Je suis plutôt d'accord avec le Rochejaquelin. La citoyenneté est liée au rôle militaire, les exceptions sont plutôt là pour confirmer la règle générale.
Les esclaves, hilotes, métèques etc. étaient rarement utilisés, uniquement en cas de péril extrême. Car leur participation active à la guerre mettait en péril l'équilibre politique de la cité, qui souvent redoutait davantage des revendications de leur part qu'une défaite militaire. C'est pourquoi l'utilisation d'esclaves était souvent (presque toujours) assortie de la promesse de liberté, voire même de la citoyenneté; idem pour les hilotes lacédmoniens (ce qui paniquait littéralement les Spartiates, puisque dans la foulée ils ont massacré odieusement la plupart des candidats !), etc...
Le cas des métèques est plus délicat, ils ont déjà des droits, leur contribution militaire peut donc y trouver une justification. Par ailleurs, ils ont déjà une "nationalité". Combattent-ils alors à titre d'allié ? Et de ce fait, seuls les mérites exceptionnels sont récompensés par l'adoption de la nationalité, comme d'autres alliés valeureux ont pu en bénéficier à l'occasion (les Platéens à Athènes par exemple me semble-t-il, d'autres exemples de garnisons étrangères braves qui obtiennent la nationalité de leurs protégés reconnaissants, etc.)...
Pour en revenir au femmes, le rôle militaire d'Artémise, femme du roi Mausole, reine d'Halicarnasse, est célèbre grâce au chauvinisme romantique de Hérodote. Mais là aussi, c'est l'exception, et elle est bien présentée comme telle.
Tout d'abord, elle n'était pas sensée se battre. Mais son mari est mort, ses enfants trop petits, elle doit compenser leur absence et représenter sa patrie dans l'armée de Xerxès. Envoyer un général aurait été une solution. Pourquoi s'est-elle déplacée elle-même ? Confier une armée à un condotière était peut-être dangereux pour la stabilité de son trône, surtout si le-dit général se retrouvait dans l'intimité du Roi des Rois. C'était au contraire une occasion unique pour Artémise d'assurer son pouvoir, voir de l'étendre, en côtoyant Xerxès en personne. Bref un choix avant tout politique, en complément ou non de ses aspirations martiales personnelles.
Ensuite sa bravoure et son audace sont hautement salués comme des vertus... masculines par excellence ! Elle est belle et bien considérée comme différente de celles de son sexe, un garçon manqué dirait-on de nos jours. D'ailleurs, est-t-elle grecque ? Même hellénisée, elle reste carienne avant-tout, et son cas peut difficilement illustrer ce sujet.
L'exemple type est le mythe des Amazones, une société renversée où les femmes dominent les hommes, et pour cause, les femmes composent l'armée, les hommes en sont exclus (et les nourissons ont les épaules déboîtée pour les rendre impropre au maniement des arcs nous raconte Diodore !). Ici aussi, le lien entre la force militaire et le pouvoir politique est étroit. Ces femmes guerrières sont reconnues comme des égaux par les guerriers grecs du fait de leur vertu martiale, et c'est cette puissance militaire qui justifie leur pouvoir politique, et a contrario, l'incapacité militaire de leur mari justifie leur exclusion de la vie politique.
Il s'agit donc bel et bien d'une vision inverse de la réalité grecque, un miroir déformant, mais s'appuyant sur le même principe. Nous sommes loin des femmes grecques raillées par Aristophane.
Bref, il me semble bien à moi aussi que c'est l'absence de rôle militaire dévolue aux femmes qui explique leur exclusion de la citoyenneté.
Ce raisonnement peut d'ailleurs être prudemment généralisé à l'ensemble des constitutions grecques. Une puissance navale comme Athènes est en mesure d'employer de nombreux citoyens pauvres dans la marine comme rameurs, et par conséquent, le régime le plus stable sera la démocratie. Une cité dont l'armée repose au contraire sur les Hoplites sera davantage tentée par une aristocratie large, comme celle de la révolution oligarchique athénienne à la fin de la guerre du Péloponnèse, marquée par la perte de la flotte. A plus forte raison, les cités thessaliennes où la puissance militaire est surtout le fait de la cavalerie, arme aristocratique par excellence, développeront des régimes à tendance aristocratique marquée.
Mais ce processus est perturbé par des facteurs de politique extérieur à la cité, des interventions étrangères, etc, ou par l'apparition de tyrannie qui peuvent au choix s'appuyer sur les uns ou les autres. Bref, rien de systématique, mais une ligne directrice...
Euh, je sors du sujet...
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