béria a écrit :
on n'a pas tous été exposés de la même manière à la culture légitime (càd la culture scolairement valorisée) et pour certains l'ajustement entre leur propre culture et leurs ambitions (et bien entendu la manière de les satisfaire) se fait tout naturellement, avec à peine l'effort minimal requis et l'idéologie du don qui en résulte. les élèves, les étudiants doués traversent leurs études sur le mode de l'évidence car ils bénéficient de cet ajustement entre leurs attentes et leurs possibilités.
pour les autres qui n'ont pas baigné dans le bon environnement, un travail d'acculturation est à faire, un travail qui demande davantage d'effort et vaut souvent à ceux qui passent par là moins les qualificatifs d'élèves "doués" que d'élèves "appliqués". c'est juste ça, l'acculturation.
en cela je ne fais que reformuler ce que saint pierre b. a si bien dit.
l'école et plus encore la prépa sont des machines à formater : elles enseignent ce qu'il faut savoir et ce qu'il faut dédaigner, ce qu'il faut dire ou ne pas dire, comment le dire et comment ne pas le dire. un candidat qui réussit un concours sait tout ça, avec plus ou moins de conscience en fonction de l'effort qu'il a dû faire pour savoir réussir un concours.
plus spécifiquement, pour ce type de concours, il faut devenir une machine à traiter des sujets dont on maîtrise les ressorts, devenir une machine à problématiser et à faire des plans en 3 parties, 3 sous-parties, 3 paragraphes. dès que tu regardes un arbre, une problématique et un plan qui te viennent spontanément à l'esprit. faut devenir aussi une machine à sélectionner les informations qu'il sera nécessaire de connaitre pour les utiliser de la manière attendue. les scrupules sont interdits, les connaissances sont amples mais superficielles, acquises le plus souvent par des lectures indirectes, des cours, des résumés, de la seconde main qui permet de donner l'illusion de l'expertise sur tous les sujets.
le talent c'est ça : savoir se conformer aux idées légitimes que les gens légitimes se font du talent. faut flatter ces gens légitimes en leur montrant qu'on leur ressemble. un concours est fondamentalement un exercice d'imitation.
Cette culture-là, je pense la maîtriser à l'écrit, bien moins à l'oral. Mais c'est vrai que j'ai dû l'acquérir, étant donné le milieu social d'où je viens (et dont je suis fier). Ce ne fut pas "naturel". À l'oral, il doit aussi me manquer un certain
ethos : le pense que le jury voit que je suis mal à l'aise ; quand je suis devant eux, je crains de donner l'impression de ne pas être légitime. C'est aussi (d'abord ?) un problème de confiance en soi.