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 Sujet du message : Entrecotes et côtes de boeuf
Message Publié : 14 Déc 2023 10:02 
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Philippe de Commines
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Je me demande depuis quand les français consomment ces pièces de viande aujourd'hui morceaux les plus prisés des amateurs... J'ai lu que la consommation de bœuf n'était, jusqu'au XIX e-XXe, pas prisée en France ( alors que les anglais en étaient friands).

On rangeait cet animal parmi les viandes « grossières » à la différence de la volaille et des oiseaux, considérés comme les chairs fines. Au XVIIIe siècle, cette représentation prévalait encore. On prête par exemple à Rousseau d'avoir dit que les Anglais étaient un peuple grossier parce qu'ils mangeaient de la viande rouge. Michelet les appelle en 1834 les « hommes rouges », « peuple de bouchers ». Outre-Manche, le bœuf était effectivement valorisé. L'élevage était une pratique aristocratique qui donnait lieu à des concours où étaient désignées les bêtes les plus grasses.

En France, les races dites aujourd'hui « à viande » étaient à l'origine sélectionnées et développées pour le travail, pas pour être mangées. Elles sont donc musculeuses et n'ont pas naturellement le gras, la tendreté, le goût des races anglaises. Aussi privilégiait-on une cuisson longue, type pot-au-feu, quand les Anglais, eux, rôtissaient leur viande, la poêlaient ou la grillaient. Ce n'est qu'au XXe siècle, et plus encore après la Seconde Guerre mondiale, que le modèle anglo-saxon du bifteck grillé s'est imposé, comme symbole de la prospérité retrouvée...

Mais si on considère que la partie avant de l'animal est vouée aux cuissons longues, bouillies ou en sauce, alors que l'arrière est, aujourd'hui, dédié à la grillade, depuis quand consomme t'on ces morceaux "nobles" en grillafe ? Témoignage personnel, je n'ai pas souvenir que dans ma famille on ai consommé des côtes de bœuf avant les années 80-90 ( le rosbif du dimanche ou le bifteck "bien tendre" étaient privilégiés)... Ni dans le cinéma, ni en littérature, je n'ai trouvé témoignage de consommation de ces morceaux grillés...

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Message Publié : 14 Déc 2023 19:18 
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Il est faux de considérer la partie avant du boeuf comme des morceaux à bouillir ou à braiser, il y a d'excellents morceaux à steacks. Mon père était boucher et j'ai moi même un BEP en boucherie, on peut tirer des steacks ou des rotis un peu partout, même dans les morceaux durs qu'il suffit de trancher fin une fois cuits. Les Rosbeefs des restaurants sont principalement faits dans ces morceaux. Seuils les morceaux nerveux comme le jarret ne peuvent pas donner de steacks.

Maintenant pour le reste, le boeuf était rare parce qu'il servait aux labours et aux travaux agricoles, on les sacrifiait quand ils étaient trop vieux, et c'était donc de la viande usée, juste bonne à bouillir. J'ai vu ça avec le zébu de Madagascar dont j'avais importé quelques dizaines de tonnes, à par le filet, tout partait en bourguignon, faux filet, tranche, tranche grasse, tout.

Il a fallu attendre le XVIIIè siècle pour voir des convois de boeufs qui partaient du Charolais à pattes, bien sûr, qui était mis à l'engrais autour de Paris. Le Charolais est bon marcheur, ce qui a fait sa réputation. Je trouve que la viande de cette espèce est assez grossière, le connaisseur le voit tout de suite, la blonde d'Aquitaine ou la Limousine sont infiniment supérieure, ou si on va dans l'est, on peut trouver de la Simmental. Il y avait aussi des arrivages de Normandie, pour les mâles du moins, les vaches donnant le lait ou on fabricait le beurre et le fromage qui, eux aussi, mirent du temps à être régulièrement sur les tables.

Il y avait aussi un important marché de veaux, car on ne pouvait garder tous les mâles pour l'engrais. Mais j'ignore malgré mes recherches de quelles façons étaient séparés les morceaux. Les Allemands ont des techniques différentes, et les Américains sont perdus s'ils n'ont pas une scie électrique et j'appelle ça massacre à la tronçonneuse.

A mon avis, la côte de boeuf devient à la mode en même temps que celle du barbecue. Désossée, elle donne l'entrecôte qui est plus pratique à cuisiner, surtout avec une sauce bourguignonne ou bordelaise.

Alors, pour les morceaux à griller, sauf caste noble ou bourgeoise, pas avant le XIXe siècle, tout en considérant que l'ouvrier mangeait rarement chez lui, mais dans une gargotte qui faisait du plat à pas cher. Le petit déjeuner préféré du Parisien au XVIIIe et une partie du XIXe était un bol de tripes que d'accortes tripières vendaient dans les rues. La fabrication et la vente étaient fort réglementées.

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Message Publié : 15 Déc 2023 11:39 
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Philippe de Commines
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j'ai schématisé : les morceaux à bouillir et à braiser en cuisson longue sont majoritairement à l'avant et les pièces à cuisson courte, en grillade, majoritairement à l'arrière.

Je suis d'accord sur l'usage du bœuf, pour les travaux des champs, le lait, la reproduction, qui ne permet pas d'en manger tous les jours. Cependant, à la même époque les anglais en consommaient beaucoup plus. Et la désaffection des français (y compris parmi les élites) pour cette viande semblait bien réelle.

Sur la découpe de l'animal, c'est vrai que le boucher français est un chirurgien quand l'américain coupe la bête en tranche sans se soucier, pour le t-bone si le filet requiert le même temps de cuisson que le faux-filet...

Enfin sur la consommation de viande grillée en France, je pense qu'elle se généralise dès les années 50 (cf les vidéos de Raymond Oliver sur INA) alors que le barbecue, lui, se répand dans les jardins et camping plutôt à la fin des années 70...

Sinon, sur la consommation spécifique des côtes, je viens de recevoir l'histoire de l'alimentation de JL Flandrin : au XVIIe, les cuisiniers la cuisaient en papillote avec force sauce, qui devait adhérer à la chair !

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Message Publié : 15 Déc 2023 13:33 
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Vous avez aussi cet ouvrage qui relate les évolutions des goûts culinaires et que j'ai trouvé très bien:

Image


Et celui-ci du même auteur:

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Message Publié : 15 Déc 2023 15:22 
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Salluste
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Il a fallu attendre le XVIIIè siècle pour voir des convois de bœufs qui partaient du Charolais à pattes, bien sûr, qui était mis à l'engrais autour de Paris.
Que veut dire "mettre à l'engrais" ? Quelque chose comme emmener les bœufs là où on veut enrichir la terre ?


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Message Publié : 15 Déc 2023 15:41 
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Philippe de Commines
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Jean-Marc Labat a écrit :


Et celui-ci du même auteur:

Image

J'ai celui-ci mais pas encore lu...

Sinon j'ai reçu aussi celui-ci :

Pièce jointe :
71Pt8LppCnL._SL1500_.jpg
71Pt8LppCnL._SL1500_.jpg [ 125.63 Kio | Consulté 3340 fois ]


Je vais le parcourir et j'en parlerai ici si j'ai du nouveau :wink:

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Message Publié : 15 Déc 2023 16:25 
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Ah, je crois que je vais me laisser tenter par celui que vous proposez.

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Message Publié : 15 Déc 2023 16:27 
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supertomate a écrit :
Citer :
Il a fallu attendre le XVIIIè siècle pour voir des convois de bœufs qui partaient du Charolais à pattes, bien sûr, qui était mis à l'engrais autour de Paris.
Que veut dire "mettre à l'engrais" ? Quelque chose comme emmener les bœufs là où on veut enrichir la terre ?


Non, mettre à l'engrais est mettre les bêtes au pré pour les engraisser avant l'abattage. Après une marche de plusieurs centaines de kilomètres, elle avaient perdu du poids.

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Message Publié : 15 Déc 2023 16:44 
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Sinon, vous avez ce petit ouvrage de 1851 qui relate l'histoire de la boucherie à Paris et sa situation au milieu du XIXème siècle. Vous y trouverez d'intéressantes statistiques sur le nombre de bêtes abattues ainsi que les principaux marchés aux bestiaux des alentours de la capitale.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... rk=21459;2

Ou celui-ci, un guide du marché aux bestiaux et de l'abattoir de la Villette:

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... rk=42918;4

Ce fameux abattoir qui fit scandale lors de sa reconstruction dans les années 60. La décision avait été prise dès les années 50, et je peux vous dire que ce n'était pas du luxe. Seulement, ceux qui avaient pensé la reconstruction n'avaient pas prévu une chose. Les camions furent équipés de groupes frigorifiques, et le transport des carcasses revenait infiniment moins cher que le transport d'animaux vivants destinés à être abattu à la Villette. D'où l'échec retentissant de celui-ci.

Je joins aussi le règlement de la boucherie de Joigny au XVème siècle, vous y constaterez que c'est très encadré.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... rk=42918;4

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Message Publié : 23 Déc 2023 14:36 
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J'ai trouvé ce livre dans ma bibliothèque qui devrait apporter des réponses, mais je n'en ai qu'un souvenir très flou, il faut que je le relise:

Image

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