Pouzet a écrit :
Ok merci, donc l'Assemblé nationale avait un très grand pouvoir sous la 4° république ?
Oui et non, sous la Quatrième, le régime français est un "bicamérisme de façade" pendant les premières années du régime, car l'essentiel du pouvoir parlementaire est entre les mains de l'Assemblée nationale. D'ailleurs, l'article 48 de la Constitution précise que les ministres ne sont pas responsables devant le Conseil de la République. Cependant, la Quatrième redevient un "véritable régime bicamériste" à partir de 1948-1949, quand le Conseil s'impose en contrepoids politique de l'Assemblée.
"Chambre de réflexion", selon le propos de Léon Blum lors de son discours inaugural, le Conseil de la République se limite d'abord à émettre des avis (que l'Assemblée décide ensuite de suivre ou de ne pas suivre) et n'a plus d'initiative législative comme sous la Troisième. La vie politique du Conseil débute, d'ailleurs, dans une atmosphère toute particulière, car son premier président, Auguste Champetier de Ribes (élu en décembre 1946, à égalité avec son concurrent et au bénéfice de l'âge, donc dans une chambre complètement divisée), est empêché par la maladie et finit par décéder en fonctions quelques mois plus tard.
A la tête du Conseil, le second président Gaston Monnerville (élu en mars 1947) fait oeuvre de reconquête. Les "conseillers" sont ainsi établis "sénateurs", le régime électoral est rapidement changé et la chambre haute se dote progressivement de nouveaux pouvoirs. La loi de septembre 1948, soutenue par le Président du Conseil Queuille, modifie ainsi le régime électoral des "sénateurs". Le système de 1946 prévoyait 200 sénateurs élus à la proportionnelle du nombre d'électeurs inscrits dans leurs circonscriptions, même modèle pour 14 sénateurs en Algérie, 7 sénateurs dans les départements d'outre-mer, 44 sénateurs dans les territoires d'outre-mer, 3 sénateurs pour le Maroc, 2 sénateurs pour la Tunisie et 3 sénateurs pour les Français de l'étranger. Enfin, 42 sénateurs étaient élus par les députés de l'Assemblée nationale, de manière proportionnelle. La loi de 1948 rétablit un régime voisin de celui de la Troisième République, favorisant la représentation des petites communes. Le système est d'ailleurs volontairement déséquilibré comme une sorte de "péréquation en faveur des petits territoires".
En 1949, le Conseil rétablit encore son droit d'interpellation. A l'issue des questions orales adressées au Gouvernement, les "sénateurs" adoptent des résolutions, sans conséquence politique mais avec une portée symbolique.
En 1953, le nouveau Président de la République, élu en Congrès (Assemblée nationale et Conseil), est l'ancien vice-président du Sénat René Coty, à l'issue de 13 tours d'élection. Le Conseil s'impose ainsi en "chambre de sagesse et de compromis". Pendant les 2 premiers tours, le député socialiste Marcel-Edmond Naegelen tient la barre (160 voix au 1er tour, 299 au 2ème tour), suivi de son opposant principal le député CNIP Joseph Laniel (155 voix au 1er tour, 276 voix au 2ème tour). A partir du 3ème tour, Laniel prend la tête sans majorité, systématiquement suivi de Naegelen (358 contre 313 au 3ème tour, 408 contre 344 au 4ème tour, 374 contre 312 au 5ème tour, 397 contre 306 au 6ème tour, 407 contre 303 au 7ème tour, 430 contre 381 au 8ème tour malgré l'entrée en jeu des députés CNIP Pinay et Jacquinot, 413 contre 365 au 9ème tour, 392 contre 358 au 10ème tour).
Au 11ème tour, Naegelen reprend la tête, tandis que Laniel se retire au profit de Jacquinot (candidat CNIP concurrent au 8ème tour). Naegelen remporte 388 voix, Jacquinot 338 voix, tandis qu'un nouveau candidat, le sénateur Coty entre en jeu et remporte 71 voix (en absence, car il est alors opéré de la prostate à l'hôpital). Au 12ème tour, en sa présence cette fois, Coty prend la tête avec 431 voix, contre 333 voix pour Naegelen et 26 pour Jacquinot, qui suivant les versions se retire, est forcé au retrait ou entretient une candidature malgré son absence. Il manque 12 voix à Coty pour être élu Président. Un 13ème tour est donc immédiatement organisé. Coty l'emporte avec 477 voix (soit 54,76% des parlementaires), devant Naegelen 329 voix et Jacquinot 21 voix. Un sénateur s'en va donc à l'Elysée.
Décembre 1954, dernier acte de cette montée en puissance du Conseil : la réforme constitutionnelle rend aux "sénateurs" le droit de discuter les propositions de loi (navette parlementaire), tout en gardant le dernier mot à l'Assemblée nationale, et redonne également le droit d'initiative parlementaire.