persephone66 a écrit :
Aujourd'hui en 2011, le travail semble être considéré pour beaucoup de gens comme une valeur capitaliste (ump) voir parfois comme carrément réactionnaire (on rappelle souvent le fameux "travail, famille, patrie").
Votre évocation de l'UMP sort des limites chronologiques du forum. On peut néanmoins vous apportez deux nuances importantes sur ce que vous venez d'écrire :
1. Son programme politique classe l'UMP parmi les partis socio-démocrates, aussi bien historiquement (par exemple, dans la France d'avant 1950) que géographiquement (partout ailleurs dans le monde).
2. Le régime vichyste fut aussi porté et inspiré par nombre de sympathisants socialistes et certains termes qu'il véhicule (révolution nationale, travail) furent fondés et portés par les progressistes depuis 1789 au moins.
persephone66 a écrit :
Pourtant, au 19e siècle, Marx a exprimé l'idée que le travail était l'essence de l'homme et il me semble que dans mal de textes littéraires ou non de gens étiquetés comme étant "à gauche" à cette époque, loin d'être considéré comme une valeur capitaliste, le travail est opposé à l'oisiveté des possédants qui eux ne travaillent pas ou bien peu en comparaison avec l'ouvrier et qui ne font que profiter du fruit du labeur des autres.
Tout à fait, nombre de partis socialistes ayant d'ailleurs pour dénomination "parti des travailleurs" ou "parti travailliste", c'est-à-dire les partis des travailleurs et classes laborieuses.
persephone66 a écrit :
Peut on penser que les choses auraient surtout changé dans les années 1968 où l'individualisme montant et l'opinion publique (surtout les jeunes) jugeant de plus en plus l'idée de "devoir" conservatrice, la gauche aurait progressivement cessé de valoriser le travail ?
De même que je pense que la bourgeoisie est l'horizon des prolétaires (et la réalité des apparatchiks), l'oisiveté des privilégiés est devenue le programme des partis travaillistes/socialistes. On pourrait même juger que la plus grande trahison des régimes communistes est d'avoir maintenu le prolétariat dans son indigence matérielle.
persephone66 a écrit :
Pour ce qui concerne la droite, le 19e siècle serait partagé par deux tendances (la deuxième devenant peut être dominante dans la deuxième moitié) :
-l'une basée sur une conception aristocratique qui prône le mépris du travail (en gros les propriétaires terriens qui méprise ceux qui cherchent à s'enrichir mais qui ne voient aucun problème moral à profiter passivement de ce qui a été amassé par leurs ancêtres et des rentes que cela leur procure)
A l'instar d'une certaine pensée chrétienne, ce parti-là estime également que l'oisiveté engendre des vices et qu'une population bien tenue est une population qui travaille, tout comme on occupe des enfants pour éviter leurs bêtises.
persephone66 a écrit :
-l'autre qui s'apparenterait au mythe du "self-made-man" et au darwinisme social. Cette droite là valoriserait une certaine idée du mérite et du travail dont le contenu serait en total opposition avec les valeurs mérite et travail telles que se les représentent les socialistes.
Le parti du "self made man" est déjà progressiste et classé à gauche par le parti précédent. Pour les aristocrates, l'aristocratie ne doit pas travailler, j'entends qu'elle estime qu'elle peut se passer du travail pour conserver sa supériorité morale tandis que les classes inférieures doivent travailler pour ne pas péricliter moralement.
Les darwinistes sociaux (derrière les sociobiologistes) seraient inclassables en ceci qu'ils estiment que l'utilité (et non le travail) justifie l'existence ou l'inexistence des individus, mais classés à droite en celà qu'ils jugent que cette utilité est portée dans l'essence même (origines sociales, hérédité génétique...) des individus ainsi triés.
persephone66 a écrit :
Si bien plus tard, sous le régime de Vichy apparaissait la devise "travail, famille, patrie", faut il en déduire qu'à cette époque le travail était (déjà) considéré presque unanimement comme une valeur de droite ?
J'y vois plutôt la double influence des socialistes vichystes et des moralistes pour qui le travail étouffe l'oisiveté et le déclin physique, intellectuel, matériel, spirituel et moral de la nation.
Les deux raisonnaient d'ailleurs en ceci que c'était bien par leur travail et leur production que les Allemands venaient de dominer matériellement et militairement la France.
persephone66 a écrit :
Ou était-ce surtout pour ce régime réactionnaire une façon de se valoriser aux yeux des conservateurs en suggérant fortement son opposition avec les valeurs prêtées par ces derniers à la gauche, la droite se plaisant à considérer les congés payés et la réduction de temps de travail comme la preuve de la paresse des travailleurs et feignant de voir en eux des "assistés" ?
Le dénigrement des assistés parasites, qui va des grosses fortunes rentières aux handicapés, aux RMistes et aux voleurs, n'est ni de gauche ni de droite. Je dirais qu'il croît en s'approchant des extrêmes du spectre politique (je le développerai pour l'extrême gauche dans ma réponse suivante).
Alain.g a écrit :
Le communisme russe magnifie le travail dans la propagande, les affiches, le stakhanovisme qui récompense les ouvriers les plus performants. En France on a le "retroussons nos manches" de Thorez en 1945.
Le socialisme semble plus dubitatif puisqu'il préconise depuis le 19è siècle la réduction de la durée du travail, réduction qui culmine avec le ministère du temps libre, les 40 heures de Blum, les 39 et plus tard les 35 heures. Sans compter la retraite à 60 ans. La flamme est entretenue par les projets de semaine de 25 heures à terme.
Les communistes héritiers des bolcheviques (tous les partis pro-soviétiques) ont utilisé un double discours.
Sous les régimes prosoviétiques, la propagande encensait le travail (la production) et l'oppression visait tous ceux qui l'entravaient, ouvriers et paysans revendicatifs, syndicalistes et grévistes compris :
Citer :
« La meilleure place pour un gréviste, ce moustique jaune et nuisible, pouvait-on lire dans la Pravda du 12 février 1920, c’est le camp de concentration ! »
1997, Le livre noir du communisme
Par contre-coup, le travail productif constituant une valeur dans les régimes prosoviétiques, leur propagande visait délibérément à le saper et à le déconsidérer dans les systèmes ennemis.
Les partis communistes prosoviétiques et syndicats associés, tels le couple PCF-CGT depuis les années 1930 en France, encourageaient ainsi tout ce qui détournait du travail : réductions du temps de travail, exigences d'aménagements matériels annexes (cotisations patronales, CE, espaces et temps de repos...), démoralisation et inquiétudes (en agitant des spectres tels que chômage, déstructurations, pénuries...), grèves, piquets de grève, sabotages, etc., tout ceci étant vigoureusement réprimé dans les régimes communistes.