Marc30, je ne pense pas que de Gaulle se soit trompé à court terme, quand bien même considérerait-on qu’il avait raison à long terme.
Sur l’Europe, il a essayé de construire une Europe européenne telle que vue par les français souverainistes, c’est-à-dire l’Europe levier d’Archimède de la puissance et des intérêts français. Il n’avait pas d’illusion sur l’importance des obstacles et les risques élevés d’échec.
Un extrait de Peyrefitte qui ne souffre pas d’ambiguité :
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article1899Il a tenté avec le plan Fouchet et le traité de l’Elysée. Il a échoué tout simplement parce qu’en face, il n’y avait pas de partenaire pour accepter de s’engager dans les visions françaises mais il n’y avait pas d’alternative.
L’Allemagne était atlantiste et avait toutes les raisons d’être atlantiste. Elle avait besoin du parapluie américain. Elle avait été reconstituée comme Etat sur initiative et volonté américaine. Elle était une colonie économique américaine. Sa classe dirigeante, politique et économique, était largement atlantiste. L’affaire du préambule rajouté par le Bundestag lors de la ratification du traité de l’Elysée en est la signature éclatante et définitive.
On préfère toujours un protecteur plus puissant et éloigné qu’un protecteur voisin et moins puissant. Les moyens et petits pays européens sont dans la même logique. La superpuissance distante les protège des appétits de la puissance voisine. L’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg étaient atlantistes également. Voilà tout.
Fallait-il pour autant ne rien faire et juste patienter et, en attendant l’hypothétique moment où d’autres se rallieraient à ses vues ? A mon avis, non. Le rôle des dirigeants est d’œuvrer à provoquer et si possible à hâter les évolutions qu’ils estiment dans leur intérêt.
Sur l’Angleterre, je suis évidemment d’accord avec le point de vue selon lequel il ne fallait pas les laisser entrer.
Le problème c’est que les 5 autres la voulaient très fortement à la roue. L’Allemagne se montrait certes conciliatrice sur la forme au plan politique et prenait soin de ne pas mettre la pression sur la France, mais l’industrie allemande poussait très fortement à la roue.
Et il y a aussi le fait que du point de vue des souverainistes gaullistes alors au pouvoir, l’Allemagne leur échappe dans la seconde moitié des années 1960, voire dès 1963. Ce sont aussi eux qui poussent à réviser la position de la France vis-à-vis de l’entrée du Royaume-Uni dans le marché commun. Pour eux, l’adhésion britannique permettrait à la France de trouver des appuis pour juguler une Allemagne qui échappe de plus en plus à l’influence française et qui prend des initiatives sans la France, initiatives éveillant la crainte de la France. Et elle ne serait pas illogique alors que de Gaulle et Debré souhaitent éviter que la structure CEE prenne plus d’importance, focalisés qu’ils sont sur les objectifs politiques de fond plus que sur la construction de « machins ».
http://books.openedition.org/iheid/1091?lang=frEt enfin, Jérôme, je ne vois pas en quoi de Gaulle est foncièrement responsable de l'échec d'un projet d'Europe fédérale. Les fédéralistes ont exercé le pouvoir pendant 30 ans de 1974 à 2005 (depuis aussi d'ailleurs, mais entre temps il y a eu l'expression cinglante du suffrage universel sur le projet de traité dit "constitutionnel" européen), gauche et droite confondues. Ils ont fait l'Acte unique. Ils ont fait le traité de Maastricht, le traité d'Amsterdam, l'euro, le traité de Nice et le traité de Lisbonne. Et pourtant ça n'avance pas parce qu'il n'y a pas d'adhésion politique majoritaire parmi les souverains que sont les peuples. Les pays riches européens se gargarisent parfois du mot de fédéralisme mais rejettent viscéralement l'idée de payer pour des partenaires aux niveaux de vie et de compétitivité très différent. C'est pourtant sur cela que se fonde un fédéralisme. Sinon ce n'est pas du fédéralisme.