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1911 : les Lords perdent le droit de bloquer définitivement une loi votée par les Communes mais conservent un veto suspensif de 2 ans
C'est parfaitement exact, mais, c'est ce qui fait la particularité des institutions britanniques, pour apprécier quelle est la véritable de teneur de cette réforme, il faut examiner quelle était la pratique constitutionnelle et ne pas s'arrêter à la seule lecture des textes législatifs. Le parliament act de 1911 a introduit une restriction formelle d'importance aux prérogatives de la chambre des lords mais elle n'a pas en fait modifié en profondeur les pratiques, celles-ci ayant entériné depuis longtemps la prééminence de la chambre des communes. Comme je l'ai déjà mentionné, cela faisait deux siècles que la chambre des lords entérinait systématiquement les projets de lois de finances. Or en 1909 les lords ont rejeté un projet de loi de finances en violation de ce qui était devenu une loi non écrite et c'est ce qui a déclenché la crise. Celle-ci a été finalement résolue à l'avantage de la chambre communes.
Les différends entre les deux chambres n'étaient pas rares. Le plus souvent, un compromis était adopté et la loi, qui finissait par être votée dans les mêmes termes par les deux chambres, était promulguée par le roi. En cas de crise grave, la solution classique était la nomination par le roi, à la demande du premier ministre, d'un nombre suffisant de nouveaux pairs de la même tendance politique que celle de la majorité à la chambre des communes.
Le litige né au lendemain des élections de 1906 portait principalement sur un projet de budget rejeté par la chambre des lords. Face à cette obstruction, le parti libéral majoritaire aux Communes s'est employé à obtenir une réforme constitutionnelle limitant le pouvoir des lords. Ceux-ci, afin d'écarter la perspective d'une telle réforme mais en partie aussi parce qu'ils avaient révisé leur position sur une augmentation des dépenses, notamment celles de la construction de nouveaux cuirassés, ont finit par s'incliner et adopter le budget qui, entretemps, avait été légèrement revu à la baisse. Mais cela n'a pas suffit. Les libéraux majoritaires aux communes étaient déterminés à faire passer une réforme limitant les attributions de la chambre haute. Sous la menace de la nomination d'une fournée de pairs de tendance libérale, la chambre des lords a adopté le parliament act qui consacrait la prééminence de la chambre des communes.
Finalement, le parliament act de 1909 n'a pas réellement instauré la prééminence de la chambre des communes. Il a seulement formalisé une loi non écrite qui était dans l'ensemble assez bien respectée depuis plusieurs décennies, et même deux siècles en ce qui concerne les lois de finance, après une velléité des lords de transgresser cette loi non écrite.
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1900 : 2 députés travaillistes élus pour la première fois (sur 650 membres des communes!)
C'est que le parti travailliste venait d'être créé en février 1900 et n'a été en mesure de présenter que 15 candidats lors des élections de septembre et octobre 1900. Il n'a pu présenter de candidats partout qu'à partir de 1922.
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Et priver les ouvriers du droit de vote jusqu'en 1918 marginalisait le Labour.
Les ouvriers n'étaient pas privés du droit de vote. On ne peut plus parler de régime censitaire à partir de 1884. Ce qui excluait quelque 40% de la population de l'électorat était l'obligation d'attester d'une résidence propre. Cette exigence empêchait de voter les domestiques, nombreux à l'époque, les adultes vivant avec leurs parents ainsi que les miséreux n'ayant pas de domicile fixe ou n'habitant que des logements de fortune.
L'élargissement du droit de vote en 1918 n'a pas modifié considérablement les résultats des scrutins ou tout au moins, l'impact n'a été ni immédiat ni évident. Ce n'est guère étonnant. Les membres des classes ouvrières les plus influents politiquement sont les ouvriers ayant un emploi stable et adhérant à un syndicat. Ceux-ci pouvaient voter dès 1867 et ils le faisaient majoritairement en faveur de candidats du parti libéral puis de candidats du parti travailliste après que celui ci- a été en mesure de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions. Les votes de ceux qui n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1918 sont certainement beaucoup plus partagés.
Quoiqu'il en soit, c'est la coalition conservatrice qui sortit vainqueur des élections du 14 décembre 1918 permettant ainsi à Loyd Georges (parti national-libéral, 127 sièges), allié aux conservateurs de la coalition (332 sièges) de rester premier ministre. Il est à noter que, dans cette coalition conservatrice, figurait 4 travaillistes, ce qui est un peu étrange. Hors ces 4, le parti travailliste obtenait 57 sièges. Il en avait obtenu 42 lors des élections de décembre 1910 et 40 lors de celles de janvier 1910. Un suffrage non universel n'avait pas empêché l'apparition d'un vrai parti de gauche à Westminster et le suffrage universel ne s'est pas traduit immédiatement par une entrée massive des travaillistes aux Communes. Ceux-ci ont fortement progressé en 1922 : 142 sièges mais sans que ce fût véritablement un raz de marée, les conservateurs se maintenant confortablement avec 344 sièges et son chef, Andrew Bonar Law, devenant premier ministre.
A mon avis, ce qui apparaît comme des aberrations dans le régime britannique à la fin du 19e siècle et au début du 20e tient essentiellement à l'attachement des britanniques aux traditions même lorsqu'elles deviennent anachroniques. Sont ainsi maintenues en vigueur quelques anomalies qui finissent par être corrigées. Choquantes à première vue, ces anomalies apparaissent, lorsqu'on les observe de plus près, ne porter fait guère à conséquence de sorte qu'on ne peut raisonnablement dénier la qualité de vraie démocratie au Royaume-Uni de la belle époque.
A l'opposé, dans le même temps en France, on n'a pas hésité à faire table rase et c'est pourquoi la Troisième République apparaît plus cohérente.