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Message Publié : 09 Mars 2013 6:51 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon
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Mon cher René, partez seul ! Pourquoi attendre quelqu'un d'autre? Voyager en solo est la meilleure école qui soit. On se retrouve face à soi-même, on est libre, on se découvre sous un jour nouveau. Et on s'ouvre beaucoup plus à l'Autre, car cet Autre est notre seul contact. D'ailleurs, on ne fait jamais autant de rencontres que quand on voyage seul...


Pour rester sur cette région de l'Asie centrale, je me dois de mentionner le "couple du siècle" qui, sans être pour le moins du monde amoureux, ont traversé les immensités du Turkestan chinois en 1935, à l'époque des seigneurs de la guerre et de l'anarchie qui en découlait, des révoltes locales, de l'influence soviétique sur cette région...
Je veux bien sûr parler d'Ella Maillart et de Peter Fleming..

Image

Elle : Suisse, touche-à-tout (voyageuse, skieuse, journaliste-écrivain, navigatrice), sans doute avec David-Néel la plus grande voyageuse du XXème siècle.
Lui : Anglais, frère de Ian Fleming (le créateur de James Bond), un talent littéraire énorme, sans doute agent de renseignement du MI6.

De ce voyage commun à travers les steppes, les déserts et les montagnes, ils nous ont chacun laissé un livre :

ImageImage

Chine, 1935. Une demoiselle intrépide et un jeune Anglais ami des grands chemins, bloqués à Pékin par la guerre civile, décident de rentrer au pays en traversant sans visa - et presque sans bagages - les déserts d'Asie centrale. Ce périple insensé à travers l'une des régions les moins explorées du globe vaudra aux lecteurs européens deux chefs-d’œuvre de la littérature voyageuse. La demoiselle s'appelle Ella Maillart, son livre Oasis interdites passe aujourd'hui pour un classique. Le jeune homme a nom Peter Fleming et se trouve être à vingt-huit ans l'un des meilleurs écrivains de sa génération. Courrier de Tartarie est aujourd'hui considéré comme un livre-culte par tous les amateurs de littérature voyageuse.

Plus que le livre d'Ella Maillart, pourtant magnifique, je conseille celui de Peter Fleming, écrit avec un style et un humour inimitables. Assurément l'un des plus grands livres de littérature de voyage jamais écrit. Et, last but not least puisque nous sommes sur Passion-Histoire, on y trouve une véritable étude de la situation locale, des révoltes des tribus, des tentatives chinoises pour garder ce territoire, de l'influence soviétique grandissante, du Grand jeu entre Russes et Britanniques...

A ce propos, j'ai trouvé cet article intéressant qui aborde la question et montre que la littérature de voyage actuelle est peut-être devenue trop simpliste, trop manichéenne :

Xinjiang, années trente : Ella Maillart et Peter Fleming

Il faut relire les récits de voyage d'Ella Maillart et de Peter Fleming. Ils ont traversé ensemble la Chine en 1935 pour aller voir "ce qui se passait" dans le Xinjiang, sur quoi couraient toutes sortes de rumeurs. Un Anglais et une Helvète, bel attelage pour traverser les déserts et essayer d'approcher les seigneurs de la guerre turcophones ou autres.

Les deux livres sont disponibles en français sous les titres de Courrier de Tartarie, de Peter Fleming, et d'Oasis interdite d'Ella Maillart, l'un chez Phébus l'autre chez Payot.

Ce que je voudrais mettre en lumière aujourd'hui, à propos de ces récits de voyage, c'est le chapitre qu'ils consacrent tous deux à la situation géopolitique de la région. Prenons-en de la graine, nous qui prétendons écrire de la littérature du voyage. Qui fait encore l'effort de comprendre, de chercher, de mettre en ordre, de mettre en perspective ? Chacun à leur manière rappellent l'histoire ancienne et la présence de la Chine dans cette région depuis plus de deux mille ans. Ils rappellent rapidement les invasions, les révoltes, les empires, les républiques auto-proclamées, les intérêts des grandes puissances entourant la région.

Cela me paraît à des années lumière de ce que nous lisons depuis, dans les récits de voyage et dans les reportages de journalistes. Aujourd'hui, la tendance est à la simplification pour raison humanitaire. On veut défendre les droits des Ouïghours, et on décrit une situation claire comme de l'eau de roche, comme ici sur le blog de Sylvie Lasserre, consacré à l'Asie centrale : "Depuis 1949, date de l’occupation de leurs terres par la Chine communiste, les Ouïgours assistent impuissants à la colonisation han." L'image est simple et fausse : autrefois les turcophones vivaient libres sur "leurs terres", et soudain, en 1949, la vermine communiste est venue envahir tout cela.

Tous les récits de voyage dans la région que j'ai lus vont dans ce sens. Ce n'est pas la dénonciation de la politique de Pékin qui me choque, mais l'alliance étrange qui y est déployée entre l'absence de toute description historique et le rejet pur et simple des Chinois, comme s'ils étaient définitivement des étrangers.

Ella Maillart et Peter Fleming, quand ils parlent de la Chine, ne voient pas d'horribles colons. Et quand ils appréhendent le Xinjiang, ils voient une terre stratégique qui attire l'attention des grandes puissances que sont la Chine, l'Angleterre, l'URSS et même le Japon. Ils voient aussi des chefs de guerre Ouïghours ou Hui, dont les armées et les révoltes sont aussi romanesques que dangereuses. On est loin des images d'Epinal.

Il faut relire Maillart et Fleming pour nous nettoyer l'esprit de l'atmosphère humanitaire et larmoyante qui envahit l'écriture du voyage et du reportage.


http://laprecaritedusage.blog.lemonde.fr/2009/11/27/xinjiang-annees-trente-ella-maillart-et-peter-fleming/

Bon, ce journaliste tombe peut-être un peu dans l'extrême inverse, mais il y a effectivement des choses à méditer dans cet article...


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Message Publié : 21 Fév 2022 16:25 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Bonjour
un petit up sur Annapurna 1950 concernant les livres

J'ai grandi en vénérant Annapurna Premier 8000 dans les années 70, et vingt ans après j'apprends qu'une sourde polémique avait éclaté dès les années 50,
que Lachenal et Rébuffat ont considéré que le livre d'Herzog ne reflétait pas du tout la réalité,
et que les Editions Michel Guérin voulant éditer les Carnets du Vertige de Lachenal (sa prise de position perso sur l'Annapurna)
en sont empêchés par les héritiers de Maurice Herzog (donc l'édition de 1996 part au pilon si j'ai bien compris)
Je crois que les Carnets sont réédités ultérieurement mais caviardés et censurés

J'apprends maintenant la sortie de Rappels, tjrs chez Guérin, qui serait une synthèse des textes de Lachenal non censurés
Mais alors, de quoi s'agit-il ?
les Carnets du Vertige enfin réhabilités et complétés ?
serait-ce alors un doublon si oui ?
et les chanceux qui disposeraient de l'édition 1996 avant le pilon, doivent-ils se procurer Rappels ?

En guettant vos doctes réponses, je vais tâcher de rôder du côté de la Librairie des Alpes, antre magnifique de tout fana Montagne

(au fait, discrètement, de vous à moi, vous savez quel est mon Graal ?
trouver l'immense document (environ 1.5 mètres de haut et 6 ou 7 m de long) d'Helbronner imprimé dans les années 20 : Tour d'Horizon Circulaire depuis le Sommet du Mont Blanc (à partir de ses photos du sommet prises fin 19è siècle);
j'ai passé des heures au Collège à le contempler exposé vers 1974...

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 21 Fév 2022 20:04 
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Je ne sais pas répondre à votre question, si ce n'est que le passage essentiel, censuré par Herzog (il avait obtenu que chaque alpiniste ne publie rien pendant 5 ans sans son autorisation, Lachenal est mort avant, en chutant dans une crevasse de la Vallée Blanche, où il s'est brisé la nuque) se trouve partout : si les éditeurs n'ont pas de mémoire, en revanche Internet n'oublie rien. (pour le meilleur et pour le pire.)

Ce qui est en cause c'est l'épouvantable déroute qui a suivi la victoire - premiers alpinistes au dessus de 8000 m - avec des amputations aux mains et aux pieds pour Herzog, tandis que Lachenal, grand oublié des médias, y laissait ses orteils. Déroute où Lionel Terray et Gaston Rebuffat, très éprouvés eux-mêmes, réussissent de justesse à les redescendre et à les sauver.

Herzog voulait ce sommet pour des raisons de prestige national, et Lachenal le décrit comme halluciné.

Citer :
Nous étions tous les deux éprouvés par l’altitude, c’était normal. Herzog le note pour lui-même. Plus encore, il était illuminé. Marchant vers le sommet, il avait l’impression de remplir une mission et je veux bien croire qu’il pensait à sainte Thérèse d’Avila au sommet. Moi, je voulais avant tout redescendre. […]. Je savais que mes pieds gelaient et que le sommet allait me les coûter. Pour moi, cette course était une course comme les autres, plus haute que dans les Alpes, mais sans rien de plus. Si je devais y laisser mes pieds, l’Annapurna, je m’en moquais. Je ne devais pas mes pieds à la jeunesse française. Pour moi, je voulais donc descendre. J’ai posé à Maurice la question de savoir ce qu’il ferait dans ce cas. Il m’a dit qu’il continuerait. Je n’avais pas à juger ses raisons. L’alpinisme est une chose trop personnelle. Mais j’estimais que s’il continuait seul, il ne reviendrait pas. C’est pour lui et lui seul que je n’ai pas fait demi-tour. Cette marche au sommet n’était pas une affaire de prestige national. C’était une affaire de cordée. C’est tout ce que je voulais dire sur ce sujet.


C'est sur le site de France Culture. (Donc la censure...)
https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/louis-lachenal-ou-la-resurrection-dun-alpiniste-1

Rebuffat aura un commentaire plus cinglant : "Au lieu de perdre ses gants, Maurice aurait mieux fait de perdre son drapeau tricolore." :rool:

Rappelons que pour une première, et même si l'Annapurna n'atteint "que" 8091 m, le hasard a fait qu'il se sont attaqués à un gros morceau : (Dans ces régions encore en blanc sur les cartes, je crois qu'ils ont hésité avec un autre 8000 voisin.)
Wiki a écrit :
Sur la base des chiffres arrêtés à mars 2012, c'est à la fois le « 8 000 » ayant été conquis le moins de fois — 191 ascensions réussies contre 5 656 à l'Everest — et le plus dangereux de tous avec le plus fort taux de mortalité — 32 % contre 26 % au K2 et 4 % à l'Everest


Le nombre de morts à l'Everest est évidemment très supérieur, mais c'est sa fréquentation qui est en cause.

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Message Publié : 22 Fév 2022 8:31 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Pierma a écrit :
je crois qu'ils ont hésité avec un autre 8000 voisin

oui
Dhaulagiri !

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Message Publié : 22 Fév 2022 12:15 
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bourbilly21 a écrit :
Pierma a écrit :
je crois qu'ils ont hésité avec un autre 8000 voisin

oui
Dhaulagiri !

Vi, j'y pensais très fort mais je n'étais pas certain. Merci pour l'info.

Dans leur exploration de cette vallée, ils ont cherché au pied de quel sommet il était le plus facile d'établir un camp de base.

Heu... non. En fait ils ont choisi "le plus facile". Je viens de regarder, le Dhaulagiri n'est pas un cadeau non plus. (pas de regrets, du coup, malgré le lourd prix payé.)
Citer :
En 1950, l'expédition française comprenant Maurice Herzog, Lionel Terray, Gaston Rébuffat, Jacques Oudot, Marcel Ichac, Marcel Schatz, Louis Lachenal, Jean Couzy et Francis de Noyelle est à la recherche d'un « 8 000 » à gravir et le Dhaulagiri est établi comme son objectif initial. Après plusieurs semaines de reconnaissance et d'ascensions exploratoires, les alpinistes ne trouvent pas de voie aisément praticable vers le sommet. Ils se reportent finalement sur un autre sommet, situé 34 km plus à l'est et jugé plus accessible, l'Annapurna I. Entre 1953 et 1959, six autres expéditions subissent des échecs, pour l'essentiel dans la face nord.


Le Dhaulagiri n'a été réussi que dix ans plus tard, donc en 60, après ces 6 échecs de divers expéditions, et dans des conditions curieuses : une dépose par un avion de montagne, un Pilatus. 8-| (Du coup les "summiters", forcément limités sur le poids à charger, on fait le sommet sans oxygène, ce qui m'étonne, pour une première sur un 8000.) La première répétition, cette fois depuis un camp de base, ne réussira qu'en 70.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dhaulagiri
Belle montagne triangulaire, la seule des quatorze 8000 à être située entièrement au Népal. Les autres sont frontalières ou pakistanaises - au Karakoram, comme le K2, le plus difficile de tous - mais il me semble que l'une est entièrement chinoise, ce qui a retardé sa conquête, à cause de la fermeture de la Chine de Mao, ou peut-être parce que celui-ci se réservait la première ascension chinoise.

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Message Publié : 22 Fév 2022 16:29 
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Vous voulez des récits de voyage du temps où voyager était une expédition. Vous voulez connaître un mon à jamais disparu, alors cette collection publiée entre 1860 et 1914 pourra vous intéresser.

Ce sont des fascicules dont j'avais chiné un exemplaire , et je me suis aperçu des années après que la collection avait été numérisée et était disponible sur Gallica, je vous mets le premier tome. Il y a du pique et du carreau, mais il y en a de passionnants:

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... rk=21459;2

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 17 Mai 2022 12:27 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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A propos des explorateurs, un auteur qui en parle très bien est Robert de La Croix. Injustement oublié. Ces ouvrages sont très intéressant.

Entre autres: Histoires extraordinaires de l'exploration, Les disparus du pôle, Mystères des îles, Histoire de la Piraterie, Histoire secrète des océans, Histoires extraordinaires de la mer. Trois de ses dix-huit livres furent couronnés par l'Académie française, et l'ensemble de son œuvre reçut, en 1985, le Prix de la Mer de l'Association des écrivains de langue française.

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