etiennelegros a écrit :
(parce que paradoxalement tout au long de ces années de chômage important il y a eu des pénuries dans certains secteurs faute de MO qualifié)
S.
Ce n'est pas paradoxal : Narduccio a souligné plus haut que ce sont les activités traditionnelles qui sont les premières à tomber. Et c'est très logique: il s'agit d'industries de main d'oeuvre, qui soit ne correspondent plus aux besoins du marché, soit ne sont pas assez compétitives par rapport à leurs concurrents.
Industries hors des besoins du marché : les mines de charbon, qui sont fermées au début des années 80.
Industries non concurrentielles : le cas emblématique est celui du textile (dont l'outillage se résume à des machines à coudre, pour faire simple, et qui est donc très sensible aux coûts de main d'oeuvre) qui va être touché sévèrement par la concurrence étrangère, jusqu'au moment où les politiques ultra-libérales permettront sa délocalisation complète dans des pays du Tiers-Monde.
Si on n'est pas encore dans les délocalisations massives, les entreprises françaises ont cependant un problème de productivité et de différenciation produit (catalogue trop étroit, options non disponibles : elles ne font pas assez de R&D) et c'est dans les activités de main d'oeuvre que ça génère un déficit d'emplois peu qualifiés.
On peut citer des exemples emblématiques : la région nord, évidemment, les vallées textiles des Vosges - l'affaire Schlumpf provient d'une faillite textile - Besançon capitale française de l'horlogerie dévastée par l'irruption de la montre à quartz japonaise...
Le plus symbolique est l'automobile : en 82 Renault est premier en Europe, de peu, mais perd de l'argent sur chaque voiture fabriquée, du fait de ses coûts internes, de ceux de ses fournisseurs, et d'un problème de qualité du produit. L'état fait appel à Georges Besse pour remettre la régie sur ses pattes. Il va licencier massivement, et pour la première fois autant dans les cols blancs - en informatisant et rationalisant - que parmi les ouvriers. (Il va aussi bloquer 3 mois la sortie annoncée de la Super 5 en exigeant que tous les problèmes qualité repérés soient traités avant sa mise sur le marché : le monde change...)
En réalité ce qui se produit (entre 75 et 85, je dirais) constitue la fin des Trente Glorieuses, époque bénie de la reconstruction puis de l'équipement du pays et des ménages. La fête est finie, il est loin le temps où il suffisait de produire pour vendre : les clients deviennent exigeants, la concurrence se tend et les entreprises doivent faire face à une nouvelle donne.
Dans l'automobile, Giscard a dû imposer un quota de 5% de véhicules japonais pour protéger l'industrie nationale : les Japonais appliquent de nouvelles méthodes d'organisation qui vont révolutionner l'industrie, et d'abord l'automobile : en Allemagne où l'on n'a pas mis de barrières, ils gagnent rapidement 20 à 25% du marché, avec un écart de prix de 30% à prestations égales ! (Ne parlons pas des USA, où le coût du carburant met en grave difficulté "les belles américaines" face aux voitures japonaises et même européennes.)
Mais le besoin en cadres et techniciens ne diminue pas : c'est le contraire. Les entreprises qui se modernisent en ont davantage besoin. Et donc, ce n'est pas un paradoxe, on manque de cadres et de techniciens.
Le chômage touche les gens sans qualifications, et d'abord les jeunes. (Mais ne nous y trompons pas, Pouget nous a donné les taux de croissance des années 70, ils feraient notre bonheur aujourd'hui...)