Nominoë a écrit :
Les arabo-berbères se sont-ils contentés d'occuper les espagnols ou bien ont-ils établi une colonie de peuplement?
Au début, c'est plutôt une occupation qu'une colonisation : la conquête est rapide et on ne pense pas à faire appel à des colons. Puis malgré les appels des autorités, il y a très peu d'immigration en provenance du Maghreb et de l'Orient avant le Xème siècle.
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Les autochtones ibères étaient-ils exterminés, refoulés par les razzias et incursions?
Les "autochtones ibères" sont en majorité des chrétiens et des juifs d'Hispania. La péninsule est romanisée en profondeur avant l'arrivée des wisigoths, alains et autres suèves (mis à part l'extrême Nord Ouest peut-être). Le royaume de Tolède l'avait unifiée sous le catholicisme (reniant l'arianisme qui prévalait chez les Wisigoths).
Ces autochtones sont donc évidemment exterminés (pour les armées wisigothiques) ou refoulés au Nord. Mais une grande partie reste en territoire musulman : la conquête est rapide. Certains fuient toujours plus en avant vers le Nord et résistent (Pelayo et la bataille de Covadonga, acte de naissance de la Reconquête pour l'historiographie espagnole).
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Les traits particuliers des espagnols actuels sont-ils dûs au métissage des envahisseurs avec les autochtones?
En quelque sorte... tout dépend de ce que vous appelez "traits particuliers". L'apport arabo-musulman se ressent surtout dans la langue (près 900 mots espagnols sont d'origine arabe je crois, ce qu'on retrouve aussi beaucoup dans les toponymes). Mais la péninsule ibérique sous l'occupation musulmane est une vraie mosaïque ethnique, religieuse et culturelle. Ceci répondra sans doute à une autre de vos questions :
l'islam réserve un traitement "de faveur" aux chrétiens et aux juifs, considérant judaïsme et christiannisme comme des "religions du Livre", des religions révélées (via des prophètes, que l'islam reconnaît, comme Jésus). Ils peuvent conserver leurs coutumes, leur religion, en l'échange du paiement d'un impôt de capitation (le zakat). On les appelle alors les "dhimmi", les tributaires. Au début et en théorie, ces dhimmi ne sont pas inquiétés. C'est seulement à partir du IXème siècle que le "problème" chrétien se posera vraiment aux autorités (des chrétiens de Cordoue et des monastères du Nord provoquent le pouvoir... et leur martyr).
Là où ça se complique, c'est que certains dhimmi, pour échapper à cette fiscalité, se convertissent : ce sont les "muwalladun", les nouveaux convertis. Ajoutez-y les esclaves, soudanais ou slaves, les affranchis, les colons berbères...
Et puis, dans un premier temps, le gros du conflit social se situe ailleurs, entre berbères et arabes, ceux-ci eux-mêmes divisés entre pro-arabes et partisans de l'ouverture aux berbères (qui restent dans la vision arabe du problème des "nouveaux convertis").
En ce qui concerne le métissage, c'est le gros du débat historiographique et idéologique contemporain concernant l'Espagne. Certains tendent à renier et à obscurcir cette période (ce qui se fait depuis l'époque moderne en fait, dans une Espagne ultra-catholique), d'autres en font trop sur l'arabisation de la péninsule. Il y a débat pour savoir si les différentes communautés étaient assez hermétiques les unes aux autres (c'est cette thèse qui prévaut, même si ça casse évidemment le mythe d'âge d'or que certains caressent) ou si on se mêlait. Il y a aussi débat sur l'évolution chronologique de deux phénomènes qu'il faut distinguer, l'arabisation et l'islamisation. Avis et dates charnières divergent... Il me semble avoir lu qu'il faut attendre le Xème siècle pour voir les musulmans majoritaires en al-Andalus, mais les usages, les vêtements, les moeurs, la vie avait déjà dû s'arabiser.
Tout ce qui est sûr, c'est que cette période de 7 siècles a laissé des traces, et pas seulement sur le paysage.
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Comment se fait-il qu'il ait fallu tant de siècles pour reconquérir l'ibérie?
"Hispania" vaut mieux qu'"Ibérie". C'est le nom que les contemporains donnent à la péninsule, péninsule qui leur revient, dans leur idée, de droit (héritage wisigothique oblige).
D'abord, il y a les dissenssions et les rivalités entre royaumes chrétiens (Castille, Aragon, Navarre, puis Portugal) qui font qu'ils ne sont pas si souvent que cela unis dans l'action de Reconquête (même s'ils le sont dans l'idée, puisque tous chrétiens). Il y a de grands moments qui scandent ce processus, la prise de Tolède à la fin du XIème, puis la grande avancée du XIIIème siècle et la victoire de Las Navas de Tolosa. Mais, encore une fois, les royaumes chrétiens ne sont pas tous unanimement tendus au même moment vers la Reconquista. Or la coalition de leurs forces est bien souvent nécessaire pour "avancer" (Las Navas de Tolosa). En face, les coups de boutoir sont parfois violents, certaines villes sont prises et reprises plusieurs fois, l'arrivée de nouvelles dynasties en péninsule repoussent le front (les Almoravides puis les Almohades). Il faut ajouter à cela que d'autres logiques prévalent : ainsi, on n'est pas toujours en guerre ouverte, des moments de trêve, des pactes, des statu quo, des serments de vassalité, des traités sont conlus. C'est pourquoi la Reconquête est un mouvement qui prend du temps, et n'est pas un "rouleau compresseur".
Certains détails sont soumis à caution, j'ai lu tout ça il y a un moment maintenant et je n'ai pas les ouvrages sous les yeux. Mais ça devrait vous éclairer un minimum :p