Christique a écrit :
J'essaie également de faire l'évolution de ces proportions et les raisons de cela. Par exemple, dans un article paru dans une revue (trouvée sur scholar), j'ai lu que le persan avait 25 à 30% de mots issus de l'arabe au X-XIe siècle et 50% au XIIIe.
Pour comprendre, il faut s’intéresser à l’histoire de la littérature persane.
Au Xe siècle, le prestige du califat abbasside est sérieusement entamé. Baghdad est même occupée par une dynastie d’origine daylamite.
Or, pour maintenir son propre pouvoir, l’aristocratie iranienne (plutôt terrienne et féodale) cherche à se dissocier de la culture arabe, qui est perçue comme décadente. Il y a donc un retour à la tradition pré-islamique.
Les poètes explorent des thèmes chers à cette élite : la nature et les saisons, la chasse, la guerre, les banquets et les plaisirs de la vie. Il s’agit du «
style du Khorassan ». Les œuvres sont composées dans un langage simple et sans ambages.
Aux XIe et XIIe siècles, les hordes turques prennent le pouvoir, dont le siège passe de Boukhara, la capitale des Samanides, à Ghazni. Les féodaux iraniens sont mis de côté, tandis que les seigneurs de guerre turcs gouvernent depuis les villes.
La littérature devient œuvre de propagande au service des nouveaux maîtres. La poésie panégyrique connaît un essor fulgurant. Les compositions se veulent désormais érudites et sophistiquées. La littérature arabe sert de modèle et de nombreux mots arabes sont injectés dans le vocabulaire persan. Il faut s’approprier la gloire passée du califat et se présenter comme un légitime défenseur de Baghdad.
Ces tendances se maintiennent après la dissolution de l’empire seldjoukide : de multiples principautés rivales apparaissent.
En réaction au despotisme et à la corruption de ces seigneurs turcs, deux puissants nouveaux genres littéraires apparaissent : le roman courtois et la poésie mystique. L’expression individuelle s’affirme. Les thèmes deviennent plus humains et sentimentaux : on parle d’amour, de séparation... C’est la naissance du «
style irakien ». On se débarrasse des archaïsmes iraniens et on remplace par des mots arabes plus à la mode chez « la classe moyenne » des villes.
Le poète renonce au luxe grossier de la cour, il devient un soufi. L’immense Nezami ne quitta qu’une seule fois sa petite ville natale de Gandja... sur les ordres de l’Atabeg Qizil Arslan, qui, passant à quelques kilomètres, avait exigé une rencontre !
Bref! Les manuels abordant la littérature persane expliqueront tout cela bien mieux que moi
Quant aux autres langues iraniennes, elles contiennent moins d'emprunts à l'arabe parce qu'elles n'étaient pas le véhicule de l'expression littéraire des cours turques. Ce n'est que plus tard, sous l'influence du soufisme, que les mots arabes irriguent ces langues (via le persan): Ehmedê Xanî (en kurde), Rahman Baba (en pachto)... Il y a aussi sûrement des informations intéressantes dans
Oral Literature of Iranian Languages (I.B. Tauris) et
The Iranian Languages (Gernot Windfuhr).