Duc de Raguse a écrit :
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Le livre c'est "Le Péril Allemand", de J. Calmette. Livre écrit et publié juste après la guerre, il revient essentiellement sur les relations entre la France et l'Allemagne depuis le traité de Verdu en 843 (un de mes profs disait toujours "là où tout a commencé finalement" c'est vrai que pour peu, l'Europe aurait pu avoir une seule unité, du mois à l'Ouest, mais n'allons pas dans l'uchronie !).
Je mentionne ce livre ici car il y a tout une partie sur la Prusse et l'Allemagne au XIXe siècle, un excellent résumé pour comprendre la politique de Bismarck, cela complète les propos de N. Elias (qui avançait que l'Allemagne avait une aristocratie guerrière, là où les autres pays européens tendaient vers le libéralisme, globalement du moins).
J'avoue ne pas connaitre l'ouvrage, j'ai simplement comme souvenirs que son auteur était médiéviste - sinon, le nom de Calmette dans cette rubrique évoque plutôt chez moi le directeur du
Figaro, mort en 1914, sous les balles de Mme Caillaux (
).
Plus sérieusement, le retour que vous nous faites me laisse quelque peu dubitatif. Qu'un médiéviste s'essaie à un ouvrage (essai ?) global, passe encore - d'autres l'ont également fait -, mais le titre retenu (au sortir de la Seconde Guerre mondiale qui peut croire un instant que les Allemands souhaitent et soient seulement en état de "remettre le couvert" ?
) et les filiations/raccourcis opérés jusqu'au milieu du IXème siècle,
via le traité de Verdun, me paraissent quelque peu disproportionnés.
Je ne perçois pas bien non plus en quoi la mentalité des Allemands au XIXème siècle soit responsable de la prise du pouvoir par la NSDAP et Hitler en 1933.
Ces causalités et articulations factices - quel historien peut parler de
nations au IX siècle, au milieu d'une lutte entre dynastes francs pour détenir le pouvoir ? -, présentées un peu à l'emporte-pièce, me font penser au fameux
Sonderweg.
La date du livre semble correspondre, mais je pensais qu'à l'époque les auteurs étaient avant tout Allemands, le plus souvent de l'école marxiste, (avant la
querelle des années 1980) et non Français.
Bref, j'ai peur que nous nagions là en plein déterminisme - peut-être me corrigerez-vous là-dessus Commode-le-clément - et que cette vue de l'esprit s'accorde généralement mal avec les faits et les individus (ou du moins il faut les "tordre" quelque peu pour qu'ils s'articulent
fatalement avec la théorie avancée).
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Mais ça reste néanmoins un livre intéressant et très documenté pour comprendre la mentalité allemande du XIXe siècle
Sous quels aspects est-elle abordée ? (en dehors de la "trahison de classe" manifestée par la bourgeoisie allemande après 1848)
1) Je pense qu'il est important d'avoir à l'esprit, que ces historiens du début du siècle passé (et de la fin du XIXe siècle), étaient de très grands érudit. Médiéviste principalement, ça ne l'empêche pas d'avoir une connaissance de toutes les époques, une grande culture classique, c'est pour ça que ça ne me choque pas de le voir tenter de faire un essai sur ça. Soulignons également que c'est tout à l'honneur de l'auteur de donner sa propre opinion (là où aujourd'hui on impose à un historien d'être soi-disant le plus objectif du monde).
2) Ceci étant dit, je pense que vous m'avez mal lu, ou je me suis mal exprimé, mais je ne pense pas qu'on puisse parler de voie toute tracée (déterminisme). Quand il parcourt le XIXe siècle, il souligne bien que l'Allemagne aurait pu avoir une tout autre destinée si le vil roi de Prusse (pour traduire sa vision des choses) en 1848 n'avait pas réprimé les libéraux (qui lui proposaient la couronne impériale) ! Mais l'Allemagne au XIXe siècle, s'est unie par le sang et le fer, la Prusse et son organisation aristocratique et militariste, ce sont donnée une légitimité en unissant les Allemands grâce à trois guerres victorieuses.
Il revient également sur le pangermanisme et la vision suprémaciste allemande du XIXe siècle (il cite la fameuse phrase qu'aurait dit le Kaiser Guillaume II aurait dit : "pour moi, l'humanité s'arrête aux Vosges"), et rappel que non le nazisme ne vient pas de nulle part (n'oublions pas que le nazisme est une synthèse de tout un tas de courant en Allemagne, y compris des mouvements de gauches aussi). Après, là où pour moi il affabule, c'est de voir en Bismarck un vil être qui complotait contre la paix de l'univers, contre la France, alors qu'on a assez de recul pour comprendre que Bismarck était avant tout un politicien travaillant pour sa nation.
Par cela, il rejoint Norbert Elias, qui par un hasard que seuls les intellectuels peuvent parvenir, a repris également une étude de la violence de la culture allemande.
Etant plutôt germanophile (je veux dire j'aime beaucoup leur histoire et leur culture), il est évident que je vois plus loin, pour moi les Allemands ne sont pas de simples guerrier tout méchant qui veulent écraser l'autre. Mais c'est intéressant effectivement de comprendre, qu'il y avait un culte de la violence très développé au XIXe siècle, surtout dans les classes intellectuelles (donc celles qui dirigeaient l'Allemagne à l'époque, c'est-à-dire beaucoup de juristes et... d'historiens mes amis
). Mais là je digresse, car je parle plus de Norbert Elias, qui lui revient sur les Lumières en Allemagne, c'est Goethe et un certain pacifisme libéral. Donc non, comme vous le dites, tout n'était pas déterminé, mais l'Allemagne a emprunté un chemin particulier qui l'a amenée là où elle l'a amenée.
3) Pourquoi je vous conseillerais ce livre ? Pour avoir une vision d'un intellectuel après la Guerre, probablement qu'il écrit à chaud (je n'ai pas lu ses livres suivant mais j'ai des retours et il semble plus "modérés"). Et effectivement, pour beaucoup, la peur était que les Allemands recommencent. Et même s'il n'y avait pas de parti fort pour les représentés, il y avait pas mal de courants dans les anciens officiers qui auraient été motivé par un troisième acte ! Mais il est vrai que son avertissement à la fin du livre peut faire sourire (il met en garde contre le laxisme qui laisserait les Allemands recommencer une nouvelle guerre) !
Avis personnel : quand je rejoins ceux qui disent qu'en 843, tout a commencé, je ne partage pas l'avis d'auteurs qui diraient que dès le départ les Allemands étaient de vil être belliqueux, je souligne juste qu'effectivement, c'est le commencement de l'histoire de deux grandes nations !
J'espère avoir été complet !