J'ai trouvé cet article dans le très sérieux Bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie nationale, n° LXVII, janvier 1810. Je n'ai pas pu photographié la planche, mais on y voit un gros tibia servant d'agrafe entre deux pierres...
Note sur l’emploi des tibia de bœuf dans le scellement des parements en pierres de taille, par M. Vesian, capitaine au corps impérial du Génie, communiquée à la Société d’encouragement par M. de Recicourt.
On sait depuis longtemps que l’emploi du fer dans le scellement des agrafes qui lient les pierres de taille en parement a le grave inconvénient, surtout à la mer, de faire éclater ces pierres au bout d’un très court espace de temps. Cet effet résulte de l’augmentation de volume qu’acquiert le fer en s’oxydant. Les constructeurs ont cherché des moyens d’unir les pierres entre elles sans agrafes. Plusieurs ont assemblé des pierres à tenons ronds ou carrés et mortaises ; d’autres ont isolé ces tenons, et les ont faits à double queue d’aronde, etc. L’expérience a démontré que la mortaise pratiquée dans la pierre l’affaiblissait trop, et que le tenon n’avait jamais assez de solidité pour résister aux efforts qui peuvent être faits contre le parement d’un mur, tels que ceux du choc des lames d’eau dans les constructions hydrauliques. Il a donc fallu en revenir au système des agrafes avec scellement ; mais quelle matière employer pour ces agrafes ? Les métaux qui ont assez de force sont presque tous susceptibles de s’oxyder, le bois peut s’altérer de beaucoup de manières ; on pourrait, il est, vrai le durcir par le procédé de M. Migneron ; mais, pour qu’une agrafe puisse résister à toute espèce d’effort, il faut qu’elle soit plus solide que les pierres mêmes qu’elle a pour objet d’unir. On a donc pensé avec raison que les os, qui résistent à de grands efforts dans l’emploi de la force des animaux dont ils sont la charpente, réuniraient pour agrafes la solidité à l’inaltérabilité. Le tibia de bœuf a la longueur et la grosseur convenables, et forme les deux extrémités de queue d’aronde qu’exige d’assemblage. Après avoir, pour sceller ces agrafes, posé deux pierres de taille, on pratique sur leur lit supérieur et leur jonction une mortaise à double queue d’aronde perpendiculaire au joint (voyez planche). On y incruste le tibia ; puis on y coule, soit du soufre, soit un mélange de résine et de cendrée. Celui-ci s’emploie le plus ordinairement dans les travaux à la mer. L’expérience a confirmé les résultats présumés par l’analogie dans plusieurs ouvrages exécutés ainsi depuis un grand nombre d’années à Saint-Martin, en l’île de Ré, ainsi qu’à La Rochelle. La solidité qu’ils conservent encore prouve que l’emploi des agrafes en tibia de bœuf réunit à la force une inaltérabilité à l’épreuve du temps. A Saint-Martin, en l’île de Ré, l’éperon a été exécuté avec agrafes en tibia scellés en soufre. A la Rochelle, plusieurs ouvrages à la mer ont été construits de même ; savoir, il y a encore vingt-huit ans, le batardeau entre la porte Dauphine et la porte Neuve ; il y a vingt-un ans, l’éperon de la porte des Moulins ; il y a près de quinze ans, une partie du revêtement de la cunette du fossé de l’ouvrage à cornes. Tous ces ouvrages sont encore intacts, et les parements sont dans le meilleur état possible. On a voulu cependant s’assurer si cette solidité était véritablement due aux tibias ; et, dans plusieurs démolitions qu’on a été obligé de faire, on a trouvé que les tibia qui avaient été posés dans un bain de soufre, ainsi que leur scellement, n’avaient éprouvé aucune altération (1).
Note sur le scellement de la Pierre avec les Os, par M. Mollard. L’idée de faire servir au scellement des pierres les parties solides des os des animaux me paraît fort ancienne. On en trouve la preuve dans la corniche de l’encadrement d’un bas relief placé contre le trumeau des fenêtres du vestibule de l’ancien réfectoire du prieuré de Saint-Martin, faisant partie des bâtiments affectés au Conservatoire des Arts et Métiers. La partie la plus saillante de cette corniche est composée d’une pierre rapportée que l’on avait fixée avec un mortier et des os de moutons. J’ai l’honneur de mettre sous les yeux des membres de la Société un fragment de cette corniche, où le joint des pierres qui la composent est mastiqué et scellé avec deux os, et offre la plus grande solidité. Il est à remarquer que cette partie de la maçonnerie était placée dans un rez-de-chaussée, près d’un lavoir qui y entretenait beaucoup d’humidité.
(1) Nous avons appris que M. Vignon, architecte, chargé de la construction du temple de la victoire, se proposait d’employer en agrafes liant des pierres de cette construction, du bois durci et préparé par le procédé de M. Migneron ; mais peut-être les tibias de boeuf, d’après les résultats d’une assez longue expérience, seraient préférables.
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