La réponse est globalement impossible pour plusieurs raisons. 1) D'une part, la notion de revenu est ici anachronique : évaluer les rentrées d'argent ne suffit pas pour comparer le niveau de vie car beaucoup de ménages agricoles maintenaient une certaine autoconsommation. 2°Les produits cultivés ont des cours changeant, avec des revenus variables. La vigne rapporte en général bien depuis les années 1850 mais certaines années sont catstrophiques 3° Surtout, les paysans donnent l'impression culturellement d'être une classe homogène alors que la situation sociale est très variable. Les enquêtes agricoles distinguent les propriétaires et les non propriétaires * Il y a les propriétaires exploitants qui ne louent rien, mais ça va de celui qui a 1 ha de huerta dans le Var aux gros céréaliers du Soisonnnois, la grosse masses de ceux qui possèdent mais pas suffisemment et qui doivent louer par fermage ou métayage. Il existe aussi une masse de journaliers ou manouvriers qui ont un peu de terre *La seconde catégorie regroupe ceux qui n'ont rien : de purs métayers (qui peuvent l'être à mi-fruit ou a tiers fruit selon qu'ils payent les dépenses de l'exploitations), les fermiers, les gagés (qui tiennent une exploitation et reçoivent un salaire), les journaliers et toute la domesticité. Il faut également envisager les revenus de complément de ceux qui vont travailler en ville à la morte saison (mais cela devient rare au début du 20e s.) et toute la pluriactivité des zones de montagne (horlogiers du Hauts-Doubs) Toutefois, les historiens sont d'accord pour signaler que le revenu agricole a augmenté au 19e s pour deux raisons : élimination des plus pauvres micropropriétaires , enrichissement des petits exploitants qui ont profité de la baisse des revenus agricoles pour acheter aux grands propriétaires qui se désengagent après 1880 (ils préfèrent investir dans les valeurs mobilières). Cet enrichissement se perçoit à la Belle Epoque par l'habillement, la nourriture (développement des boulangeries, des épiceries), le logement (apparition d'une salle à manger bourgeoisoïde), le temps libre (le café plutôt que la veillée, qui était un travail vespéral et collectif) et surtout l'épargne. De là à comparer avec les ouvriers, c'est à mon avis impossible parce que les ouvriers également ont des revenus dfférents : on ne peut comparer la femme qui renoue les fils dans le textile à l'ouvrier qualifié orfèvre ou bronzier, les fameux "sublimes". Pour aller plus loin, je conseille un excellent livre d'une chercheuse trop tôt disparue : Annie Moulin, Les Paysans dans la société française, Seuil, "Points"
_________________ "Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)
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