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 Sujet du message : Maires et État sous la IIIè
Message Publié : 14 Oct 2014 7:29 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Localisation : Versailles
Je reste surpris de l'apparente facilité avec laquelle les maires supportaient la tutelle de l'Etat sous la IIIè République. Je vous propose trois interprétations possibles de cette situation.

La première est la plus idéaliste : les maires quoique élus auraient été intimement convaincus de la légitimité de la tutelle parce que la société française de l'époque reste fortement hiérarchisée, parce que les représentants de l'Etat ( préfets ou ingénieurs des ponts et chaussées) jouissent d'un grand prestige du à leur impartialité et à leur compétence technique (un peu comme les magistrats anglo saxons) et enfin parce que les maires sont à la fois légalistes et patriotes. Or l'administration d'Etat, C'est à la fois la loi et la patrie incarnées.

La seconde est plus cynique : cette tutelle était une fiction car les élus , notamment via les parlementaires tout puissants à Paris savaient comment imposer leur point de vue à un fonctionnaire récalcitrant.

La troisième est plus subtile et me plaît plus : sous la IIIè République, les maires et l'Etat agissaient peu. Disons quasiment pas avant 1914 et assez peu avant 1939. Pas de politique culturelle (sauf construire un théâtre qui était ensuite délégué au secteur privé). Pas de politique économique. Pas de projets d'infrastructures ou si peu (et alors souvent assumés par les chambres de commerce comme les ports). Les services publics comme l'eau, le gaz ou l'électricité étaient soit absents ( à la campagne) soit concédés à des entreprises ( y compris les pompes funèbres !).

De ce déficit d'action découlait un déficit de conflits ...

Bref le préfet et le maire pouvaient se recevoir à dîner et parler des élections suivantes ...


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Message Publié : 31 Jan 2015 18:46 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Message Publié : 30 Avr 2016 10:38 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Fr Furet aborde le sujet dans son histoire de France (Hachette). Pour lui, les républicains modérés (J Ferry) sont en principe décentralisateurs par attachement au modèle libéral anglo-américain et par rejet du despotisme conventionnel puis impérial.

Mais en pratique, ils vont se limiter à établir un régime de liberté communale limitée par la tutelle des préfets car ils font plus confiance à de "bons préfets républicains" (sic) qu'à un électorat rural souvent sous influence de vieilles oligarchies locales.


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Message Publié : 01 Mai 2016 14:30 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Pour répondre sérieusement à votre question il faudrait observer de plus près quelles étaient alors les compétences des collectivités locales.

On peut toutefois rappeler que le poids de l’Etat est une tradition bien ancrée qui date de la Révolution, lorsque les vues des Jacobins l’ont emporté sur les conceptions fédéralistes de leurs adversaires.

Il découle de cette tradition jacobine que les administrations était très centralisées sous la Troisième République. Néanmoins l’exercice des compétences des collectivités locales reposait déjà sur le principe de la libre administration qui aussi une vieille tradition venant tempérer le centralisme jacobin, et ces compétences étaient réelles, surtout celles des communes. Parmi celles-ci, on peut citer la gestion des écoles communales, les sépultures, l’approvisionnement en eau et bien d’autres. Certains services publiques de la compétence du département ou de la commune étaient souvent concédés à des entreprises privées, mais il n’est pas du tout évident que ce fût plus fréquent qu’aujourd’hui. En outre, il y avait des services publics locaux dont nous avons oublié l’existence tels lavoirs, bains-douches, hospices.etc.

Vous êtes probablement excessif en affirmant qu’il n’y avait pas ou très peu de politiques locales économique ou culturelle et peu d’intervention d’initiative publique locale dans l’aménagement du territoire. Mais il est vrai que tout cela a pris une importance accrue dès l’après-guerre et que la puissance publique, qu’elle soit locale ou nationale, intervenait bien moins qu’aujourd’hui. En matière d’urbanisme, par exemple, ce n’est que sous le régime de Vichy que le permis de construire a été généralisé à l’ensemble du territoire. Dans les communes de moins de 10 000 habitants, la question de la compétence, locale ou nationale, ne se posait de ce fait tout simplement pas.

Un tout petit exemple pour illustrer ces considérations : le ramassage des ordures ménagères dans un village que je connais. Jusqu’à la fin des années 1960, il n’y avait pas de ramassage des ordures. Chacun allait librement s’en débarrasser dans une décharge publique en libre accès. A la fin des années 1960, la commune a mis en place un ramassage public au moyen d’une camionnette d’un âge vénérable (une Peugeot 202) en direction de la même décharge laissée en libre accès, chacun pouvant continuer à y jeter n’importe quoi en toute liberté. Cette décharge n’existe plus depuis un bon nombre d’année et les ordures sont maintenant ramassées par une entreprise privée spécialisée dans le cadre d’une organisation techniquement beaucoup plus lourde dans un cadre territorial beaucoup plus large et juridiquement beaucoup plus réglementé. On distingue donc trois phases :

- Absence de service publique ;
- Système D à l’initiative de la commune ;
- Service géré dans un cadre plus vaste que celui de la commune

Ou, autrement dit :

- Pas d’obligation, pas d’action ;
- Pas d’obligation, action à l’initiative de la commune ;
- Obligation assumée dans un cadre que la commune ne maîtrise plus.

Du fait des lois de décentralisation, les grandes communes sont moins sous la tutelle de l’Etat que sous la Troisième République mais les toutes petites sont, en raison de leur dimension inadaptée aux conditions actuelles, sous tutelle ou de l’Etat ou de cadres locaux plus vastes dans lesquels leur responsabilité est très diluée.

Ce qui n’a pas changé est le contrôle de légalité : les actes administratifs des collectivités locales sont soumis au contrôle du préfet qui détient le pouvoir d’annuler tout acte illégal. En cas de résistance de la collectivité locale, le litige est tranché par les juridictions administratives.


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Message Publié : 01 Mai 2016 17:54 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 23 Déc 2010 13:31
Message(s) : 682
Barbetorte a écrit :
Ce qui n’a pas changé est le contrôle de légalité : les actes administratifs des collectivités locales sont soumis au contrôle du préfet qui détient le pouvoir d’annuler tout acte illégal. En cas de résistance de la collectivité locale, le litige est tranché par les juridictions administratives.


Je modulerais en précisant que le contrôle de légalité préfectoral existe majoritairement, aujourd'hui, dans les textes. Pour l'essentiel, les réformes successives de l'administration de l'Etat (et notamment la réduction des effectifs) avec, à l'opposé, un accroissement du nombre des actes (induit par l'accroissement du nombre de collectivités et des champs d'intervention de plus en plus large) ont conduit à des contrôles de plus en plus par sondage des actes des collectivités locales, au point que ce contrôle est, du moins pour toutes les petites collectivités, proche de l'inexistant dans sa mise en oeuvre.


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