Rebecca West, comme on ne sait pas d’où viennent vos citations, il est un peu difficile de répondre à vos questions…
Néanmoins 2 points :
- oui il y a bien eu des questions entre les Alliés pour savoir quelle capacité de paiement aurait l’Allemagne. Et donc, la question portait aussi sur la manière de partager ce « maximum » payable par l’Allemagne et donc sur ce qu’il fallait y inclure (réparations des infrastructures détruites, du tonnage coulé, indemnités aux familles, pensions des veuves…). Par exemple, n’inclure que les dommages aux biens civils aurait fait la part « trop belle » aux Belges et aux Français, vu de Londres... Surtout l’évaluation complète des dégâts dans la zone des combats a pris beaucoup de temps. D’où le fait qu’aucun accord sur le montant n’intervient dans le délai du traité. Et je pense que déclarer que l’Allemagne est responsable et devra payer était aussi une manière (d’une maladresse et d’une rudesse insignes) de garantir qu’elle aurait à payer ce que la commission fixerait.
- oui je pense que la France a « trop » attendu des réparations, et surtout trop tardé à comprendre que Washington ne ferait preuve d’aucune souplesse pour le remboursement des dettes de guerre mais favoriserait au contraire des arrangements avec l’Allemagne. Mais d’un autre côté il était difficile de faire comprendre à l’opinion publique qu’il faudrait faire des efforts dans un tel contexte.
Léonard59 a écrit :
Ensuite, le fauteur de guerre en 1870, c'est le royaume de Prusse et son chancelier Bismarck. Celui-ci manœuvre pour amener la France à la guerre. D'accord, l'entourage de l'empereur l'aide bien, et les français suivent. Au point que ce sera la France qui va déclarer la guerre, alors que l'empereur sait que son armée n'est pas au niveau.
Sur l’aspect moral et politique, on peut discuter, mais formellement c’est la France qui déclare la guerre, et c’est la seule chose qui compte à l’époque (et qui permet à Bismarck de s’assurer de la neutralité de l’Europe dans l’affaire).
Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Pour moi la réponse est clairement non, si on regarde les paix de 1871 et de 1815
C'est discutable. Les contextes sont trop différents pour pousser pareille comparaison.
Le traité de Versailles est rédigé dans un esprit double : faire payer l'Allemagne, tout en prenant compte les velléités nationales, qui ont explosé tout au long du XIXème siècle en Europe. De manière très paradoxale, laisser des Allemands dans la nouvelle Pologne ou en Tchécoslovaquie est une bêtise sans nom ; au même titre, il est vrai, que lorsque l'Allemagne avait annexé un territoire en voie de francisation en 1871. Mais à cette date seuls deux pays sont engagés et ce sont les Français qui ont déclaré la guerre par vanité. Juste retour somme toute.
Je vous rejoins : le traité de Versailles est un mélange de diplomatie à l’ancienne (annexions, réparations, équilibre des puissances…) et de notions nouvelles (droits des peuples à disposer d’eux-mêmes). Un mélange instable dû aussi au fait qu’il est le point d’équilibre des intérêts divergents des vainqueurs. De ce fait il ne respecte pas les nouveaux principes dont il se prévaut (ce dont Hitler saura faire grand usage), sans pour autant que l’équilibre géopolitique qu’il instaure ne soit stable (contrairement à 1815 par exemple).
Duc de Raguse a écrit :
Par contre, accuser l'Allemagne seule de la responsabilité de la guerre et de lui faire payer des réparations est la cerise sur le gâteau. En 1815 les troupes coalisées sont en France et celle-ci est à genoux. En 1918 pas un soldat français n'a pénétré sur le territoire allemand ; l'Etat allemand n'est pas plus à genoux que le français...
Bref, on ne rédige pas un traité de paix comme si les mentalités n'avaient pas évoluées.
Mais il était impossible de faire autrement.
D’abord il ne faut pas oublier que, occupée ou non, l’Allemagne a demandé l’armistice, elle est vaincue. Et puis, si, l’État allemand est à genoux : son armée se disloque, sa flotte se mutine, le peuple crève de faim, une révolution chasse le Kaiser, les communistes prennent le pouvoir en Bavière. Rien de tout cela n’arrive en France ou au Royaume-Uni. Si Clemenceau et les Alliés avaient choisi de prolonger les hostilités de 2 mois, ils auraient occupé Berlin et l’histoire aurait été différente. Mais Clemenceau a jugé inacceptable de prolonger le carnage après tant de morts : peut-on le lui reprocher ? Aurait-il d’ailleurs pu le faire ?
Ensuite reprocher à Clemenceau l’usage de la « vieille politique » serait injuste. Dans la situation où il est, avec les parties industrielles du territoire dévastées par la guerre, une population qui reste inférieure à celle de l’Allemagne, la perte de l’allié russe, etc., il fait ce qu’ont fait les Alliés en 1815 et Bismarck en 1871 : il cherche des garanties que le vaincu ne pourra pas se venger dans un avenir prévisible. D’où les réparations, l’occupation de la Sarre, les pertes de territoires allemands, etc. Voudrait-il y renoncer que son gouvernement sauterait. Et puis peut-on l’imaginer, magnanime, renoncer aux réparations dans l’espoir (?!) que cela lui vaudra la bienveillance du vaincu …
Alors qu’en réalité :
- déclarer que l’Allemagne est responsable est sûrement une faute politique mais ne change rien à la vie des gens …
- le montant des réparations demandées ne sera pas payé (contrairement à 1815 et à 1871).
La propagande de l’extrême-droite allemande saura utiliser efficacement le traité de Versailles, mais aurait-il été différent, elle aurait trouvé autre chose.
Ceci dit, je serais intéressé de comparer le montant des réparations imposées à la France en 1815 (payées en 3 ans) et 1871 (aussi ), rapporté à sa « richesse » (PIB?) , par rapport à celles de 1919.
Je ne sais pas s’il existe des sources permettant ce type de calcul (c’est sans doute assez délicat).
Car je soupçonne qu’une partie du problème vient de là : les destructions de 1914-18 , donc les réparations demandées, sont sans commune mesure avec celles des conflits précédents.