Au moment des événements, j’étais dans mon berceau ; ou plutôt, dans mon lit : à 20h, fallait être couché.
J’ai découvert Mai 68, dix ans après le mois de mai de l'année 1968.
Aujourd’hui encore, mais... trente ans plus tard, je serais bien en peine d'en partager le ressac, les remous, les tourbillons et d’accompagner le retour des tous les enfants prodigues en commentaires de toutes sortes sur cette époque, à leurs yeux, bénite entre toutes les époques.
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Je pense aux discours qui ont été tenus et qui ont continué d'être débités ici et là, jusqu‘au début des années quatre-vingt ; je pense aussi à ceux qui les faisaient et les dé-faisaient tous ces discours, au gré des circonstances et de leurs humeurs.
Ceux qui ont tenu le haut du pavé, sont allés exercer leur talent dans la publicité, à la radio, à la télé ou bien, dans des journaux qui n'étaient pas toujours révolutionnaires, dans des gouvernements aussi ; des gouvernements de centre-gauche ; et puis fatalement, des gouvernements de droite, les jours de vaches maigres.
Comble de paradoxe, et parce que le ridicule ne tue plus, d'autres encore ont fini chez les curés (ou les rabbins !) : "Après moi............ chacun pour soi et Dieu pour tous !"
D'aucuns verront là une tentative d'y trouver son salut, rédemption incluse, au terme d’un engagement illusoire, et/ou d'un fourvoiement jugé, après coup, vraiment trop indigne.
Quoi qu'il en soit, tous ces convertis défroqués puis, reconvertis, dirigeaient des groupuscules dits d’extrême gauche (non, on ne ricane pas !). Je pense, en particulier, à la fameuse nébuleuse appelée "Gauche prolétarienne", entre autres groupuscules fameux et inconnus.
Après Mao........................... Dieu.
Soit.
Ah ! Ces gauchistes alors ! Toujours en quête d’absolu ; toujours à la recherche d’un chef, d‘un capitaine ou d‘une mère maquerelle à qui remettre la caisse et les clefs en fin de journée.
A tous ces mercenaires, seul le pouvoir économique semble avoir échappé aujourd'hui. Rien de surprenant à cela : on ne badine pas avec les dilettantes qui n‘y ont pas leur place car, foin des discours et de la limonade, dans ce milieu, on ne considère que les résultats : on vous jugera donc sur votre efficacité seule.
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Lame de fond ouvrière sans précédent (9 à 11 millions de grévistes), en Mai 68, des langues se sont déliées, des carrières et des vies ont été brisées pour ceux qui, en poste, ont pris quelques risques, dans le privé comme dans le public ; des vestes ont été retournées aussi.
Des jeunesses ont été gâchées, d'autres perdues : on aura abandonné ses études pour poursuivre le beau rêve de Mai et ses leaders charismatiques.
Après Mai 68, on a fait un peu plus l’amour : les femmes notamment.
On n’a plus fait la guerre. C'est vrai ! D’autres s’en sont chargés, sous d’autres tropiques, ailleurs, loin.
Certes, on a mieux vécu après Mai 68 qu’avant : des OS de chez Renault ont pu gagner un peu plus en travaillant un peu moins. C’était toujours ça de pris ; même si leurs fils et filles ne sont pas allés, pour autant, au lycée, à l’Université et dans les grandes écoles ou bien, dans des filières qui comptent vraiment, pour y réussir...
Et puis d'autres enfants encore, fruits d'une immigration de fin de guerres coloniales, d'indépendances et de travail. Ce peuple, alors invisible, a-t-il partagé l'esprit de Mai ? L'a-t-il seulement touché, sinon effleuré ?
En mai, on a interdit d’interdire, avant de jeter le bébé avec l’eau du bain ; la culture savante, dénoncée comme bourgeoise, a fini par raser les murs, tête baissée...
Et le divertissement est arrivé, tête haute, triomphant sans conteste, Sylvester Stallone se voyant remettre les insignes de chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres par un Jack Lang amusé ; Renaud et Guillaume Durand (chanteur et animateur de télé au vocabulaire de 300 mots), pour tenter de nous faire oublier Léo Ferré, Maurice Clavel et leurs contemporains.
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Une chose est certaine : les entrepreneurs de spectacles ne viendront pas nous vendre l’égalité des chances, la liberté et la fraternité, ni nous parler de la réalité et de la vérité des faits, des choses et des évènements de la condition humaine. Et pas d'utopie ni de théorie critique fumeuses non plus.
Nul doute : ces producteurs-là seront tous irréprochables parce que... intègres ; et intègres parce que... sans projet...
Pour les siècles des siècles.
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Mais alors ! A qui les générations qui nous succéderont, demanderont-elles des comptes ?
Et sur quoi ?
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P.S
Bien sûr, les événements de Mai ont permis à la société française de combler le retard accumulé sous de Gaulle dans le domaine de la libération des moeurs, sans oublier les "usages" et les droits en vigueur dans l’entreprise, dans les universités, la famille : leur abandon ou leur réforme.
Néanmoins, distinguons le Mai des ouvriers et le Mai d’une jeunesse étudiante appartenant à un milieu privilégié. Les aspirations toutes légitimes de cette jeunesse nous ont tout de même conduits vers cette société du divertissement qu’est la nôtre aujourd’hui avec sa haine envers quiconque refuse de s’amuser ou bien, quiconque n’en a pas les moyens ; haine de l’échec aussi.
Et si, du côté des étudiants, ce mouvement avait été totalement A-politique ?
Un mouvement qui dans sa grande majorité, n’entendait rien à la politique puisque la jeunesse de Mai en était exclue ; mouvement individualiste, hédoniste et matérialiste aussi : penchants qui, à l’âge adulte, exigent des revenus confortables.
Ce qui expliquerait bien des comportements quelques années plus tard et tout au long des années 80 et 90.
Souvenons-nous de l’expression ironique (sinon tragique) : "Et dire que ça a fait 68 !"
A suivre... (to be continued)
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