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Message Publié : 13 Fév 2011 19:24 
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Hérodote
Hérodote

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Je ne sais pas si le sujet a été déjà abordé sur ce forum, auquel cas je m'en excuse.
J'aimerais aborder un sujet concernant la pensée contre révolutionnaire, donc je ne sais pas si je dois être ici ou dans le topic concernant la Révolution et l'Empire.
Autant les penseurs comme Burke, je peux le comprendre, même si le simple fait d'être anglais n'est pas la seule justification.

C'est plutôt la pensée de Joseph de Maistre qui m'intrigue.

En effet, pour un penseur de la fin du XVIII° siècle je trouve son approche de la Révolution quelque peu ... désuette, même pour l'époque.

Peut être suis je trop néophyte en la matière, mais confier la naissance de la Révolution à une punition de Dieu tient d'un manque d'arguments notoire pour expliquer l'évènement.

D'ailleurs d'un côté il évoque la Révolution comme une manifestation du Diable et de l'autre il l'évoque comme une punition de Dieu pour que tous les péchés commis par la France.

Je suis encore tout jeune étudiant en Histoire de la pensée politique, et je dois reconnaître que sa pensée me dépasse, notamment sur sa prétendue Révolution issue "d'au-dessus".

Une fois de plus, désolé si le sujet est mal placé et/ou s'il s'agit d'une redite, c'est mon tout premier topic, d'une longue liste je l'espère.

Que pensez vous de cela ? Est ce que j'exagère le rejet de l'Eglise, ou De Maistre était il une simple personne criant dans le désert ?


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Message Publié : 13 Fév 2011 22:19 
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Jean Mabillon
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En effet, pour un penseur de la fin du XVIII° siècle je trouve son approche de la Révolution quelque peu ... désuette, même pour l'époque.


Pourquoi désuète? Vous savez que le catholicisme était loin d'être en fin de course au XVIIIe siècle, malgré la relative diffusion des idées des Lumières. A tel point que certains continueront à penser à peu près comme de Maistre au XIXe siècle (Louis Veuillot par exemple).
De Maistre rappelle les hommes, abusés et égarés par les dangereuses illusions (selon lui) des Lumières, qu'ils ne sont pas libres de s'autodéterminer, de rebâtir une société en faisant table rase de l'ancienne et de choisir les valeurs qui la fondent. L'ordre social, qui vient du fond des générations, a été voulu par Dieu et ils ne peuvent le changer car ils sont soumis à la volonté divine.
La volonté de refondation sociale révolutionnaire est à ses yeux pure folie, un projet impie et insensé dicté par l'orgueil humain, une révolte contre le Créateur qui ne peut que se terminer en catastrophe. La Révolution, en sombrant dans les désastres et les atrocités, met en évidence que la providence divine punit immanquablement ceux qui prétendent s'affranchir de ses lois.
Ce n'est pas exactement une philosophie progressiste mais désuète, je ne vois pas 8-| .


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Message Publié : 21 Fév 2011 22:58 
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Hérodote
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Inscription : 11 Fév 2011 22:57
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Oui je pense m'être un peu trop avancé, surtout après m'être penché sur les autres auteurs au fur et à mesure de mes toutes jeunes lectures...
J'ai peut être eu un point de vue trop "actuel" sur la chose. J'ai beaucoup vu et lu de choses sur la Révolution, notamment sur l'aversion exacerbée relative au Clergé, et une fois de plus j'ai peut être eu du mal à dissocier foi et religion.
Cela dit, je reste tout de même troublé par cette pensée de De Maistre, qui trouve d'un côté une révolution providentielle et de l'autre satanique, je trouve qu'il y a une certaine ... dichotomie (c'est pas faux ...)


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Message Publié : 22 Fév 2011 9:00 
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Eginhard
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La pensée de J de Maistre ne se réduit pas au providentialisme. C'est le rejet d'un individu libre et autonome au profit de communautés naturelles qui enchâssent l'homme dans la tradition, dans une vision organiciste de la société où chacun a une place déterminée. C'est une des sources de la sociologie de Le Play et même de la Révolution nationale. Mais sa critique de l'abstraction des droits de l'homme rencontre curieusement celle de l'Ecole de Francfort. Voici un passage fameux des Considérations sur la France
Citer :
Mais il ne s'agit que du mérite intrinsèque de la Constitution. Il n'entre pas dans mon plan de rechercher les défauts particuliers qui nous assurent qu'elle ne peut durer; d'ailleurs, tout a été dit sur ce point. J'indiquerai seulement l'erreur de théorie qui a servi de base à cette constitution, et qui a égaré les Français depuis le premier instant de leur révolution.
La constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l'homme. Or, il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc.; je sais même, grâces à Montesquieu, qu'on peut être Persan: mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe, c'est bien à mon insu.
Y a-t-il une seule contrée de l'univers, où l'on ne puisse trouver un conseil des cinq cents, un conseil des anciens et cinq directeurs? Cette constitution peut être présentée à toutes les associations humaines, depuis la Chine jusqu'à Genève. Mais une constitution qui est faite pour toutes les nations, n'est faite pour aucune: c'est une pure abstraction, une oeuvre scolastique faite pour exercer l'esprit d'après une hypothèse idéale, et qu'il faut adresser à l'homme, dans les espaces imaginaires où il habite.
Qu'est-ce qu'une constitution? n'est-ce pas la solution du problème suivant?
Étant données la populations, les moeurs, la religion, la situation géographique, les relations politiques, les richesses, les bonnes et les mauvaises qualités d'une certaine nation, trouver les lois qui lui conviennent.
Or, ce problème n'est pas seulement abordé dans la constitution de 1795, qui n'a pensé qu'à l'homme.
Toutes les raisons imaginables se réunissent donc pour établir que le sceau divin n'est pas sur cet ouvrage. - Ce n'est qu'un thème.
Aussi, déjà dans ce moment, combien de signes de destruction!

_________________
"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)


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Message Publié : 22 Fév 2011 10:08 
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Hérodote
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Cette constitution peut être présentée à toutes les associations humaines, depuis la Chine jusqu'à Genève. Mais une constitution qui est faite pour toutes les nations, n'est faite pour aucune: c'est une pure abstraction, une oeuvre scolastique faite pour exercer l'esprit d'après une hypothèse idéale, et qu'il faut adresser à l'homme, dans les espaces imaginaires où il habite.


Je cite ce passage, mais je pourrais aussi en citer d'autres.

En fait le principal reproche de De Maistre serait l'émergence de notions abstraites au moment de la Révolution ?
Si on reprend le citation :
Code :
"il n'y a point d'homme dans le monde"

Cela veut dire que selon lui l'Homme comme concept n'existe pas, que les personnes sont différentes selon leur nationalité, qu'il est impossible de consacrer des droits à l'égard de tous comme l'a fait la DDHC.

Est ce qu'il est possible de rapprocher ça de l'Etat Métaphysique d'Auguste Comte dans sa règle des 3 Etats ?

Je trouve qu'il y a correspondance entre ces deux auteurs à ce niveau-là.


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Message Publié : 22 Fév 2011 10:52 
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Jean Mabillon
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Ce particularisme différentialiste est le fondement même de toute la pensée anti-Lumières. Zeev Sternhell a fait des analyses intéressantes sur de Maistre et d'autres penseurs réactionnaires comme Burke dans son livre "Les anti-Lumières".


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Message Publié : 22 Fév 2011 11:10 
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Tonnerre a écrit :
Ce particularisme différentialiste est le fondement même de toute la pensée anti-Lumières. Zeev Sternhell a fait des analyses intéressantes sur de Maistre et d'autres penseurs réactionnaires comme Burke dans son livre "Les anti-Lumières".


Merci beaucoup pour cette bibliographie, et merci de m'avoir fait découvrir un auteur qui semble être bien intéressant après un rapide passage sur Wikipedia !


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Message Publié : 24 Mai 2011 8:20 
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Hérodote
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Pour comprendre De Maistre, il faut aussi lire Bonald, Bloy, Bernanos, Bourget, Bazin (René) et, bein sûr, Barrès et Maurras.

Oser dire de De Maistre qu'il est désuet, il faut avoir sacrément confiance en son niveau intellectuel...

Quand à Sternhell, sa théorie, dans son livre-thèse, qui voit en Barrès le précurseur du fascisme (comme certains essaient de le soutenir concernant Wagner), est largement critiquée aujourd'hui. Mon nom d'utilisateur ne doit pas vous faire penser que je perd ma neutralité, M. Sternhell a une position idéologique marquée (je vous conseille les entretiens qu'il a donné récemment sur France Culture dans l'excellente émission "A voix nue"").

Je ne peux que vous conseiller l'excellent livre d'Antoine COMPAGNON, prof au collège de France, sur les antimodernes (Les Antimodernes, de Joseph de Maistre à Roland Barthes). Il est plus éclairant et moins partisan.


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Message Publié : 24 Mai 2011 11:49 
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Jean Mabillon
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Quand à Sternhell, sa théorie, dans son livre-thèse, qui voit en Barrès le précurseur du fascisme (comme certains essaient de le soutenir concernant Wagner), est largement critiquée aujourd'hui.


Sternhell ne voit pas exactement en Barrès LE précurseur du fascisme mais UN des opérateurs de cette synthèse entre socialisme/peuple et nationalisme qui est centrale à la formule du fascisme.
La notion de "précurseur du fascisme" comporte en soi en soi un jugement de valeur et est donc de ce fait intrinsèquement polémique; de ce fait , il est préférable d' éviter de l'utiliser dans une approche historique.
Et bien sûr, les fascismes étant des nationalismes, on doit poser la question : les influences des théoriciens de droite d'un pays tel que la France sur les penseurs de son ennemie héréditaire l'Allemagne (et vice-versa) ont elles été si importantes?
Cela parait douteux: la germanophobie, la francophobie et généralement le rejet des influences étrangères étant justement ce qui définit ces nationalismes.
Cette influence n'est cependant pas nulle mais elle est nécessairement niée ou occultée.


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Message Publié : 24 Mai 2011 12:35 
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Hérodote
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Barrès était nationaliste mais n'était pas germanophobe, ou en tout cas ne l'était plus quand il prôna un rapprochement avec l'Allemagne dans l'entre-deux guerres.

Les fascismes sont des nationalismes mais affirmer que le nationalisme est un fascisme est un travers propre à notre époque qui veut simplifier les analyses : Barrès était l'un, pas l'autre. A ce titre, la lecture de ses Cahiers qui viennent d'être réédités est très éclairante.


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Message Publié : 24 Mai 2011 14:20 
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Georges Duby
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Barrès est un auteur et homme politique complexe qui a donné à l'individu la primauté sur les mouvements collectifs, un peu à la manière d' André Gide ou de Stendhal. Il me semble qu'il était républicain malgré son nationalisme virulent et son traditionalisme ( la terre et les morts ). Quand à son anti-sémitisme, il a cessé et bien au contraire " Revenant en partie de ses erreurs, Maurice Barrès rendit aussi pendant la Grande Guerre un vibrant hommage aux Juifs français dans Les familles spirituelles de la France où il les place au côté des traditionalistes, des protestants et des socialistes comme un des quatre éléments du génie national (s'opposant ainsi à Maurras, qui fait des Juifs un des « quatre États confédérés » de l'Anti-France, avec les protestants, les « météques » et les francs-maçons). Il immortalisa la figure du rabbin Bloch, frappé à mort au moment où il tendait un crucifix à un soldat mourant. "
Quand à Joseph de Maistre, c'est un personnage du 18è siècle qui a été horrifié par les profanations d'églises, les meurtres de religieuses et de prêtres sous la Révolution. Il en a tiré une philosophie politque tendant à respecter et à perfectionner les institutions existantes forgées progressivement par un pays, au fil des siècles, pour améliorer la société. Il s'oppose à la tabula rasa des révolutionnaires qui veulent raser et recréer une nouvelle société idéale. il faut le lire ainisi pour le comprendre.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 24 Mai 2011 15:08 
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Jean Mabillon
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Les fascismes sont des nationalismes mais affirmer que le nationalisme est un fascisme est un travers propre à notre époque qui veut simplifier les analyses : Barrès était l'un, pas l'autre. A ce titre, la lecture de ses Cahiers qui viennent d'être réédités est très éclairante.


Bien sûr, d'ailleurs les nationalismes existaient bien avant les fascismes d'une part, et d'autre part, le nationalisme français est né à gauche, et communisme et nationalisme ont parfois fait bon ménage.
Cela dit, il y existe des éléments politiques conceptuels devenus plus tard centraux à l'idéologie fasciste chez Barrès.
la spécificité axiomatique de l'idéologie fasciste, c'est la synthèse socialisme/nationalisme, et elle s'esquisse (entre autres) chez Barrès.


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Message Publié : 24 Mai 2011 21:27 
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Georges Duby
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Il n'y a aucun socialisme chez Barrès, même pas une tentation, il est à l'opposé de ce genre d'utopie. Barrès est nationaliste et cela ne suffit pas à en faire une source du nazisme. Le nazisme est bien autre chose. Il nait de la guerre, du bolchevisme et de la fusion entre nationalisme et socialisme national avec une vision populiste essentielle. Barrès hait le populisme et méprise le socialisme, c'est un aristocrate et un esthète. On le voit dès qu'on lit quelques une de ces oeuvres.

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Message Publié : 24 Mai 2011 22:59 
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Jean Mabillon
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Il n'y a aucun socialisme chez Barrès, même pas une tentation, il est à l'opposé de ce genre d'utopie.


C'est inexact; il n'y a évidemment pas de socialisme au sens marxiste chez Barrès bien entendu mais il y a chez lui un anticapitalisme/antimatérialisme antimarxiste, assorti d'un souci d'intégrer le prolétariat dans la nation par des mesures sociales, et réciproquement d'étendre le nationalisme au peuple, rompant ainsi avec le nationalisme traditionnel qui jusque là était essentiellement l'affaire de la bourgeoisie, grande et moyenne.
Barrès a été boulangiste et même député boulangiste de Nancy --et on connait la forte composante populaire du boulangisme, qui a été ainsi sans doute le premier mouvement politique de la France moderne à transcender la frontière entre peuple et bourgeoisie.
Le journal de Barrès, la Cocarde, contient de nombreuses références au socialisme, qui est présenté favorablement, sous condition: "L'idée socialiste est une idée organisatrice si on la purge du poison libéral qui n'y est point nécessaire". Il y a donc bien chez Barrès une amorce de socialisme national et populiste.
Enfin, vous affirmez que Barrès n'était pas antisémite; bien sûr que si, il l'est, il a même été un des antidreyfusards les plus notoires, et il n'a mis une sourdine à son antisémitisme que pendant la PGM, au sujet des combattants juifs dont il a reconnu le courage. Ce qui a poussé certains à écrire que pour Barrès, les seuls bons juifs étaient les juifs morts (au combat).
Et il faut bien voir que cet antisémitisme est une composante essentielle de son nationalisme: Barrès veut réaliser l'union des classes sociales dans la Nation, or cette union des classes sociales n'est possible qu'autour d'un ennemi commun (imaginaire): le juif.
C'est à cause de cette utilité politique aux fins d'intégration et de mobilisation des masses que l'antisémitisme représente pour Barrès (je cite): la "formule populaire" par excellence.
C'est à dire la formule qui permet de d'intégrer le prolétariat à la collectivité nationale, en mettant fin à la lutte de classe par la substitution de l'ennemi de race , le juif, à l'ennemi de classe, le capitaliste/bourgeois.
C'est aussi faire une contresens de taille que de poser que Barrès exalte l'individualisme, alors qu'au contraire il considère l'individualisme, héritage des Lumières, à la fois comme une cause et une manifestation de la décadence. Chez les penseurs anti-révolutionnaires, l'individu n'est rien, la collectivité est tout, et un individu n'en est que l'incarnation passagère. L'individu n'est qu'une des cellules composant le grand corps social, ensemble qui transcende sa petite personne , qui n'est que la résultante de forces, raciales, culturelles, qui le dépassent infiniment.


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Message Publié : 25 Mai 2011 8:22 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Cet extrait explicite la notion de "culte du Moi'' chez Barrès et le contresens qu'il y a à identifier culte du Moi et individualisme:

" Barrès va fonder sa réflexion sur le concept du «Moi». «Il n'y a qu'une chose que nous connaissons et qui existe réellement. Cette seule réalité tangible, c'est le Moi, et l'univers n'est qu'une fresque qu'il fait belle ou laide (...). Assurément le Moi seul existe. Il n'y pas de monde extérieur étranger et hétérogène par rapport à la conscience.» 8 Par ce moyen il dénie l'existence d'un monde concret, rationnel, «réel», seul existe un monde tel que le perçoivent nos sensations, nos sentiments. Cela implique un processus permanent de création, de renouvellement du Moi, qui débouche inévitablement sur une tension entre ce Moi et le monde extérieur peuplé, selon le mot de Barrès, de «barbares». Le Moi ne peut donc se réaliser que dans l'affrontement avec les barbares, c'est à dire toute personne ou milieu «qui peut nuire ou résister au Moi» 9La vie sociale ou sociétale devient donc une lutte permanente des différents Moi entre eux, il s'agira pour chacun d'être le plus fort. Il n'existe qu'une seule possibilité : vaincre ou disparaître 10 . Ainsi s'inspirant de Darwin et Wagner, Barrès prétend que pour être un homme libre, il faut défendre son Moi contre tout empiétement de l'extérieur, et ce, d'où qu'il vienne, que ce soit du monde qui l'entoure ou du passé. Ce cheminement intellectuel dénie une quelconque vérité à toutes choses autres que celles créées par le Moi, ce qui implique le rejet de la critique rationaliste. Barrès se place donc volontairement dans le domaine de l'inconscient, de l'instinct, domaine logiquement inattaquable par les tenants de la Raison. Il élabore ensuite en deux étapes une dimension collective à ce Moi. En premier lieu, le Moi se révolte contre l'ordre établi, le conformisme, les privilèges. Dans un second temps, l'Homme découvre vite qu'il est impossible d'isoler de manière absolue son Moi, au fond de lui survit le passé qui a conditionné ce Moi. Il y a donc une lutte entre la volonté de liberté et les forces du passé; lutte d'où la volonté ne peut sortir que vaincue. C'est ici qu'intervient un profond déterminisme historique, l'individu en révolte doit accepter le verdict de l'histoire.

Barrès écrira plus tard : «A étudier l'âme lorraine (...) je compris quel moment je représentais dans le développement de ma race, je vis que je n'étais qu'un instant d'une longue culture, un geste entre mille gestes d'une force qui m'a précédé et qui me survivra (...) Seules, les masses m'ont fait toucher les assises de l'humanité.» 11 Ce dernier point est capital car dans la certitude que quelque chose lui survivra, Barrès a trouvé l'aspect transcendantal recherché. Le néant disparaît puisque mon action, même infime, sera reprise par les générations suivantes. Du Moi individuel, on passe au culte d'un Moi collectif nourri par le passé, la tradition, l'histoire en un mot : le Moi national. «Les aspirations et les instincts de l'individu sont enracinés dans le passé et pour connaître la loi de son être et la réaliser, c'est la loi de l'être collectif et national qu'il importe de discerner et d'adorer.» 12 Chaque Moi individuel n'est qu'une partie de ce Moi national auquel il doit subordination. En acceptant son déterminisme, l'homme libre ne fait qu'achever sa libération, être libre se résume donc à comprendre les facteurs historiques conditionnant les individus et à les accepter."

http://www.larevuetoudi.org/fr/story/ba ... s-complexe


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