Je vais faire rapide car je serais bien incapable de résumer ici le bouquin de G. Mosse "Les racines intellectuelles du IIIe Reich" - surtout que je ne l'ai pas fini
mais j'ai lu le chapitre qui traite de l'impact des idées völkisch sur l'éducation et la jeunesse.
Schématiquement c'est un mouvement issu du romantisme qui place le peuple, la race allemande multiséculaire au-dessus de tout; ce Volk est censé avoir été au fil de l'histoire la vraie source de toutes les bonnes idées, de la vraie spiritualité, la seule capable d'élévation d'esprit, celle qui a vaincu aux moments clés de l'histoire, etc etc. Ce sont des idées qui s'opposent à l'industrialisation et à l'urbanisation, à une modernité jugée source de dégénérescence, coupant le Volk de ses liens mystiques avec la terre, les paysages allemands, le Cosmos. Il faut donc restaurer ces liens et ce peuple dans son rang, exalter les valeurs de la paysannerie et de l'artisanat, une religion "véritablement allemande", qui tend à devenir un néo-paganisme germanique. L'ordre des temps médiévaux est souvent exalté comme une sorte de perfection à retrouver. On prône donc le sain effort physique, le travail de la terre, le culte d'un glorieux passé allemand à restaurer, d'un Volk au service duquel chacun se doit; et bien entendu d'une race pure. Le Juif, réputé "apatride", citadin, à son aise dans le monde des affaires, de la finance et de l'industrie qui triomphe et répugne à ces penseurs, réputé aussi incapable de vrais élans mystiques, est défini comme le négatif du parfait Allemand, et donc, l'ennemi implacable du Volk allemand.
Les thèses défendues dans le cadre de ces idées font régulièrement dans l'absurde, par exemple la lecture du caractère de l'individu dans la morphologie de son crâne... mais, et Mosse avoue ne pas savoir l'expliquer, elles séduisent. Peut-être parce qu'elles sont
autres, une évasion du monde réel des cheminées d'usine et de l'acier Krupp.
Ces idées ont été développées, au départ, par des penseurs même pas tous allemands (Gobineau, de Lagarde, Chamberlain) et parfois dans des cercles ridiculement petits, mais grâce à quelques personnalités clés, des éditeurs, des hommes influents, elles ont été largement diffusées, par des romans aux héros pur jus völkisch, des brochures, jusqu'à intégrer au tournant du siècle les programmes scolaires (Heimatkunde, la matière consacrée au pays natal). Les mouvements et associations de jeunesse les ont reprises avec enthousiasme tant elles avaient de quoi exalter la jeunesse bouillante d'un pays encore tout jeune, cherchant à se faire une place; des idées vendues comme plus vastes, plus nobles que la carrière dans l'empire allemand bourgeois. (on imagine qu'un ado se rêve plus chevalier que banquier !) Ces jeunes d'avant la PGM sont devenus des hommes influents, et grâce au mythe du Coup de poignard dans le dos, les idées völkisch, non seulement ont survécu à la gifle que représentait 1918 (les bô guerriers germains ratatinés par des Franco-Anglo-Américains venus de toute la planète, ça avait de quoi faire désordre dans le landerneau) mais ont rebondi jusqu'aux sommets que l'on sait. L'imprégnation était forte et elle a très vite repris tout son dynamisme, ces idées étaient dans l'air.
Pour G. Mosse, le nazisme EST un mouvement völkisch, tout simplement. Il se distingue de pas mal d'entre eux par le fait qu'il adresse son discours aux masses, mais ce discours est du plus pur völkisch.
Voilà ce que j'ai retenu de ce bouquin. Il y avait ce terreau qu'on oublie très souvent quand on se demande pourquoi le nazisme a disposé pendant des années d'une telle assise populaire, il y avait cette habitude de tenir de tels discours à la jeunesse allemande, cette jeunesse allemande qui, depuis des décennies, y répondait favorablement. C'est certainement une part importante de la réponse à la question, mais sans doute pas toute la réponse. Et si un vrai spécialiste pouvait nous préciser tout ça, ce serait parfait.