Hé bien, je suis étonné qu'on puisse gloser autant sur ce nom !
La page de
Wikipedia a beaucoup bougé. Après avoir mentionné, source à l'appui, que Mahomet était bien la françisation du turc Mehemet, elle fait maintenant la part belle à la théorie de Michel Masson sur la cacophémie.
Rien n'est évidemment impossible, mais je ne trouve pas l'article de M.Masson,
À propos de la forme du nom de Mahomet, accessible depuis la page, très convaincant. Le raisonnement est - pour faire court - que puisque des déformations de "Mahomet" sont à connotation péjorative, alors le terme "Mahomet" l'est aussi, et il s'étaie avec un présupposé qui me semble contenir un jugement de valeur :
Michel Masson a écrit :
Bien entendu, on aura reconnu dans cette exploitation du nom du Prophète la motivation xénophobe la plus délirante, celle de gens totalement christianisés pour lesquels toute croyance étrangère relève de l’abomination. La haine ainsi manifestée par les chrétiens à l’endroit de l’islam pouvait encore être accentuée du fait qu’ils avaient été attaqués et vaincus à plate couture et, pire, peut-être craignaient-ils aussi qu’après avoir écrasé le christianisme de ses domaines asiatiques et africains, les musulmans ne s’apprêtent à les anéantir partout définitivement.
Il ne dit pas à quelle date il situe cette perception. À la fin de l'article, il dit que la forme "Mahom" apparaît au XIe siècle dans la
Chanson de Roland, et ce siècle n'est précisément pas celui dans lequel les Chrétiens sont battus par les Musulmans "à plate couture".
En fait, le mystère se résume à une interversion de syllabe [ao] et [oa]. On peut se poser la question : pourquoi ne se serait-ce pas une simple erreur de copiste ? (Hypothèse invérifiable : un copiste distrait, car amoureux d'une dénommée Mahaut
)
Le passage du Turc n'est toujours pas impossible : sait-on si les Turcs ont toujours utilisé la forme arabe ? N'est-ce pas un usage ottoman plus que seldjoukide ? Du reste, rien n'empêche à une erreur de bonne foi d'un auditeur qui a échangé avec des Turcs, mais est peu au fait des subtilités liturgiques. Ajoutons à cela qu'en dehors du Coran, les arabisans ne disposent que de textes sans voyelles - et donc, ont-ils appris à lire les voyelles ? - et quand on sait que, dans une autre langue sémitique "Nebuchadnezar" peut également se lire "Nabuchodonosor", on se dit que les échanges entre a et o sont plutôt faciles...
Parmi des appellations déformées qui ont fini par s'imposer, on peut aussi penser à la Chine ("Djong Kuo" en chinois, c'était une désignation de la monarchie des Qin), Confucius, et d'innombrables autres déformations.