès II, que l'on surnommait le pharaon brasseur, contribua positivement à l'implentation durable de la bière et à la pérennité des toutes premières brasseries. À cette époque, le moût était mis à fermenter dans des pots de terre semi-enterrés.
En plus de ses qualités nutritionnelles, la bière était également utilisée de façon médicale contre les migraines et certaines infections. Les femmes l'utilisaient comme produit de beauté pour leur peau.
En Grèce, la bière est toufois une boisson du pauvre comparée au vin. Celui-ci est apparu plus tardivement : la vigne a été plus longue a domestiquer. On suppose qu'on aurait commencé à la faire fermenter vers le VIe millénaire av. JC dans le Caucase et en Mésopotamie, mais la première représentation des procédés de vinification est le fait des Égyptiens, remontant au IIIe millénaire avant Jésus Christ (sur des bas-reliefs représentant des scènes de pressurage et de vendange, datant de 2500 av. J.-C.).
Le vin, probablement à cause de sa couleur, est associé très tôt aux mystères de la religion. En Grèce, il est l'ingrédient principales des fêtes de Dyonysos. L'état d'ivresse est considéré comme en relation avec les dieux : peut-être est-il rapproché de la folie des guerriers sur le champ de bataille. Du reste, il est très courant que les guerriers méditerranéens se saoûlent avant de partir à la bataille.
Il n'est pas étonnant qu'il soit également présent dans le rite chrétien, en tant que figuration du sang de Jésus. Il devait tenir déjà ce rôle dans des religions plus anciennes. Le culte semblable à celui de Dyonysos étaient répandues autour de la Méditerranée.
L'islam a dès le départ une approche très ambivalente du vin. Le Coran en parle plusieurs fois, dans des termes pas vraiment cohérents :
Le Coran a écrit :
Sourate 2, la Vache
219. - Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasard. Dis : "Dans les deux il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens; mais dans les deux, le péché est plus grand que l'utilité".
Sourate 5, la Table Servie
91. Le Diable ne veut que jeter parmi vous, à travers le vin et le jeu de hasard, l'inimité et la haine, et vous détourner d'invoquer Allah et de la Salat. Allez-vous donc y mettre fin?
Sourate 16, Les Abeilles
67. Des fruits des palmiers et des vignes, vous retirez une boisson enivrante et un aliment excellent. Il y a vraiment là un signe pour des gens qui raisonnent .
Sourate 47, Mahomet
15. Voici la description du Paradis qui a été promis aux pieux : il y aura là des ruisseaux d'une eau jamais malodorante, et des ruisseaux d'un lait au goût inaltérable, et des ruisseaux d'un vin délicieux à boire, ainsi que des ruisseaux d'un miel purifié. Et il y a là, pour eux, des fruits de toutes sortes, ainsi qu'un pardon de la part de leur Seigneur.
Toujours est-il que la prohibition du vin ne fut -comme de juste- jamais appliquée à la lettre. Dignes héritiers des souverains persans et byzantins, les califes ne répugnaient pas à boire du vin : n'était-ce pas un avant-goût du paradis ? Cela ne les empêchait pas d'appliquer au peuple les lois édictées par les jurisconsultes, qui proscrivaient le vin (et, suivant les époques, d'autres boissons alcoolisées). Très souvent, l'interdiction se limitait à la vente d'alcool, confiée aux Chrétiens, aux Juifs, et aux bandits, qui tiennent les bouges où les bonnes gens se ruent pour passer leurs soirées (comme dans les livres de Naguib Mafhouz, tel
le chant des gueux). L'ivresse sur la voie publique pouvait également valoir la bastonnage.
Une théorie de Malek Chebel, dans son excellent
Anthologie du Vin et de l'ivresse en islam est que la conjonction d'interdits et de sacralité ait tant intrigué les Arabes qu'elles les a amenés à développer la chimie de l'alcool, et à inventer l'alambique. Ces deux derniers mots sont d'ailleurs arabes. Outre la fabrication de parfum, l'alambic servait aussi à explorer la chimie de l'alcool (à l'époque, c'était bien l'alchimie), et on peut voir dans la recherche de la pierre philosophale une tentative de transposition de la fermentation à des matières nobles.
Au IXe siècle, le médecin Rhazès, dans son traité de
Médecine spirituelle, dit qu'il est bon pour la santé de consommer régulièrement du vin avec modération (la science moderne lui a totalement donné raison).
Fascinés par le liquide rouge, les poètes arabes sont si nombreux à chanter les louanges du vin qu'on crée une branche de la littérature rien que pour eux : ce seront les Poètes du Vin, parmi lesquels on compte les meilleurs : Abou Nouwas, Omar Khayyam...
De même, certains soufis chercheront à atteindre l'extase mystique dans l'ivresse.
Les Turcs n'appliqueront pas non plus rigoureusement l'interdiction, au point que Chirkou, le premier chef capable de résister aux Croisés, succombe à un coma éthylique après sa plus grande victoire - et la nuit de beuverie qui a suivi.
Il y a encore beaucoup de choses à dire, notamment comment les moines du Moyen-Age ont maintenu et perfectionné les traditions vinicoles. Mais je vais laisser la parole à d'autres plus qualifiés.