ghjattuvolpa* a écrit :
Déjà appliquer le concept de nation dans l'antiquité est osé. Pas sur que les contemporains utilisaient cette idée. On utilisait polis, civitas, civis mais de nation point.
Le mot "nation" existait en latin (
natio), mais il désignait un peuple au sens le plus large du terme. Tacite, dans son ouvrage sur la
Germanie, désigne par le mot "nation" tantôt l'ensemble des Germains, tantôt des peuples rassemblant plusieurs tribus, tantôt des tribus. Cela montre qu'il ne s'agissait pas d'une notion clairement définie. Le concept juridique de la "nation" tel que nous l'entendons aujourd'hui a été mis au point aux XIXe et XXe siècles. Par conséquent, il paraît peu prudent de l'employer avec un sens identique pour les périodes antérieures. C'est à mes yeux l'une des raisons pour lesquelles le concept de génocide appartient au XXe siècle et ne peut en aucun cas être transposé dans les périodes plus anciennes : il a été élaboré à partir de notions très précises qui correspondent à la réalité du XXe siècle.
homoioi a écrit :
Au temps des guerres médiques, à l'époque ou "les barbares" menaçaient la "civilisation" grecque, où Sparte s'alliait à Athènes, voilà que les Thébains préfèrent s'allier aux Perses... Pourquoi ? Par pur intérêt personnelle pour la cité. Le message est clair : les Grecs peuvent crever, tant que Thèbes brille de mille éclats ça n'a pas d'importance. Où est la nation hellène là-dedans ? Nulle part. Les Thébains ne l'ont jamais regretté, et ça n'a pas empêché les Spartiates puis les Athéniens d'essayer de s'en faire des alliés par la suite...
L'idée de nation hellène est bien belle, mais dans les faits c'est autre chose.
Attention, vous partez du principe qu'une nation est forcément indivisible. Cela me paraît contredit par de nombreux exemples historiques, à commencer par l'ensemble des guerres civiles. Les conflits d'intérêt au sein d'une même nation, les "traîtres", ça existe. Par exemple, en France, entre 1940 et 1945, tout le monde n'a pas fait le choix de résister à l'envahisseur allemand.
Bien que j'aie déjà lourdement insisté sur le problème que pose l'application de notions récentes à l'Antiquité, l'idée de rassembler les Grecs dans une même "nation" ne me paraît pas si saugrenue que cela, car les Grecs avaient le sentiment d'appartenir à un même peuple, partageant les mêmes dieux, les mêmes mythes fondateurs (les épopées homériques, etc), la même langue, le même mode de vie (guerre, sport, etc). Les Grecs allaient consulter les mêmes oracles, participaient à des compétitions sportives communes, avaient le même système de valeurs et ainsi de suite. Enfin, pour les Romains, les Grecs représentaient un seul et même peuple, à l'image des Gaulois, des Germains, des Sarmates et des Parthes.