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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 24 Fév 2009 15:24 
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Salluste
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Dans Le Monde, une interview, à rire ou à pleurer, de Claude Aguttes, directeur de la maison d'enchères de Neuilly :

(...) Une certaine sensibilité artistique est nécessaire, mais la plupart des acheteurs possèdent déjà tellement d'œuvres qu'il leur est impossible de les apprécier toutes à leur juste valeur... Certains achètent des collections entières qu'ils exposent dans des appartements ou des bateaux sur lesquels ils passent trois jours par an. Une telle fortune mène parfois à une boulimie acheteuse, qui ne correspond plus vraiment à la démarche d'un vrai amateur.

On ne peut pas vraiment parler de spéculation dans la mesure où le but n'est pas de revendre le mois prochain des œuvres achetées aujourd'hui. Tout le monde connaît la valeur d'achat de l'objet, donc le revendre plus cher n'aurait pas de sens, sur le court terme. En revanche, il est certain que si l'œuvre est revendue un jour, compte tenu de sa qualité, ce sera un événement ! Les personnes qui les achètent le font de façon instinctive. Ce sont des acheteurs judicieux : ils investissent dans des œuvres si précieuses qu'elles ne peuvent pas perdre leur valeur.

Le contexte de crise économique ne nuit-il pas au marché de l'art ?

Si on a des objets de qualité à vendre, on trouvera toujours preneur. L'inquiétude vient plutôt des vendeurs, qui pensent qu'ils devraient attendre des jours meilleurs pour écouler leurs collections. Ils ont tort : dans les périodes difficiles comme celles que nous traversons, ceux qui ont de l'argent préfèrent acheter des tableaux plutôt que des actifs financiers dont la valeur n'est pas assurée. Sur le marché de l'art, la crise est moins sensible car les valeurs sont plus sûres.

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« Que de choses ont été vécues sans avoir été dites ! » Paul Veyne.


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 26 Fév 2009 23:27 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Il y a au final eu quelques préemptions (Louvre, Orsay, Beaubourg, Ecouen), des records en cascade, 375 millions d'euros de gagnés.

Et un regret: que les deux têtes chinoises se soient vendues finalement à un acheteur privé, et peut-être séparèment, rien ne nous permettant de savoir si les deux ont été acquises par le même acheteur. Sans aller jusqu'à les rendre aux autorités chinoises, il eut peut-être été préférable qu'elles trouvassent leur place au sein du musée Guimet par exemple...

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 26 Fév 2009 23:28 
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Salluste
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Localisation : Paris
Shinji a écrit :
Alfred Teckel a écrit :
je pense qu'un certain nombre de pièces sera préempté par des institutions culturelles.

Vous croyez ? J'espère en tout cas... :'( Il y a un droit de préemption pour les oeuvres culturelles ? Qui fixe le prix de la préemption ?


Il y a bien eu préemption, pour 7 oeuvres, et par ailleurs P. Bergé a fait don de deux oeuvres à l'État. Communiqué du ministère de la Culture :

Christine Albanel : « La vente de la collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé est un succès mondial, un record historique »

jeudi 26 février 2009

Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication : « Je suis heureuse que la vente de la collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé ait eu lieu à Paris. Rassemblant pendant trois jours sous la Nef du Grand Palais les collectionneurs et marchands du monde entier, elle démontre que Paris est l’une des places majeures du marché de l’art international ».

La Ministre remercie Pierre Bergé pour les oeuvres dont il a fait don à l’Etat : la tapisserie de Burne-Jones, «l’Adoration des mages », qui rejoindra les collections du musée d’Orsay et le tableau de Goya, « Le portrait de Don Luis Maria de Cistué », offert au musée du Louvre.

Christine Albanel se réjouit également que d’autres oeuvres de très grande qualité aient pu être achetées pour les musées nationaux : « j’ai souhaité que l’Etat exerce pleinement son droit de préemption pour
enrichir les collections de nos musées ».

Ont ainsi été acquis :
- Les Lilas, d'Edouard Vuillard, pour le musée d’Orsay
- Au Conservatoire, de James Ensor, pour le musée d’Orsay
- Il Ritornante, de Georgio de Chirico, pour le Centre Pompidou (*)
- Un portrait miniature de Louis XIV, par Petitot, pour le musée du Louvre
- Une plaque en émail de Limoges du XVIe siècle représentant Paris, par Léonard Limosin, pour le musée national de la Renaissance au Château d’Ecouen
- Deux plaques en émail de Limoges du XVIe siècle représentant Arthur et Josué, par Martial Ydeux, pour le musée national de la Renaissance au Château d’Ecouen


Ces acquisitions d’un coût total de 13.135.000 euros, ont pu être réalisées grâce à la mobilisation des crédits de l’Etat (fonds du Patrimoine, crédits d’acquisition des musées), aux contributions des sociétés d’amis de musées et au mécénat de Pierre Bergé.

Au terme de la vente, la Ministre se félicite de l'excellente coopération qui a prévalu entre les services de l’Etat (Direction des musées de France), la société Christies et la société Pierre Bergé & Associés.


(*) Et au sujet de cette oeuvre, Le revenant de Chirico, lire cette histoire étonnante, de reniement de l'oeuvre par l'artiste lui-même : Vente Bergé YSL : Pompidou a-t-il acheté un faux?.


Edit. Alfred, nos messages se sont croisés ! ;)

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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 27 Fév 2009 19:14 
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Plutarque
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8-| C'est tout de même hallucinant d'avoir pu accumuler autant d'oeuvres!
Et puis quel boulot pour faire le ménage avec tous ces bibelots :wink:

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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 03 Mars 2009 20:31 
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Hérodote
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pas un mot sur la magnifique lettre de Victor Hugo sur le saccage du palais d'été ou sur les marbres antiques sans provenance avant 1970...


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 03 Mars 2009 20:33 
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Salluste
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Localisation : Paris
Jarry a écrit :
pas un mot sur...

Nous vous "écoutons". ;)

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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 04 Mars 2009 11:23 
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Hérodote
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Vous avez certainement entendu parler de polémiques lors de cette vente YSL/Bergé, il y en a deux: l'une qui fait la une des media et l'autre dont personne ne parle tellement c'est devenu courant. La première concernen les deux têtes en Bronze pillées par les militaires français et anglais en 1860 lors du saccage du palais d'été.

voici le lettre de Victor Hugo au capitaine Butler:

Citer :
Hauteville House, 25 novembre 1861

Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l'expédition de Chine. Vous trouvez cette expédition honorable et belle, et vous êtes assez bon pour attacher quelque prix à mon sentiment ; selon vous, l'expédition de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de l'empereur Napoléon, est une gloire à partager entre la France et l'Angleterre, et vous désirez savoir quelle est la quantité d'approbation que je crois pouvoir donner à cette victoire anglaise et française.

Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici :

ll y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; cette merveille s'appelait le Palais d'été. L'art a deux principes, l'Idée qui produit l'art européen, et la Chimère qui produit l'art oriental. Le Palais d'été était à l'art chimérique ce que le Parthénon est à l'art idéal. Tout ce que peut enfanter l'imagination d'un peuple presque extra-humain était là. Ce n'était pas, comme le Parthénon, une œuvre rare et unique ; c'était une sorte d'énorme modèle de la chimère, si la chimère peut avoir un modèle.

Imaginez on ne sait quelle construction inexprimable, quelque chose comme un édifice lunaire, et vous aurez le Palais d'été. Bâtissez un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois de cèdre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici sanctuaire, là harem, là citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des monstres, vernissez-le, émaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites construire par des architectes qui soient des poètes les mille et un rêves des mille et une nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des jaillissements d'eau et d'écume, des cygnes, des ibis, des paons, supposez en un mot une sorte d'éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c'était là ce monument. Il avait fallu, pour le créer, le lent travail de deux générations. Cet édifice, qui avait l'énormité d'une ville, avait été bâti par les siècles, pour qui ? pour les peuples. Car ce que fait le temps appartient à l'homme. Les artistes, les poètes, les philosophes, connaissaient le Palais d'été ; Voltaire en parle. On disait : le Parthénon en Grèce, les Pyramides en Egypte, le Colisée à Rome, Notre-Dame à Paris, le Palais d'été en Orient. Si on ne le voyait pas, on le rêvait. C'était une sorte d'effrayant chef-d'œuvre inconnu entrevu au loin dans on ne sait quel crépuscule, comme une silhouette de la civilisation d'Asie sur l'horizon de la civilisation d'Europe.

Cette merveille a disparu.

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d'été. L'un a pillé, l'autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu'il paraît. Une dévastation en grand du Palais d'été s'est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d'Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu'on avait fait au Parthénon, on l'a fait au Palais d'été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n'égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l'orient. Il n'y avait pas seulement là des chefs-d'œuvre d'art, il y avait un entassement d'orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L'un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l'autre a empli ses coffres ; et l'on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l'histoire des deux bandits.

Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait à la barbarie.

Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France, l'autre s'appellera l'Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m'en donner l'occasion ; les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelquefois des bandits, les peuples jamais.

L'empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd'hui avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à-brac du Palais d'été.

J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée.

En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate.

Telle est, monsieur, la quantité d'approbation que je donne à l'expédition de Chine


On s'étonne aujourd'hui des réactions chinoises mais cette lettre est connue par tous les écoliers chinois...


La deuxième polémique concerne les marbres antiques, presque tous ne possèdent pas d'indication de provenance avant 1970, date de la convention internationale sur ce sujet. En clair ces marbres sont apparus sur le marché récemment, on peut donc penser sans trop de difficulté que ceux-ci ont peut-être été pillés récemment en Turquie ou en Lybie et mis sur le marché illégalement (et sans pudique maquillage de provenance du style: provient de la collection d'une vieille lady comme on en voit trop souvent). Il est clair que les collectionneurs ayant un minimum d'éthique (puisque nous parlons de cela) se seraient posés des questions et auraient eu au moins l'exigence de ne pas acheter de telles oeuvres sans pedigree.


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 04 Mars 2009 14:00 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Citer :
Je ne vous suis pas là-dessus. Comment profite-t'on d'une oeuvre d'art ? En la voyant fugitivement une fois dans un musée, ou en l'ayant chez soi ?


Très certainement en la voyant dans un musée ou une église. Je ne voudrais pas que la vocation de Saint-Mathieu ou Guernica fassent partie de mes meubles et que je finisse par passer devant sans les voir. En plus si j'en avais chez moi pour 300 millions d'euros d'œuvres d'art je me réciterais toujours la fable du savetier et du financier et je crèverais de trouille de me faire trucider pour ça. Et puis c'est bien agréable d'aller à Florence pour voir la nuits de Michel Ange.

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Alceste

Que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants... ne soient pas des signaux de haine et de persécution...

La prière de Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 04 Mars 2009 21:36 
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Jean Froissart
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Au cours d'une conférence de presse à Pékin, l'acheteur des deux bronzes chinois a annoncé son refus de les payer sans donner de raison très claire. Il dirige une maison d'enchères basée à Xiamen. Il parlait en compagnie du directeur adjoint du Fonds du patrimoine national de Chine. Donc, il semble que cet acheteur ait agi en accord, ou aux ordres du gouvernement chinois. Pierre Bergé a indiqué qu'il garderait les statuettes si l'acheteur se désistait.

Ce que je me demande depuis le début, c'est pourquoi Christies a été choisi au lieu de Drouot.


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 04 Mars 2009 22:40 
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Grégoire de Tours
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Sur la polémique avec les Chinois, voir le Figaro du 3 mars :
Citer :
La vente de la collection d'Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé a rapporté en trois jours plus de 373 millions d'euros, dont 31,4 millions pour les deux bronzes chinois controversés, la tête de lapin (ci-dessus) et la tête de rat. Crédits photo : AP
C'est un collectionneur chinois, soutenu par les autorités de Pékin, qui a acheté les deux statuettes de la vente YSL-Bergé. Aujourd'hui, il refuse de payer.

Comment l'État chinois a-t-il préparé sa riposte à la vente des deux bronzes de la collection Saint Laurent-Bergé qu'il a tenté de faire interdire ? Lundi, un coup de théâtre, formidablement orchestré, est venu enfler la polémique francochinoise née de l'adjudication record, à 31,4 millions d'euros, des deux têtes de rat et de lapin provenant du sac du Palais d'été de Pékin par les troupes franco-britanniques, en 1860. À l'issue de la vente, mercredi dernier, sous les caméras de nombreuses télévisions à la sortie du Grand Palais, l'avocat de l'association plaignante, soutenue par le gouvernement chinois et le Fonds du patrimoine national de Chine, mais pourtant déboutée par le tribunal de Paris, avait réitéré ses menaces de poursuites. Qui y aurait cru ? La vengeance, comme celle du tigre, est aussi sournoise que foudroyante.


Caché pendant la vente derrière le téléphone de Thomas Seydoux, chef du département monde impressionniste et moderne de Christie's, l'acheteur vient de tomber le masque. C'est en grande pompe que Cai Mingchao, collectionneur d'art chinois, familier des sauvetages d'antiquités de son pays et dirigeant d'une petite maison d'enchères de Xiamen, dans le Sud-Est, a révélé son identité avec la bénédiction des autorités. «Je l'ai fait pour le peuple chinois. Je crois que n'importe qui en Chine aurait voulu être à ma place. J'ai pu le faire, je n'ai fait que remplir mon devoir», déclarait le collectionneur devant un parterre de journalistes réunis lundi en conférence de presse à Pékin.

Les responsables du National Treasure Funds of China (NFTC), organe contrôlé par le ministère de la Culture chinois chargé de retrouver les objets d'art du patrimoine national partis à l'étranger, ont repris les mots de M. Cai, qui estimait que les 31 millions d'euros engagés à la vente ne «pouvaient pas» être payés. Le collectionneur exclut de verser quoi que ce soit pour récupérer un bien qui revient de droit à la Chine.


Une plaie dans la mémoire collective chinoise
Pourtant, en 2000, le Poly Art Museum, détenu par la société publique d'armement Poly Corporation, avait payé 5,4 millions de dollars pour trois têtes de bronze de la même fontaine zodiacale dont proviennent les têtes de la collection YSL-Bergé. L'histoire obscure de l'acquisition de ces statuettes a ravivé une plaie dans la mémoire collective chinoise. Toute l'humiliation subie par une Chine impériale en plein déclin en cette deuxième moitié du XIXe siècle. Il n'en fallait pas plus pour réveiller les internautes chinois au verbe nationaliste facile.

Depuis décembre dernier et l'annonce de la «vente du siècle» à Paris, la Toile chinoise n'a cessé de s'agiter avec véhémence. Au terme d'une année difficile pour les relations franco chinoises, le gouvernement a saisi l'occasion d'accentuer sa pression sur la France et de raviver le sentiment antifrançais. La révélation choc de M. Cai n'a pas manqué de faire réagir les blogueurs. «Bravo, Cai Mingchao ! Son comportement démontre son amour de la patrie, son sens des affaires, et lui fait une bonne publicité gratuite», écrit Yang Qichao, peintre et blogueur, qui rassemble quelque 300 000 visiteurs sur son site.

Aujourd'hui, Cai Mingchao fait partie des patriotes modernes. De ceux qui ont bien voulu sacrifier leur réputation professionnelle internationale pour participer à la fierté chinoise. Son pied-de-nez a plu à beaucoup d'internautes. Sur Sohu, un des premiers portails chinois, un internaute sur deux jugeait l'intervention de M. Cai très bonne. «Si la Chine ne s'était pas intéressée à cette vente, elle n'aurait pas eu d'intérêt. C'est nous (les Chinois) qui décidons du prix final», estime pour sa part un certain wesey123 sur le forum Tianya.

Encore inconnu du grand public il y a trois ans, Cai Mingchao n'en est pas à son premier fait d'armes. En octobre 2006, il fait parler de lui en achetant un bouddha de bronze du XVe siècle, pour 15 millions de dollars chez Sotheby's à Hongkong : le prix le plus élevé jamais payé à l'époque pour une pièce chinoise ancienne. La croisade de M. Cai pour sauver les antiquités parties de Chine commençait avec fracas. «Je n'ai pas vraiment fait attention au prix, je voulais juste ramener ce trésor national à la maison », déclare-t-il en sortant de la vente à Hongkong. Le généreux geste le fait connaître auprès du public chinois, mais aussi des places de ventes de l'ancienne colonie britannique, où les plus grandes maisons sont implantées. Il lui vaudra même une invitation l'été dernier sur l'antenne de Phoenix TV, télévision hongkongaise très populaire en Chine, pour l'émission «The Auction», le plus regardé des programmes sur l'art.


«Grillé» sur le marché
Originaire de Xiamen, l'ancienne Amoy, port ouvert hollandais du temps des concessions étrangères, l'homme d'affaires nourrit une vraie passion pour l'art. Il a deux marottes : les porcelaines des périodes Ming et Qing et les objets de culte bouddhistes. Il en fait d'ailleurs son métier en créant une première société de ventes d'art spécialisée dans la porcelaine chinoise au début des années 1990. Puis sa seconde passion le pousse à ouvrir une maison de ventes aux enchères, en 2005. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il jette son dévolu sur le fameux bouddha de bronze en 2006. À l'époque, les experts s'interrogent sur ce businessman peu connu des milieux de l'art internationaux, mais il se contente de rire quand le quotidien hongkongais, South China Morning Post, lui demande s'il n'est pas un agent de Pékin.

Deux ans et demi plus tard, la question ne provoque plus aucune hilarité. Les têtes de bronze ne font pas partie des pièces habituellement chassées par M. Cai. Le collectionneur de Xiamen ne répond pas franchement quand on lui demande s'il a mené les enchères au nom de la NFTC. Le fonds qui dépend du ministère de la Culture est, en revanche, moins réservé. «Le fonds a bravé une immense pression et des risques pour participer à la vente des deux sculptures, mais c'est une méthode extraordinaire prise dans une situation extraordinaire qui a permis d'arrêter les enchères», se félicitait Niu Xianfeng, directeur adjoint du fonds, qui se tenait aux côtés de M. Cai, lundi matin, à la conférence de presse. En clair, Pékin a pu profiter de la réputation du collectionneur pour pouvoir enchérir - uniquement sur inscription - et obtenir ce que les tribunaux français n'avaient pas voulu accorder aux 90 avocats dépêchés sur l'affaire : la suspension de la vente jugée «illégale» par la Chine. Aujourd'hui, M. Cai risque bien d'être «grillé» sur le marché.

Lundi, Christie's restait sur ses gardes en indiquant dans un bref communiqué qu'il n'a pas, «par principe, à s'exprimer sur l'identité des acheteurs ou des vendeurs, et à spéculer sur les mesures à prendre dans cette affaire». Et François de Ricqlès, l'homme-orchestre de cette vente, de préciser que «pour l'heure, Christie's n'a pas été officiellement avertie de quoi que ce soit». C'est donc à Pierre Bergé de décider de la mesure à prendre si l'acheteur, comme il l'a déclaré, ne veut pas ou ne peut pas payer. «Le vendeur a un mois pour engager une procédure de mise en demeure par voie d'huissier pour obliger l'acheteur à payer son lot, explique François Duret-Robert, auteur du Droit du marché de l'art. S'il ne fait rien, la vente est résolue et de fait annulée.»

Conformément aux dispositions de l'article L. 321-14 du Code de commerce, à défaut de paiement par l'adjudicataire et après mise en demeure restée infructueuse, le bien peut être remis en vente à la demande du vendeur sur «folle enchère» de l'adjudicataire défaillant. Et ce serait à l'acheteur initial, le Chinois Cai Mingchao, de payer la différence si la nouvelle adjudication est inférieure à celle atteinte pendant la vente au Grand Palais. Mais engager une procédure contre les Chinois relève du combat de David contre Goliath. Comment s'attaquer à plus fort que soi ?

Pierre Bergé, qui avait attisé la colère des Chinois en évoquant la question des droits de l'homme au Tibet, avoue qu'il ne pourra «sans doute rien faire contre cet acheteur qui n'est ni francais ni américain. C'est peine perdue. Ces têtes étaient chez moi, elles y retourneront, et nous continuerons à vivre ensemble, elles et moi, de chaque côté de mon Picasso, que je suis ravi d'avoir gardé.» Mais, a-t-il ajouté, «si c'est une manœuvre pour me faire baisser le prix de ces têtes pour que l'État chinois les rachète ensuite en sous-main, je ne marche pas !»


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 05 Mars 2009 10:25 
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Hérodote
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Inscription : 01 Nov 2007 19:27
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Je ne comprends pas le rejet du référé car il y a effectivement recel dans cette affaire, la vol est prescrit depuis bien longtemps mais le recel, lui, est imprescriptible dans le droit français.


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 Sujet du message : Re: Vente Yves Saint-Laurent
Message Publié : 05 Mars 2009 20:22 
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Salluste
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Inscription : 26 Avr 2004 18:52
Message(s) : 243
Localisation : Luxembourg
Je vais m'exprimer en droit (et non moralement relativement aux fruits de ce pillage éhonté que je réprouve profondément).

Pour qu'il y ait recel, encore faudrait-il qu'une infraction ou un délit ait permis la soustraction originelle de l'objet.

Il ne peut donc y avoir recel au cas particulier, sauf à ce que la justice française reconnaisse que les biens sortis du Palais d'Eté en 1860 le furent par un vol (prescrit ou non).

Très difficile à établir en temps de guerre, et plus encore dans les conditions ayant mené à la décision militaire du pillage du palais (torture et exécution sommaire des plénipotentiaires anglais faut-il le rappeler).

Reconnaître une infraction originelle de vol dans les évènements de 1860 équivaudrait à considérer également l'Etat français comme receleur pour partie des collections du Musée Guimet et du Musée Chinois de l'Impératrice à Fontainebleau. Précédent qui n'est pas prêt de se produire sans doute.

_________________
Sébastien


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