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Qui peut nier que la statuaire de Reims (XIIIè siècle) n'évoque pas des figures, des drapés antiques ?
Regardez l' abbatiale de Saint Gilles du Gard (XIIè siècle)...d'inspiration véritablement romaine !
Par Renaissance, on n’entend pas seulement le retour aux formes antiques, ce n’en est qu’un des critères, et loin d'être le plus déterminant, l'essentiel étant que la représentation des formes anciennes s’accompagne d’une sensibilité nouvelle, celle de la promotion de l’individuel, et cette dimension manque à la statuaire et à la peinture médiévale : les personnages et les objets y sont des allégories, leur apparence compte moins que le sens dont ils sont porteurs.
Dans
l’Eloge de l’individu, cité plus haut, Todorov analyse de façon lumineuse l’enluminure « Octobre » des Très Riches heures du duc de Berry »(Flandre et France du nord, pourtant, début XVème, donc avant les Arnolfini, ) : regardez bien les personnages et les animaux : ils ont une ombre... Etonnant car d’autres enluminures des
Mois de cette même oeuvre ne montrent pas cette particularité.
Qu'est-ce que cela signifie ?
Ces personnages s’inscrivent dans un espace réel, ils sont des individus, pas des archétypes.
Ces personnages s’inscrivent dans le temps, l’ombre est la conséquence d’une lumière portée et donc d’un moment du jour. Notion renforcée par une autre observation : la semeuse du premier plan a laissé la trace de ses pas dans la terre du champ, elle est en mouvement, elle va quelque part, ce qui paraît banal, mais l’important est que l’artiste a jugé important de montrer ainsi la dimension temporelle dans laquelle elle s’inscrit.
Peut-on trouver dans l’iconographie médiévale une telle représentation concrète de la singularité de l’être dans sa dimension temporelle ?
Bien sûr, le symbole n'est pas absent, mais pour reprendre une expression de Panofsky, c'est un "symbolisme déguisé" en opposition avec le "symbolisme manifeste" du Moyen-âge.