Narduccio a écrit :
Vous vous servez de la situation actuelle pour justifier l'action des années 1974-1990 en oubliant simplement que la situation était toute autre. La situation actuelle montre qu'on a du mal à survivre dans un système hybride. EDF se veut une entreprise comme toutes celles qui sont présentes en bourse, sauf que son actionnaire principal lui demande en même temps de dégager un max de bénéfice pour équilibrer ses propres comptes, vendre son produit au prix le plus bas possible et en imposant un tarif maximal sur une part du marché ... tout en faisant semblant de ne pas voir que le jour où le marché sera totalement ouvert, ce tarif maximal disparaîtra ... Et que cela risque de faire du bruit.
Sauf erreur de ma part, c'est exactement ce que je dis... L'intervention de l'Etat affecte les entreprises comme EDF à tous les niveaux, depuis les conditions des prêts jusqu'au choix des tarifs et depuis les choix des matériels acheté jusqu'aux grandes décisions stratégiques. C'est vrai en 1974, en 1984, en 1994, en 2004 et en 2014 (et en 2024).
Le point crucial de ce raisonnement est que les détails du statut juridique d'une entreprise importent peu. A partir du moment où un Etat s'adjuge un droit de regard dans les décisions de la direction, on entre dans un autre type de réflexion. Si l'Etat est en position de monopsome sur les produits d'une entreprise ou s'il a un droit de regard en vertu de question stratégiques d'intérêt national, même s'il possède 0% de cette entreprise, elle devient de facto une entreprise quasi publique.
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Maintenant retournons dans la situation des années 74-90. EDF fait un énorme effort d'investissement. En gros, on construit environ 50 réacteurs nucléaires et on forme les gens qui vont les exploiter. Pour cet effort, EDF aura l'autorisation d'emprunter en dollars sur le marché international (et devra rembourser avec un franc faible ...). Le seul soutient qu'il aura de l'Etat, ce sera une garantie sur le remboursement de l'emprunt. Donc, si EDF faisait défaut, l'Etat s'engageait à rembourser ... Pendant des années, j'ai lu de drôles de choses dans la presse, où les gens qui avaient créé cette situation reprochait à EDF d'être une entreprise publique avec un déficit structurel et qu'il fallait à tout prix réformer ... Chose qu'ils s'abstinrent bien de faire quand ils arrivèrent au pouvoir ...
OK donc on a une stratégie dans la ligne de celle de la recherche publique, un marché financier faussé par les contrôles de capitaux et un accès (potentiel) aux fonds publics... Tout va bien, EDF est une entreprise comme une autre.
il faut bien comprendre ce qu'accéder aux fonds publics veut dire. Ça implique une baisse des taux d'emprunt et — en plus — une augmentation de la tendance à emprunter (en admettant que les patrons d'EDF soient des gens normaux et pas des anges de pureté). Cette augmentation de l'emprunt a un nom: sur-investissement (cqfd).
Je n'accuse évidemment pas les gens qui bosse à EDF d'être des monstres de gabegie, je dis que tout ce que nous savons de la gestion des entreprises pointe vers le fait qu'ils ont sans doute sur-investi après 1974 (et sans doute depuis 1945). Le sur-investissement implique un sous-investissement ailleurs (sans que l'on puisse dire où), ce sous investissement aurait dû être plus productif et donc probablement générer plus d'activité que celui que l'Etat a permi à EDF de faire.
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La plupart des entreprises du secteur public se retrouvent coincées entre les déclarations irresponsables de quelques politiques qui cherchent des formules chocs destinées à paraître à la une des journaux nationaux et leurs obligations qui pour certaines sont inscrites dans la loi. EDF devait fournir aux usagers qu'ils soient des artisans, des industriels ou des particuliers une énergie abondante et au coût le plus bas possible. Ce fut fait, sans dégager de bénéfices pendant un peu plus de 50 ans (puisque cela était interdit par les statuts de l'entreprise), en en générant depuis sa privatisation.
Attendez, si je suis bien, les usager sous-payent le service d'EDF? Puisque normalement ils devraient payer pour des dividendes en plus de l'ordre de 5 ou 10%. La base de l'offre et de la demande, c'est bien que si les prix sont plus bas, la consommation augmente. Donc les directives de l'Etat ont pour conséquence d'augmenter la demande (dans une proportion inconnue). Cette hausse de la demande force EDF à sur-investir. Donc la politique de l'Etat a eu pour résultat de pousser EDF à sur-investir. J'ai raté quelque chose?
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Vous savez combien le blackout général en Italie en 2003 à coûter de morts ? 3, officiellement. Dans l'état de dépendance énergétique de nos sociétés, les black-out sont des phénomènes redoutés. Les simples coupures électriques peuvent causer des décès et au terme de la loi, le gestionnaire du réseau doit faire tout son possible pour en limiter le nombre et la durée. Actuellement, cela repose sur 2 filiales d'EDF: le RTE et ERDF. Elles peuvent poursuivre en justice l'industriel qui n'aurait pas tenu ses engagements et qui aura conduit au black-out (en fait, légalement, elles ont obligation de le faire et même si ce serait EDF qui serait la cause de l'incident). N'allez pas crier à l'Etat interventionniste, de telles dispositions légales existent dans la plupart des pays industrialisés. On sait que le prix de l'électricité à une influence directe sur la compétitivité de l'économie d'un pays. La France a un peu plus de 3,5 millions de chômeurs, plusieurs études ont démontré que si on augmentait le prix de l'électricité pour les industriels, leur nombre augmenterait. Ce qui explique la réticence de l'Etat à libéraliser totalement le marché de l'électricité. L'Allemagne a fait un autre choix et les spécialistes estiment qu'en fait, elle fait subventionner l'électricité des industriels par les particuliers... Ce qui démontre que le très libéral Etat allemand s'est aussi gardé des leviers pour agir sur le prix de l'électricité...
Pour commencer, je fais une remarque technique et vous me répondez sur le plan juridique... Nous sommes dans un système où les black-out sont si rares que personne n'y est préparé. On peut imaginer que si ils étaient plus nombreux, les gens auraient des lampes de poche et des générateurs et ça ne poserait pas autant de problèmes. Dire que les blackouts entraînent des morts, ce n'est donc vrai que dans des conditions particulières créées par la décision politique du zéro coupure. Or quel est le prix en terme de vies humaines de ce système? Evidemment, encore une fois on est dans le conditionnel complet, je ne sais pas, vous ne savez pas, mais combien de personnes se suicident parce que le système des zéro coupure a augmenté les impôts et les empêche de créer une entreprise ou de trouver un job. Plus ou moins que 3? C'est facile de se laisser effrayer par les coûts que l'on voit et d'oublier ceux que l'on ne voit pas.
Pour ce qui est des études économiques, elles sont sans intérêts puisqu'elles sont totalement biaisées. Elle ne prennent en compte que les secteurs qui existent aujourd'hui, c'est à dire les gagnants du système, mais elles oublient les victimes du systèmes, celles qui par définition n'entrent pas dans les bases de données. Bien sûr, le coût à court terme de l'ajustement serait sensible, mais quels seraient les bénéfices à long terme?
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La plupart des pays industrialisés pensent que le secteur de l'énergie est un secteur trop stratégique pour pouvoir le laisser libre d'agir à sa guise. Même aux USA où la plupart des entreprises de distribution ou de transport d’électricité appartiennent aux autorités locales.
C'est marrant, ils disent la même chose de la finance, ils l'organisent à leur guise, imposent des limites politiques étranges et régulent à tout va... Et il n'y a aucun problème dans la finance, c'est bien connu.
La vie économique ne peut pas exister sans crises, en pensant les contrer l'Etat ne fait que décupler les conséquences de la suivante. Pour parler comme N. Taleb, ce n'est pas la même chose de tomber dix fois d'un mètre et une fois de dix mètres.
Signé: un intervenant