Concernant ses lectures je ne sais rien de précis, sinon qu'il possédait - comme beaucoup à l'époque - une solide culture classique, et surtout une connaissance de l'histoire - de France et d'Europe - remarquable et très fouillée. (Quand on lui disait qu'il avait sauvé la France au pire moment de son histoire, il répondait :" A l'époque du traité de Brétigny, ça n'allait pas fort non plus...")
Il a évidemment fait Saint-Cyr et l'Ecole de Guerre.
Après la Grande Guerre, il publie d'abord "La discorde chez l'ennemi" (Synthèse de ses observations de prisonnier à Ingolstadt, qui lisait les journaux allemands, en tirait un bulletin quotidien - lu avec intérêt même par les officiers allemands qui les gardaient - et qui retrace la désagrégation politique et militaire de l'Allemagne pendant la dernière année de la guerre) puis "Le fil de l'épée" - disons une dissertation de haut niveau sur l'art du commandement - puis "la France et son armée", un ouvrage commencé à la demande de Pétain - sous le titre "Le soldat français à travers les âges" - qui voulait le publier exclusivement sous son nom, ce que le "nègre" refusa en se fâchant pour de bon avec le vieux chef.
Il faut signaler son passage de 6 ans au SGDN, secrétariat général à la Défense Nationale, organisme permanent dont disposait le Président du Conseil pour la préparation à la guerre de l'Etat et de la Nation, de 1932 à 1937. Ce sont les travaux qu'il y a effectué qui l'ont familiarisé avec tous les rouages de l'Etat et les questions économiques et industrielles, ce qui explique sa capacité ultérieure à se situer d'emblée au niveau d'un chef de gouvernement.
Pendant cette période il fréquente aussi un groupe de connaissances, regroupées autour du colonel Mayer, un militaire peu conformiste, et de Lucien Nachin, un civil - de haut niveau, à la SNCF, je crois ? - resté passionné et très en lien avec les questions militaires, un des rares hommes que De Gaulle ait considéré comme son ami. Le dimanche on y discute, on y débat, on fait venir des invités civils ou militaires intéressés par tel ou tel sujet (Un peu comme dans un salon philosophique du XVIIIe siècle, mais en plus technique.) C'est dans ce cadre que De Gaulle élaborera petit à petit sa vision de "l'armée de métier", à savoir l'armée comportant un coeur professionnel de divisions blindées capables d'agir en masse - ce que les Allemands réaliseront - qu'il rédigera l'ouvrage correspondant et entamera auprès des politiques sa croisade pour les chars.
(En revanche, malgré l'influence du colonel Mayer, qui ne jurait que par un corps aérien capable de bombardements stratégiques - y compris par les gazs de combat - il a complètement raté l'idée de l'intervention aérienne tactique en appui de ces divisions cuirassées.)
C'est aussi dans ces années qu'il affine ses idées politiques. Lecteur - comme tout le monde - de l'Action Française, mais prévenu de longue date par le colonel Meyer contre l'idée de dictature - il rencontre suffisamment de politiques pour y trouver des gens de qualité, et tiendra pour un honneur d'être appelé à un poste ministériel. Mais il parle de ses travaux au SGDN comme d'un travail de Pénélope, chaque nouveau ministère (14 en 6 ans ! ) voulant y mettre sa graine, ce qui "me montrait l'étendue de nos ressources mais aussi l'infirmité de l'état."
A partir de 1937 il est affecté (à Metz) à un commandement dans les chars - faisant encore de nombreux voyages à Paris pour faire avancer son idée - et commandera des chars jusqu'en mai-juin 40, quand on lui confiera la 4e division cuirassée, dernière grande unité blindée mise sur pied, pour deux contre-attaques contre le "couloir des blindés" allemand. Début juin 40 il est appelé par Paul Reynaud comme secrétaire d'état à la guerre - il fait ajouter "et à la défense nationale" - et sort définitivement de la hiérarchie militaire pour aller parcourir une autre trajectoire.
Edit : Calade a raison, j'ai oublié son adhésion au catholicisme social. C'est pendant ses années parisiennes qu'il adhère aux "Amis de temps présent", un mouvement dans le style du Sillon de Marc Sangnier.
On peut ajouter aussi son respect pour les grands écrivains, qu'il place très haut dans sa hiérarchie des fonctions, à la fois pour leur qualité littéraire et pour leur influence sur la culture nationale et l'opinion. (Les écrivains collabos seront traités pour cette raison avec beaucoup de sévérité.)
_________________ Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)
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